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Irène Nemirovsky

Voici un roman exceptionnel, autant pour son contenu que pour l’histoire qui l’entoure. Son auteur, Irène Némirovsky, disparaît à Auschwitz, en 1942. 60 ans plus tard, sa fille a pu sauver ce manuscrit de l’oubli.

A la dernière Foire de Frankfort, où les éditeurs du monde entier se donnent rendez-vous, une jeune femme de 39 ans a été au centre d’une frénésie sans précèdent. En quelques jours, les droits de tous ses livres se sont vendus dans le monde entier. De qui s’agit-il ? D’Irène Némirovsky, romancière française d’origine juive ukrainienne, morte en 1942. Elle s’était fait connaître en France, à 20 ans, avec la parution de son premier roman « David Golder » (1930, Grasset), et quatre livres avaient suivi, auréolés de succès. Le Tout Paris des lettres appréciait son style alerte, sa lucidité teintée d’ironie et d’humour, étonnante chez une aussi jeune femme.

Irène Némirovsky portait l’étoile jaune et se savait en danger. Mais elle avait choisi de rester en France, pays qui l’accueillait depuis 20 ans, et qui aimait ses livres. Elle fut arrêtée en juillet 1942 et déportée. Son mari, Michel Epstein, déporté à son tour, périra comme elle à Auschwitz. Seules rescapées de ce drame, les deux filles du couple, Denise, 13 ans, et Elisabeth, 5 ans.

Les deux sœurs ont passé le reste de la guerre cachées chez une nourrice, en province. Dans sa fuite, Denise a pu sauver une valise contenant des photos, des lettres, et un grand carnet en cuir dont sa mère ne se séparait jamais. Ce manuscrit est resté dans l’ombre pendant soixante ans. Aucune des sœurs n’avaient le courage de l’ouvrir et de le déchiffrer. Trop de douleur, de peine. Elisabeth est devenue un écrivain reconnu et une éditrice appréciée, sous le nom d’Elisabeth Gille. Elle a souhaité rendre hommage à sa mère disparue en lui consacrant une remarquable biographie « rêvée » : Mirador, (Stock). Un cancer l’a emportée en 1996.

Quelques années plus tard, Denise Epstein ressent enfin la force d’ouvrir le carnet d’Irène. Pendant deux ans, munie d’une loupe, elle retranscrira le manuscrit de sa mère, et se rendra vite compte qu’il s’agit d’une œuvre capitale. Elle décide de faire publier ce livre inachevé, composé des deux premières parties écrites avant la déportation d’Irène.

Dès juin 1940, lors de l’armistice, Irène Némirovsky avait commencé « Suite Française », vaste roman composé de plusieurs parties, qu’elle considère comme son livre le plus travaillé, le plus abouti, sorte de Guerre et Paix personnel. Elle offre au lecteur une vision à la fois cruelle et dérisoire d’une France en pleine débâcle, jetée sur les routes de l’exode. Au fil des pages se succèdent des portraits sans complaisance de familles françaises de milieux divers, prises dans la tourmente de l’occupation. Sous sa plume talentueuse, à la fois drôle et grave, lâchetés et solidarités se côtoient. L’âme humaine est mise à nu avec une tendresse acide qui fait mouche. Dans ses notes de travail, qu’on trouve à la fin de roman, on lit : « Mon Dieu ! Que me fait ce pays ? Puisqu’il me rejette, considérons le froidement, regardons le perdre son honneur et sa vie. »

A 75 ans, sa fille Denise suit la renaissance littéraire d’Irène avec émotion. « Mon bonheur est absolu, confie-t-elle, même si la douleur de l’absence de maman est toujours là. Mais aujourd’hui, elle n’est plus une victime. Elle est un grand écrivain. »

Prix Renaudot 2004


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