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La chasse (à l’homme)

Recension du film La chasse, drame réalisé en 2012 par Thomas Vinterberg, passé sur canal + hier 11 mars 2014

Ce film fait le récit d’une accusation de pédophilie, portée sur un homme (un mâle), accusation qui n’est pas fondée sur des actes de cet homme. C’est un film incompris, qui va à contre-flot de la pensée unique. Un film dissident.

Ce film montre, sans appuyer, la présomption de culpabilité qui domine chaque homme actuellement dans notre société et peut se réaliser sans que l'homme-victime n'ait rien fait, absolument rien et produire la violence fabriquée de toutes pièces qui atteint cet homme.

Il appuie trop sur les conséquences de cette présomption de culpabilité et c’est par là qu’il se fait descendre.

C’est le début qui vaut la peine et en fait un film essentiel.

La chasse présente l’intérêt de montrer l’événement, modestement traumatique, qui amène la « parole » de l’enfant : d’autres enfants lui montrent des images pornographiques, dans une grande agitation et excitation nerveuse, la bousculant et disant les mots qu’elle va répéter, et qu’elle ne connaissait peut-être pas (trique, zizi tout dur…)

Cela donne un avantage au spectateur qui sait l’innocence de l’accusé. Cela fait participer fortement à la détresse de cet homme qui, devant l’engouement collectif pour la culpabilité a priori d’un homme (d’un mâle), se trouve démuni de tout, privé de parole. Cette présomption de culpabilité amène au refus du contradictoire, au refus d’informer même l’accusé sur l'accusation qui le concerne, au refus de l’écouter. Il n'est plus un homme (humain, égal de tous les hommes), il n'est plus un citoyen, puisqu'il n'a plus la loi de son côté, avec lui. Une fois pris dans cette accusation, il n’est plus un semblable. Il n’est plus un homme, au sens des droits de l’homme, il n’a plus aucun droit.

L'autre point remarquable dans ce film, aussi, c’est la façon dont est recueillie la « parole » de l’enfant. Si je mets des guillemets au mot parole, c’est que bien souvent l’enfant ne dit rien ; elle hoche la tête après des questions fermées, c’est-à-dire des questions qui contiennent la réponse et qui contiennent cette culpabilité a priori de l’homme (masculin). Les paroles, presque les seules qu’elle va vraiment dire, avec des mots, sont du côté de : « Lucas n’a rien fait » et sont interprétées par principe comme un déni des actes qu’elle aurait subis, déni lié à une autoprotection !

Un homme vient interroger cette enfant, qui n’est pas un spécialiste. On ne sait pas d’où il sort. Dès le premier entretien avec l’enfant, ce qu’il dit fait vomir la directrice : « j’ai dû aller trop loin, c’est peut-être beaucoup pour la première fois. » dit-il. En effet. Cependant, ce manque de compétence évident et auto-reconnu ne met en cause pour personne la validité des conclusions admises : l'enfant a parlé.

Il demande à l’enfant, au début, de répéter ce qu’elle a dit à la directrice. Or, de son point de vue, dans sa tête d’enfant, elle n’a rien dit. Il n'y a pas de problème. Le choc reçu la veille est petit et faible, oublié, dépassé. Après avoir répété les mots entendus criés par les enfants, elle a hoché la tête à la question : « tu as vu le zizi de Lucas ? ».

Elle hoche pour dire non. « Alors Grethe a tout inventé ? » Ce système binaire tue et met cette enfant dans une responsabilité écrasante : condamner Lucas ou condamner Grethe. L’idée que son mal-être de la veille pourrait être créé par un accident de la vie, comme on l’a vu, n’existe pas. L’homme est coupable car la directrice n’est pas une menteuse.

L’enfant est privée de récréation pour répondre à cet entretien et elle entend les autres gamins jouer. Ces conditions de prise de parole ne sont pas prises en compte. Elle hoche la tête pour dire oui et elle… va jouer. L’engouement se développe tout seul, autoalimenté. La directrice du jardin d’enfant fuit devant cet homme, accusé faussement, et tous les humains présents en ressentent la violence de la gravité de son geste (des gestes qu’il n’a pas faits).

Cependant, tout du long, ces accusateurs répètent « les enfants ne mentent pas sur ce genre de sujet ». Or, la question n’est pas seulement de savoir quoi penser de la valeur de la parole d’une enfant, elle est aussi de savoir quoi penser d’une parole collectée d’une façon aussi fortement orientée. Elle est, symétriquement, de savoir quoi penser d’une accusation qui, forcément, automatiquement, tombe sur un homme (un mâle) dont la violence supposée n’est pas pensée comme un stéréotype. Ce qui guide cette petite communauté villageoise est non seulement qu’ils sont sûrs que les enfants ne peuvent pas mentir sur ce genre de sujet, mais qu’ils sont sûrs que les hommes sont coupables, à moins qu’ils prouvent qu’ils ne le sont pas.

Par la suite, l’affabulation collective progresse. Tous les enfants racontent des histoires se passant dans le sous-sol de Lucas. Sauf qu’il n’a pas de sous-sol… Cela n’arrête pas les accusateurs…

Lucas est agressé chez lui, dans les magasins... Ce qu’il est censé avoir fait est pire que s’il avait tué. Alors qu’il n’a rien fait.

Actuellement, les mâles sont coupables de naissance et malheur à celui qui tombe sur une série de hasards comme celle qui accable Lucas, car rien ne le protège.


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2 réactions à cet article    


  • cathy30 cathy30 12 mars 2014 13:03

    Un film très étonnant. Le réalisateur nous laisse aussi face à nous même, Lucas est malmené, l’enfant tout autant, mais le spectateur aussi. On se laisse aussi un peu influencer par tous les points de vus. Sujet vraiment bien traité. 

    A la fin du film, on comprend que le seul tort de Lucas est son affection pour les enfants, le réalisateur à ce moment se permet de leur apprendre la discrétion en ces temps de suspicion. 

    • Dim LARN 12 mars 2014 21:42

      Excellent film, ou le spectateur est entrainé dans la spirale avec l’accusé. Mads Mikkelsen est parfait de par la stature associée à son calme (relatif à certain moment, scène du supermarché...). On retrouve dans le comportement global des gens, la nature humaine, amplifiée par l’évolution de la société forcée par le brainstorming politico-démago bien pensant, pour rendre les brebis de plus en plus dociles et donc incapables de penser seules. De gros C.. pour être plus clair.

      A voir

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