Joseph en Egypte, enquête et contre-enquête.
« Nous n’avons pas la moindre trace, pas un seul mot, mentionnant la présence d’Israélites en Égypte : pas une seule inscription monumentale sur les murs des temples, pas une seule inscription funéraire, pas un seul papyrus. L’absence d’Israël est totale - que ce soit comme ennemi potentiel de l’Égypte, comme ami, ou comme peuple asservi. » (I. Finkelstein et N. Silberman, La Bible dévoilée, Bayard, 2002.)
Dans son documentaire des 24 et 25 décembre dernier, la chaîne Arte et la 5 ont présenté l’enquête des deux auteurs précités en mettant en exergue une nouvelle archéologie dite scientifique dont la méthode aurait révolutionné une archéologie biblique traditionnelle qui a échoué dans son désir de prouver l’historicité de la Bible. Selon le présentateur, cette enquête prouve que les histoires des patriarches, d’Abraham jusqu’à Moïse et Josué, ont été inventées au VIIe siècle avant J.-C. par le roi de Juda, Josias. Après nos deux articles sur Adam et Ève et sur Abraham, voici la suite de notre contre-enquête.
La Bible. Pour mener notre contre-enquête, nous avons repris le fil de notre histoire biblique au point où nous l’avons laissée lorsque les troupes de Jacob se sont retrouvées face au même problème qu’Abraham avait déjà connu : la famine. A Pharaon qui leur demande ce qu’ils font dans la vie - biblia dixit -, les chefs hébreux (Jacob) répondent : « Nous sommes tes serviteurs, des bergers comme l’étaient nos pères. Nous nous occupons de troupeaux que nous menons paître. Mais comme la famine règne en pays de Canaan, nous sommes venus te demander l’autorisation de nous installer dans le pays de Gochen, avec notre petit et gros bétail...Cela fait 130 ans que nous voyageons. »
- Panneau mosaïqué d’Ur. British museum.
Traduction : Nous n’ignorons pas que le pays de Canaan est sous protectorat égyptien et que nous te devons dévouement et obéissance. Comme Abraham, qui s’est mis à ton service jadis, nous sommes des chefs d’armées qui maintenons l’ordre sur ton territoire. Mais à cause de la famine qui sévit actuellement dans le pays, nous te demandons l’autorisation de nous installer en garnison dans le pays de Gochen, avec nos troupes à pied et nos éléments portés... Moi, Jacob, cela fait 130 ans que je pérégrine. Faisons un petit calcul : 2005, naissance de Jacob, moins 1875, date d’entrée en Egypte, cela fait 130 ans ; il y a concordance. Et le pharaon d’ajouter : « Et s’il y a parmi eux des gens compétents, qu’on les mette aussi à la tête de mes troupeaux. »
Documents extérieurs et logique militaire. A cette époque, le pharaon d’Egypte porte le nom de Senousret III (ou Sesostris). Lorsque son prédécesseur Senousret II se glorifie d’avoir
- Sesostris
envahi le pays de Retenou (la Palestine) jusqu’à Sekmen (Sichem), on devine qu’il ne fait que reprendre à son compte les exploits de Jacob. Lorsque Manethos et Philon disent que Moïse s’appelait Osarseph, cela signifie qu’il était prêtre d’Osiris. Cela signifie que Joseph, son prédécesseur et fils de Jacob, l’était aussi et que c’est par une réécriture de scribe que le nom d’Osarseph s’est transformé en Io-seph, prêtre de Yahvé (lorsque le peuple d’Israël a choisi ce nouveau nom de Dieu). Dans le texte originel de la Bible, il faut donc lire Osarseph au lieu de Joseph. Cette histoire de Joseph - notamment quand il demande à ses frères de le rejoindre avec leurs troupes - nous éclaire sur le grave conflit qui a déchiré l’Egypte de cette époque entre les prêtres d’Amon et ceux d’Osiris (notre thèse).
Une situation de conflit tout ce qu’il y a de plus classique. L’ancien clergé d’Amon essaie de maintenir ses privilèges "aristocratiques" face à un clergé de fondation plus récente, celui d’Osiris. Le premier peut compter sur les chefs de l’armée (l’eunuque Putiphar de la Bible), le second est promu par Sesostris et compte sur les troupes araméennes (Jacob et ses fils) que Osarseph/Joseph a appelées à son secours. Ces derniers s’installent dans le pays de Gochen. Ils fondent Avaris et établissent leur autorité sur tout le delta tandis que l’armée pharaonique restée fidèle au dieu Amon (la femme de Putiphar) se replie dans le sud, à Thèbes. A ces envahisseurs, les textes ont donné le nom de Hyksos (notre thèse : Hyksos = Hébreux). Ces Hyksos ne sont pas des inconnus. Citations : Appelés rois pasteurs par Manéthon, ou aussi chefs des pays lointains, ces envahisseurs venus d’Asie, s’implantèrent dans le nord de l’Egypte, vers 1785 avant J.-C., à la faveur de troubles et de rivalités qui naissent avec la XIIIe dynastie. Alors que ces Hyksôs, que les Égyptiens appelleront Hêqa Kahsout, se rendent maître du delta, les pharaons continuent à régner depuis Thèbes. Peu de choses sont connues à propos de ce peuple et nous réduisent à des hypothèses, toutes plus vraisemblables les unes que les autres (http://www.egyptos.net). Toutes les provinces font allégeance aux souverains Hyksôs. Même Thèbes, qui sera plus tard le foyer de la rébellion, semble s’y plier (Wikipedia). Les Hyksôs introduisirent de nouvelles armes : hache, dague de fer et surtout le char tiré par des chevaux.
Un dénouement tout ce qu’il y a de plus classique. « Je suis Sékénenrê, roi de Thèbes, j’ai commencé à libérer l’Egypte. J’ai lutté contre le “roi pasteur”, Apôpi, qui résidait à Avaris. Je suis mort au combat, la tête fracassée par les armes de mes adversaires. » « Je suis Kamès, roi de Thèbes, j’ai lutté contre mes adversaires qui régnaient encore de mon temps sur plus de la moitié de l’Egypte jusqu’à Cusae. Je les ai vaincus et ai reconquis le pays jusqu’à Hermopolis ». « Je suis Ahmès Ier, roi d’Egypte. J’ai poursuivi mes adversaires au-delà des frontières de l’Egypte. Pendant trois ans, j’ai assiégé leur place forte de Sharouhen, et au bout de trois ans, je l’ai prise. »(Histoire de Bibracte, Dieu caché, chapitre 15).
Témoignages archéologiques incontournables, on a retrouvé en Egypte le nom de Jacob-el et dans son cartouche égyptien, le roi Khian (Juda) se glorifie d’être “celui qui embrasse les deux pays”. Aux titres ordinaires du pharaon, il joint celui de “prince des régions étrangères”. Enfin, les fouilles archéologiques ont révélé l’importance d’Avaris et du site voisin de Tanis.
Relisons maintenant l’histoire de Joseph. Dans le texte de la Genèse, 41, 45, nous lisons : Pharaon donna à Joseph le nom de Saphnat-Panéah et il lui fit épouser Asnat, fille de Poti-Phéra, prêtre d’On (Héliopolis). Notre interprétation : Putiphar est à la fois prêtre(s) et commandant des troupes d’Héliopolis et du delta. Vendu comme esclave par ses frères hébreux à des marchands iduméens, racheté par Putiphar (?), Joseph serait devenu prêtre(s) d’Osiris à Héliopolis. Mais Joseph est tellement beau (dans ses habits sacerdotaux ?) que la femme de Putiphar (l’armée) lui dit : couche avec moi (tentative de putsch). Entre un chef d’armée eunuque et un Hébreu qui a la réputation de semer sa semence (spirituelle) à tout vent, on devine le dilemme. Bien que Joseph ait résisté, il est mis au service de la geôle. Cela signifie que les prêtres Joseph sont exclus de l’armée et rétrogradés dans des fonctions policières et pénitentiaires. Cela signifie qu’il lui est également interdit de faire de la politique. Heureusement pour lui, comme les responsables, devins et autres, se révèlent incapables d’expliquer les songes du pharaon, on va chercher Joseph et celui-ci donne la bonne réponse pour résoudre les problèmes qui se posent. La répression s’abat sur la corporation des marchands de vin. Le pardon est accordé à celle des boulangers à condition que ceux-ci modèrent leurs prix. Puis, Joseph met en œuvre une grande politique économique. Pendant les années de vaches grasses, le pharaon achète à bas prix le blé qu’il entasse dans ses silos. Pendant les années de vaches maigres, il le revend au prix fort, jusqu’au moment où l’Etat possède tout et le particulier plus rien. Toute la société ayant été ainsi restructurée dans un égalitarisme total, il devenait dès lors possible de mettre en place un système fiscal relativement simple, à savoir un cinquième des revenus au pharaon et quatre cinquièmes au particulier pour qu’il puisse nourrir sa famille et réensemencer ses champs. La suite, on la devine : l’opposition politique se renforce derrière un pharaon qui siège à Thèbes tandis que Joseph fait entrer les troupes araméennes de Jacob en Egypte pour pouvoir mener à bien son projet de réforme.
Et voici le jugement - tout ce qu’il y a plus classique - de ceux qui ont chassé l’envahisseur. Au XIVe siècle avant J.C., le roi Thoutmès Ier évoquera la “peste” qui avait ravagé le pays. Et la reine Hatchepsout, vers l’an 1500, parle de ces “impies” qui ignoraient le dieu “Rê”. Un conte populaire de la XIXe dynastie rappelait le temps où ces “pestiférés” occupaient Avaris avec leur chef Apôpi.
E. Mourey
(extraits de mon Histoire de Bibracte, Dieu caché)
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