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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Folle journée : cap vers le Nouveau Monde

Folle journée : cap vers le Nouveau Monde

Comme chaque année à Nantes, la Folle Journée drainera vers le Palais des Congrès – du mercredi 29 janvier au dimanche 2 février – la foule des amateurs de musique. Au programme de l’édition 2014, joliment intitulée « Des canyons aux étoiles », la musique américaine de 1850 à nos jours...

Tous les amateurs de musique classique le savent, la Folle Journée, c’est depuis quelques années... 5 jours de musique comme ne l’indique pas son nom, hérité d’une 1ère édition, nettement plus modeste, organisée en 1995 autour de Mozart. Avec 270 concerts au programme – contre 38 lors du lancement –, 46 conférences données par les plus éminents musicologues et des animations musicales gratuites, le public devrait sans nul doute trouver dans cette 20e édition de quoi s’enthousiasmer s’il apprécie les musiques composées, depuis le milieu du 19e siècle, sur le sol des États-Unis ou à la gloire du Nouveau Monde. Des musiques que le poétique sous-titre de cette Folle Journée, emprunté à l’une des œuvres majeures d’Olivier Messiaen, symbolise parfaitement : Des canyons aux étoiles.

Au fil du temps, le concept a évolué et les portes ont progressivement été ouvertes à des artistes ou à des interprètes en marge de la tradition purement classique pour satisfaire un plus large public en fonction du thème retenu. La Folle Journée 2014 va toutefois plus loin en se démarquant de manière spectaculaire des précédentes éditions : cette fois-ci, le festival a été résolument placé sous le signe de l’innovation. Il est vrai que le thème retenu se prêtait parfaitement à un élargissement vers des formes d’expression musicales moins ancrées, c’est le moins que l’on puisse dire, dans la tradition classique. Le patron du festival, René Martin, et ses collaborateurs n’en ont pas moins choisi de programmer très largement les célèbres partitions de maîtres comme Samuel Barber, Aaron Copland, Erich Wolfgang Korngold, Sergueï Rachmaninov ou John Williams. Mais ils également tenu à proposer, à côté de ces œuvres incontournables, des pièces de gospel, de jazz, de swing, et même de funk. Avec, en fil rouge, une place d’honneur pour un compositeur américain au carrefour des influences : l’incontournable George Gershwin dont la célébrissime Rhapsodie in Blue sera interprétée à plusieurs reprises.

On pourra également entendre dans les salles du Palais des Congrès des extraits de ces comédies musicales qui, à l’image de « West Side Story », ont acquis, sur les planches de Broadway, leurs lettres de noblesse. Plus surprenant encore : des musiques de film, telles « Les 7 mercenaires » de Bernstein, « La panthère rose » de Mancini ou « Les dents de la mer » de Williams seront interprétées par les artistes ou les formations de renom qui, chaque année, participent à ce festival populaire. On est là très loin du concerto pour clarinette de Copland, du concerto pour violon de Korngold ou du 3e concerto pour piano de Rachmaninov, pour ne citer que ces œuvres qui seront évidemment jouées lors de cette édition 2014.

Venu du rock et du jazz, René Martin a fait cette année un pari en se démarquant ainsi de la tradition classique de cette Folle Journée qu’il avait lui-même initiée et dont il reste le passionné directeur artistique : attirer à Nantes un public toujours aussi nombreux malgré une programmation nettement plus éclectique. Le Comité d’organisation, la ville de Nantes et les partenaires financiers ont-ils pris un risque en lui emboîtant le pas dans cette voie ? Nous le saurons dans les jours à venir, mais si l’on se réfère au nombre considérable des concerts qui affichent complet avant même que soit donné le « la » du premier d’entre eux, on peut gager que le pari sera réussi.

Faut-il pour autant continuer dans cette voie ou, au contraire, revenir dès l’année prochaine à une programmation plus centrée sur l’âge d’or du classique, autrement dit sur les musiques représentatives des périodes allant du baroque au préromantique, complètement délaissées depuis l’édition 2009 ? Il appartiendra à René Martin de répondre à cette question avant la clôture du festival. Mais l’on sait que le patron de la Folle Journée est, par goût, beaucoup plus tourné vers les musiques romantiques et contemporaines auxquelles il a fait une très large, et peut-être trop large part ces dernières années. Imposera-t-il, une nouvelle fois, ses propres choix, ou entendra-t-il les voix, nombreuses, qui s’élèvent pour demander le retour rapide d’une édition consacrée aux maîtres du classique, à commencer par les Stamitz, Haydn et Mozart ? Et que dire de l’absence de la musique italienne à Nantes ? Une Folle Journée intitulée De Vivaldi à Verdi ravirait pourtant les très nombreux amateurs des musiques transalpines. Réponse dimanche en direct du studio décentralisé de France-Musique au cœur de l’évènement.

Ces questions posées, revenons à la programmation 2014. Une place de choix y est naturellement donnée aux compositeurs américains et l’on retrouve avec un grand plaisir dans cette programmation des œuvres emblématiques comme Grand Canyon Suite de Rudoph von Grofé ou Billy The Kid Suite d'Aaron Copland. Mais il était impossible, avec un thème centré sur les États-Unis, de ne pas mettre à l’honneur le grand Antonín Dvořák dont le voyage au Nouveau Monde a marqué une étape déterminante de sa carrière. Plus que tout autre compositeur, le Tchèque a su rendre hommage à ces terres d’outre-Atlantique et aux hommes qui les ont mises en valeur durant les trois années qu’il a passées à New York comme directeur du Conservatoire. Dvořák est, pour cela, aller puiser dans le terreau culturel local, y compris indien, les thèmes qu’il a, avec un exceptionnel brio, su mêler au patrimoine de Bohème pour créer l’une des symphonies les plus spectaculaires et les plus jouées en concert sur la planète : la symphonie du Nouveau Monde. Cette œuvre formidable sera bien sûr interprétée durant la Folle Journée, le mercredi 29 janvier à 20 h 15 par l’Orchestre symphonique de l’Oural, et le samedi 1er février à 14 h 15 par l’Orchestre national des Pays de Loire, d’autres opus du compositeur tchèque étant également programmés, notamment son superbe concerto pour violoncelle.

Le premier concert de la Folle Journée 2014 aura lieu le mercredi à 14 h 00 dans le grand auditorium : la Sinfonia Varsovia, dirigée par Jean-Jacques Kantorow, y interprétera Un Américain à Paris de Gershwin et la Suite orchestrale de West Side Story de Berstein. 269 autres concerts suivront dans des salles de différentes capacités rebaptisées pour la circonstance du nom d’éminents écrivains américains, tels Faulkner, Fitzgerald et Hemingway, parrains des trois plus importantes salles de concert.

Et si vous cherchez une excellente table dans un cadre classé pour compléter votre séjour à Nantes, n’hésitez pas à déjeuner ou à dîner dans le somptueux décor de La Cigale (réservation indispensable). Bon appétit et surtout bonne musique !

Pour tout savoir sur la Folle Journée 2014 : le site officiel.


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13 réactions à cet article    


  • Julien30 Julien30 28 janvier 2014 11:19

    Un exemple de plus de soumission à la culture américaine, c’est vrai que ça manquait...


    • Fergus Fergus 28 janvier 2014 11:34

      Bonjour, Julien30.

      Voilà un commentaire pour le moins inattendu. Je ne me souviens pas avoir lu sous votre plume la même accusation lorsque la Folle Journée a été consacrée à la musique russe en 2012. C’est oublier également que la Folle Journée a été centrée en 2005 sur L’Harmonie des Nations et en 2006 sur L’Harmonie des Peuples.

      Que vous n’ayez pas une grande sympathie pour les Etats-Unis, je le comprends d’autant mieux que je suis sans doute assez proche de votre défiance politique à l’égard de ce pays ultralibéral et hégémoniste. Mais on ne peut nier que son histoire et ses grands espaces aient produit, dans la population américaine et chez des compositeurs étrangers, de la musique de qualité. Devrait-on ignorer ces œuvres au motif que la politique menée par Obama reste tout aussi calamiteuse pour la planète que celle de ses prédécesseurs ?


    • Julien30 Julien30 28 janvier 2014 12:01

      La culture américain a produit, et produit toujours, de l’excellente musique mais il me semble qu’elle a déjà bien été assez mis en avant comme ça et continue de l’être, jusqu’à l’overdose et encore au-delà, donc oui le faire encore une fois à cette occasion, cela ressemble à de la soumission, de la démission.
      C’est aussi une guerre cullturelle qui a lieu, et ce n’est pas parce que nous l’avons en bonne partie perdue qu’il faut saisir la moindre occasion d’organiser une parade en l’honneur des troupes de l’ennemi.


    • Fergus Fergus 28 janvier 2014 12:15

      @ Julien30.

      Il ne s’agit pas de cela, mais de constater que la musique américaine méritait qu’une Folle Journée lui soit consacrée. C’est cette année, mais cela aurait tout aussi bien pu être il y a 5 ans ou dans 5 ans. Devait-on évacuer toute référence à cette culture musicale ? Certainement pas.

      N’oublions pas, en outre, qu’une majorité des œuvres au programme ont été écrites il y a des décennies et certaines d’entre elles, et pas les moins importantes, au... 19e siècle, autrement dit à une époque où le regard géopolitique était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui.

      Non à la censure pour de mauvais motifs !


    • Julien30 Julien30 28 janvier 2014 12:37

      Vous ne comprenez pas ce que je dis.


    • Fergus Fergus 28 janvier 2014 15:00

      @ Julien30.

      Que la culture musicale américaine ait pris le pas sur les créations des autres continents au point de leur imposer ses codes, ce n’est pas contestable, mais pas dans le domaine classique. Or c’est de cela qu’il s’agit ici, même s’il y a des incursions dans des genres plus variés, mais le plus souvent sur la base d’œuvres écrites par des compositeurs qui sont au départ de formation classique ou qui, venus d’ailleurs, se sont essayés à une écriture plus classique dans l’orchestration, à l’image d’Arie Shaw et de son concerto pour clarinette, au croisement de l’écriture jazz et de l’écriture classique contemporaine, même si cette œuvre reste fortement influencée par le jazz (ce concerto est évidemment interprété lors de la Folle Journée).

      Bonne journée.


    • Fergus Fergus 2 février 2014 14:34

      Bonjour à tous.

      Info : Sans attendre la fin de cette Folle Journée, René Martin a dévoilé le thème qui a été retenu pour 2015. Ce sera le retour au baroque avec un thème basé sur 1685, année de naissance de Bach, Haendel et Scarlatti (le fils, Domenico). Sans doute pourra-t-on également y entendre des oeuvres de Monn, Telemann, Albinoni, Corelli et Vivaldi, pour ne citer que les plus connus


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 2 février 2014 14:45

        Cinq journées baroques ...Suis preneur ! smiley


      • Fergus Fergus 2 février 2014 15:51

        Bonjour, Aïta

        Moi aussi, voilà une édition qui devrait me combler


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 3 février 2014 23:37

        Bonsoir Fergus , aux victoires ce soir ,juste à l’instant :pourquoi jouer Bach à ce tempo élevé ?
        Plusieurs fois que je remarque celà ,et le sel ,l’appogiature disparait ... smiley
        Cette mode ... smiley


      • Fergus Fergus 4 février 2014 09:12

        Bonjour, Aïta.

        Etant pris par ailleurs (au cinéma pour le formidable film de Kore Eda « Tel père, tel fils »), je n’ai pu regarder la cérémonie d’hier soir, et je ne sais par conséquent rien de ce qui a été joué - et de quelle manière - durant cette soirée. Peut-être Antoine, par ailleurs beaucoup plus expert que moi en technique musicale, pourrait-il répondre à cette question s’il lit ces commentaires...


      • Antoine 4 février 2014 00:07

        Fergus, vous auriez pu profiter de l’occasion pour verser une larme sur le cercueil de Claudio Abbado...


        • Fergus Fergus 4 février 2014 09:06

          Bonjour, Antoine.

          Vous avez raison. J’ai d’ailleurs envisagé d’écrire un article sur ce grand chef d’orchestre qui a dirigé les plus grandes formations, et notamment le London Symphony Orchestra et l’Orchestre Philharmonique de Vienne avant de succéder à Karajan pour prendre la direction, durant plus d’une décennie, de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Une carrière brillante, saluée comme il se doit par les plus prestigieux de ses confrères et des solistes avec lesquels il a collaboré.

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