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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Extension du domaine du copinage

Extension du domaine du copinage

“Le monde de la gastronomie et le milieu littéraire sont comparables. Ce sont des systèmes qui profitent à tout le monde sauf au consommateur », pouvait-on lire dans le Guardian récemment[1]. Quelles différences, en effet, entre un critique gastronomique peu scrupuleux, qui accepte d’écrire un bon papier en échange d’un traitement de VIP, et un juré d’un prix littéraire prestigieux, qui bénéficie année après année de traitements de faveur ? Selon Pierre Assouline[2], ce n’est pas bien difficile d’ « acheter » un juré : un bon déjeuner dans un restaurant huppé suffit largement.

Il suffirait de quelques mesures de bons sens pour assainir le système des prix littéraires. Tout d’abord, adopter le principe du jury tournant. Dans le cas de l’Orange Prize et du Man Booker, les deux prix les plus prestigieux en Grande-Bretagne, les jurés sont renouvelés chaque année. On y trouve bien sûr des romanciers mais aussi des universitaires, des personnalités des médias et même des acteurs. Cette année, Martha Kearney, une présentatrice de TV a dirigé le Orange Prize alors que l’actrice Fiona Shaw était jurée au Man Booker. Bien sûr, le système britannique n’est pas parfait : le lobbying des maisons d’édition existe, les pressions de la presse et des lecteurs également. Tout prix littéraire entraîne forcément du « bruit » (« extra-literary white noise[3]  »), qui risque d’influencer les jurés.

Le principe des jurys populaires (et donc tournants) existe également en France, mais uniquement pour des prix moins côtés : le Goncourt des lycéens et le prix Inter. Les lecteurs et libraires sont pourtant de plus en plus nombreux à plébisciter ces récompenses, qui ne concernent pas uniquement les grandes maisons d’édition. Ainsi Joël Egloff a obtenu le Prix Inter 2005 pour son roman L’étourdissement, édité par Buchet Chastel. Son roman, qui ne dépassait pas les 7000 exemplaires vendus avant d’être primé, s’est finalement vendu à 75 000 exemplaires.

Une autre mesure de bon sens consisterait à interdire aux salariés des maisons d’édition de figurer parmi les jurés, comme l’a proposé récemment Bernard Pivot. « Ce serait la moindre des choses, ce serait pourtant une révolution », a ajouté le journaliste et académicien Goncourt. Pourtant, le milieu germanopratin ne semble prêt à engager cette révolution, peut-être parce que le système bénéficie à tous, maisons d’édition, jurés et journalistes. Seuls les lecteurs ont tout à perdre de cette extension du domaine du copinage.

Lise-Marie Jaillant

http://wrath.typepad.com/

[2] France Inter, 2 novembre 2006



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4 réactions à cet article    


  • (---.---.111.205) 27 novembre 2006 13:10

    Euh, moi je me demande bien QUI peut se payer les restos recommandés par les critiques ? C’est un milieu un peu consanguin et franchement si les critiques sont biaisées, et bien tant pis pour eux !


    • (---.---.124.230) 27 novembre 2006 18:24

      Dans ’Le Monde des livres", supplément du Monde du 17 nov. Le sujet y est traité à fond sur 2 pages entières.


      • (---.---.245.28) 27 novembre 2006 21:04

        Cet article n’est pas bon parce que vous imaginez que les gens qui font du « copinage » sont des méchants.

        Or il faut bien voir qu’un bon livre dont personne ne parle n’est pas un bon livre, car si personne n’en parle, il n’existe pas ! Regardez dans votre bibliothèque, tout les livres que vous lisez sont des livres qui viennent forcément de quelque part.

        Il faut donc des personnes qui parlent des livres et ces personnes ont besoin d’aller au restaurant pour en parler. Elles sont donc très utiles. Qu’elles se trompent parfois n’est pas grave. smiley


        • Asp Explorer Asp Explorer 28 novembre 2006 07:40

          J’ai vu récemment un intéressant reportage consacré au goncourt 2004, réalisé tout au long de ce grotesque marathon. Au début de l’été, un critique littéraire déballe les envois des maisons d’édition, sort deux bouquins et dit en substance « si le goncourt n’est pas un de ces deux livres, il faut que je change de métier ». Avant même d’en avoir lu une ligne, évidemment. Quelques mois plus tard, l’homme était toujours critique littéraire, ça s’était effectivement joué entre les deux bouquins. Preuve que la qualité littéraire n’a rien à voir avec l’obtention des prix. D’ailleurs, il semble bien que cette année, les jurés n’avaient même pas lu le goncourt...

          Tout ce bruit et toute cette corruption pour un secteur d’activité qui ne représente, économiquement, rien, et qui a de moins en moins d’influence sur la vraie vie intellectuelle.

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