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Hold on* (*ne quittez pas (ou accrochez-vous)

Ecriture collective, LE LAABO, mise en scène Anne Astolfe, avec Pascale Fournier, Gaëtan Gauvain, Julie Déliquet, la Manufacture, à la patinoire (aller et retour en bus-navette) Festival d’Avignon. Tournée ensuite.

Hold on renoue avec une vision éloignée du travail : sa dimension corporelle. On croyait que le corps au travail était généralement assis dans la plupart des métiers ou emplois modernes et que rien ne pouvait déranger cette nouvelle manière. Exit le corps au travail. On croyait que les corps n'étaient plus le prolongement des machines (ce qui avait donné artistiquement « les temps modernes » comme chef d'œuvre), on croyait que les temps ultra-modernes ou post-modernes ne pouvaient plus explorer cette voie.

Hold on travaille sur ce corps, (faussement) absent, dans un central téléphonique. Anne Astolfe a travaillé à l’école de Jacques Lecoq, dont on ne dira jamais assez la force et la pertinence. Le corps est toujours là, même assis. Tout reste dans le corps, la répétition du discours produit le geste du corps qui « s'occupe » et accompagne cette terrible répétition, la souris d'ordinateur... la progression du discours entraîne la progression vocale, le geste d'exaltation... que l'inconnu dont il faut faire un futur client ne voit pas, mais ? Comme le conseillent les managers : « Souris, ça s'entend. » et se lever, fière ou fier, quand quelque chose s'enclenche avec un « client » s’entend aussi. Bref, le corps reste présent et actif même s'il fait moins de gestes et est moins « cinématographique ».

Les méthodes de travail, l'organisation du travail, si elles ont bien changé depuis les temps modernes, ont le même but que celles que l'on voit dans Métropolis de Fritz Lang » : désindividualiser l'individu, le réduire à son action, à sa tâche, le déshumaniser en lui ôtant toute singularité. Ce qui est impossible. Tout en restant odieux pour celles et ceux qui y sont soumis et pour tous. Et cette violence existentielle trouve des ruses, des interstices minuscules d'où la personne s'échappe, fuit... comme de l'eau. Contrainte et stagnante un temps, l'eau finit toujours par couler, s’infiltrer ou s'évaporer. Il en est de même de ces travailleurs du téléphone et de la vente... la voix charmante d'un jeune homme du même âge que la téléopératrice... Hummm… Toutes les injonctions professionnelles finissent par s’oublier et disparaître.

Aussi, les relations entre ces téléopérateurs (des deux sexes) rejoignent les pires turpitudes qui sont d'ordinaire attribuées aux familles.

Hold on contient une scène désopilante de combats à trois pour un orgueil qui finira par se retourner contre la vainqueuse. Le comique de situation est rare et celui-ci est particulièrement savoureux.

Trois tables, trois chaises, le dispositif téléphonique figuré par un casque et un micro, trois acteurs. Tous les employés s'appellent Dominique Lambert. « Comment tu t'appelles, en vrai ? _ Gaëtan _ Oublie Gaëtan Dominique, il nous faut des gagnants... » Bing, prends-toi ça dans la tronche. La disposition des tables qui varie formalise les situations jouées. Quelquefois, les acteurs sortent de leur rôle et jouent les rapports hiérarchiques, ce qui peut exister dans l'entreprise... ce qui sert i=aussi à en montrer toute la cruauté.

Un spectacle d'une très grande finesse, d'une très grande économie de moyen, léger et profond, qui travaille sur l'horreur d'un certain management à la répression déguisée en coaching et formation permanente (les appels sont écoutés mais c'est pour une aide éventuelle) et la continuation de la vie et de sa liberté inaliénable, quoiqu'il en soit.


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