Ils construisent un château fort
Ils en est qui bâtissent des châteaux en Espagne ; Michel Guyot, lui, érige le sien en Puisaye. Un vrai ! Avec d’épaisses murailles et des tours, conçu dans le plus pur respect des techniques du XIIIème siècle, sans autres matériaux ni outils que ceux qu’utilisaient les « oeuvriers » médiévaux.
- ©JPPorcher
L’idée à la base peut paraître légèrement incongrue. L’important chantier est pourtant lancé depuis 1997, projetant le site de Guédelon, près de St Fargeau au sud de l’Yonne, huit siècles dans le passé.
Pour Michel Guyot, amoureux de vieilles pierres, il s’agissait de réaliser un rêve d’enfant. L’histoire commence quand Michel et son frère Jacques achètent en 1979 pour 100.000 francs le château en fort mauvais état de St Fargeau. Il réussi à convaincre les villageois de monter un spectacle historique avec l’aide de 600 bénévoles. Depuis quinze ans, chaque été plus de cent mille visiteurs assistent à ce son et lumière, et les recettes investies dans la restauration permettent de sauver le chef d’oeuvre en péril.
Le projet de Guédelon, a pris corps en 1996, quand Michel rencontre Maryline Martin. Native d’Auxerre, cette ancienne étudiante de l’école du Louvre partage la même passion pour l’archéologie et l’histoire. Le duo réunit les fonds nécessaires au démarrage du chantier auprès de partenaires privés et de fondations. Ils créent l’association des « Compagnons bâtisseurs de Puisaye ». Michel Guyot devient le président, laissant à Maryline le soin de diriger l’insolite chantier. Femme éclectique, elle assure direction, administration, communication. Travailler en maçonnerie, poser des pierres, elle adore ça. Dans un milieu plutôt « macho », où il n’est pas évident de manager des hommes, elle a remplacé les muscles par une gentillesse toute naturelle : « Quand on est une femme, on arrive à faire passer les choses sans heurt et sans coup de gueule ».
- ©JPPorcher
Véritable laboratoire à ciel ouvert, le site est accessible au public. Chaque année entre mars et novembre, tours, courtines, logis ou encore remparts peuvent être admirés par les visiteurs. Ce chantier ouvert aux visites, et la vente des billets d’entrée (250.000 visiteurs annuels, dont 70.000 enfants, et une importante proportion d'étrangers), permet à l’entreprise de s’autofinancer. Comme un défi intemporel, cet évolutif chantier offre à ses visiteurs un spectacle unique. Au delà du tourisme traditionnel il suscite un réel intérêt historique. La reconstitution scrupuleuse des méthodes de l’époque est étroitement surveillée par un comité éthique d’archéologues et d’historiens.
Depuis juin 1997, pose de la première pierre, les historiens qui vivent cette aventure en direct, ont pu constater quelques points, comme la manière d’agencer une escarpe ou la composition du mortier. Les « oeuvriers » en ont pour vingt ans. Tout va lentement quand on oeuvre à l’ancienne, et en quasi-autarcie. Le site, une ancienne carrière de grès ferrugineux en forêt de Puisaye, a été choisi parce qu’il offrait toutes les ressources indispensables (eau, bois, pierre, fer et terre).
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Bien entendu, on ne compte pas en mètres, mais en palmes, en coudées et en toises. Les mesures se font à l’aide d’une corde à treize noeuds. Le temps de travail annualisé est calqué sur le rythme médiéval, très intense aux beaux jours, alors que l’hiver le chantier sommeille. Naturellement, les « oeuvriers » travaillent en tenue médiévale. Seuls anachronismes : certains portent des lunettes et tous, inspection du travail oblige, ont des chaussures de sécurité. Pour le reste, l’illusion est totale. En arpentant le chantier, le visiteur découvre les différents stades de la construction médiévale comme s’il était en 1.230.
- ©JPPorcher
Des fosses d'argile recouvertes d'eau sont présentes en forêt. Les tuiliers doivent régulièrement délayer l'argile et l'eau afin d'obtenir à terme une barbotine (mélange assez fluide)
Celle-ci est ensuite prélevée, nettoyée, épurée et malaxée. Elle sera ensuite appliquée dans des moules en bois pour former tuiles et carreaux de pavement. Après un temps de séchage à l'air libre, les tuiles et carreaux vont cuire pendant 4 jours et 3 nuits à une température de 1 000° environ.
Cette idée folle de construire un château, donne depuis 16 ans, du travail à une cinquantaine de personnes, elle a permis aussi l'ouverture de la région au tourisme. Venir à Guédelon, c'est plonger dans l'histoire médiévale en découvrant des métiers anciens, des techniques et une manière de vivre. Un voyage dans le temps qui ne laisse pas indifférent.
- ©JPPorcher – Maryline Martin en 1997 lors de la pose de la première pierre
Lorsque le château sera achevé, il restera à le peupler. Et à passer au stade suivant, car Michel Guyot ne compte pas en rester là « Nous avons un projet sur cent ans avec Maryline. Un village médiéval verra le jour autour du château, et pourquoi pas une cathédrale… »
Contexte architectural
Aucun vestige, aucune ruine, aucun bâtiment existant. Le futur château de Guédelon est une pure création utilisant les canons architecturaux instaurés par Philippe-Auguste aux XIIè et XIIIè siècle. Philippe-Auguste, roi de France de 1180 à 1223, est à l'origine d'une standardisation de l'architecture militaire des châteaux dans les territoires philippiens. Les châteaux du Louvre à Paris, de Yèvre-le-Châtel dans le Loiret ou localement celui de Ratilly ou de Druyes-les-Belles-Fontaines dans l'Yonne en sont quelques exemples.
Un château dit philippien se caractérise de la façon suivante : un plan polygonal constitué de hautes courtines maçonnées dont les bases sont souvent talutées ; au pied de ces courtines, un fossé sec, des tours d'angle cylindriques munies d'archères à ébrasement simple et disposées en quinconce suivant les niveaux ; une tour d'angle, plus haute et plus grosse : la tour maîtresse, un châtelet entre deux tours défensif à l'entrée.
A cette période, Philippe-Auguste avait initié par le biais de traités, d'alliances et de mariages
une politique capétienne d'expansion durable. Ce qui justifie l'adoption en terre icaunaise
d'un modèle architectural francilien et non pas bourguignon.
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