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La crise hollywoodienne

Depuis plusieurs années, Hollywood et le cinéma américain en général semblent connaître une crise identitaire sans précédent. Que ce soit d’un point de vue artistique ou économique, les symptômes sont nombreux et la guérison tarde réellement à faire son apparition.
Il suffit de jeter un coup d’œil aux dernières grosses productions de l’oncle Sam pour se rendre compte de la pauvreté actuelle : Predators, Twilight, Prince of Persia, L’agence tous risque, Night and Day ou encore Sex and the city, les blockbusters d’aujourd’hui ne font plus rêvés et leurs avenirs se montrent de plus en plus incertains. Le temps des Indiana Jones, Star Wars et autres Le seigneur des anneaux semble bien loin, malgré leur très relative ancienneté. Comment en est-on arrivé là ? Tentative d’explication.



Des stars moins sollicitées

Bradley Cooper, Robert Pattinson, Zac Efron… ces noms ne vous disent rien ? Propulsés par des succès éphémères, ce sont pourtant les nouvelles stars montantes du cinéma américain. En l’espace de seulement deux ans, Robert Pattinson est ainsi devenu l’un des acteurs les plus populaires de la planète grâce au succès international de la saga Twilight. Mais l’inconnu concernant ces nouvelles étoiles reste énorme, notamment concernant leur relatif talent artistique et scénique. On voit ainsi mal les épaules de Bradley Cooper supporter le poids d’une industrie qui pèse plusieurs milliard de dollars. On peut d’ailleurs constater que même des acteurs comme Jake Gyllenhaal, incarnant le personnage principal de Prince of Persia, n’arrivent pas à supporter la charge. Faute de charisme ? Peut-être. Faute de choix cinématographique ? Surement.

Où sont donc passés les Tom Cruise, Tom Hanks, Jim Carrey, et autres Julia Roberts ? Pas totalement ringardisés, ces derniers apparaissent néanmoins pour les producteurs comme des investissements risqués à une époque où les économies sont devenues la priorité. En effet, dans une industrie en pleine mutation, leurs seuls noms en tête d’affiche ne font plus vendre comme en attestent de nombreux exemples.
Jim Carrey semble être l’exemple le plus frappant. Propulsé sur le toit du monde grâce à des succès à la fois commerciaux et critiques, comme Ace Ventura ou The truman show, l’acteur n’a depuis enchainé, d’un point de vue commercial, que des films de seconde zone. Loin d’être mauvais, des films comme Le nombre 23 ou I love you Phillip Morris (lire la critique) jouent dans une catégorie indéniablement inférieure.
Il en va de même pour Tom Cruise. Seulement cinq ans après Mission Impossible 3, l’acteur, victime d’une communication catastrophique et d’une véritable diabolisation, compte se relancer cet été avec Night and day, en compagnie de Cameron Diaz (une autre star en déclin).L’offre parait extrêmement légère, notamment par rapport aux précédents films de l’acteur : Eyes Wide Shut (de Stanley Kubrick), Minority Report (de Steven Spielberg) ou encore Collateral (de Michael Mann, lire la critique) apparaissent en effet comme des films nettement plus développés et ambitieux. Et surtout intemporels. Car le doute concernant l’avenir de Night and Day, et des autres blockbusters cités plus haut, est plus que permis.


Mais comment des personnalités si idolâtrées en sont-elles arrivées là ? Comme dit précédemment, l’heure est aux économies chez les studios de production, la crise économique étant passée par là. Ce que Tom DiCillo, réalisateur américain indépendant, n’hésite pas à souligner : « Les producteurs sont de plus en plus frileux, ils ne veulent investir que dans des produits sûrs, comme les franchises ou les suites ». Toute la chaine de la production cinématographique est ainsi touchée, et les acteurs, aux revenus très souvent décriés, sont les premières victimes de mesures d’austérité financière, notamment par le biais de baisse de salaires considérables. Julia Roberts en a d’ailleurs fait les frais : ayant jugé ses demandes salariales trop élevées, Disney a préféré la remplacer par Sandra Bullock pour La proposition.
Bien sûr, les habitués du classement des acteurs les mieux payés répondent toujours présent. Ainsi, Will Smith ou Johny Depp restent des valeurs sûres : I am a legend et Alice aux pays des merveilles ont cartonné, avec 585 millions et 1 milliard de dollars de recettes respectives. Mais attention toutefois aux chiffres qui peuvent paraître surprenants. En effet, la majorité du butin d’Eddy Murphy et de Cameron Diaz (110 millions de dollars à eux deux en 2008) provient par exemple du doublage de voix pour la saga Shrek. Un comble pour des acteurs de cette envergure.

Des films de moins en moins créatifs

Mais au-delà de ces changements purement structurels, le cinéma américain souffre principalement d’un manque certain de créativité. Il suffit de jeter un coup d’œil aux sorties récentes pour s’apercevoir de la médiocrité cinématographique actuelle. Ce phénomène peut s’expliquer par deux facteurs : les réalisateurs reconnus (Spielberg en tête) sortent de moins en moins de films (et surtout des films moins bons : voir Alice aux pays de merveilles), et les nouveaux venus ont de moins en moins leur chance dans ce business qu’est devenu le cinéma (ils représentent un investissement risqué). L’époque des Stanley Kubrick et autres Alfred Hitchcock (anglais mais produit aux États-Unis), qui avaient un pouvoir décisionnel total, semble révolue.
Là encore, la crise économique peut évidemment expliquer ce triste constat. Se sont alors succédés des films d’une qualité très moyenne mais qui, sans surprises, ont rencontré un succès planétaire : Indiana Jones 4, L’agence tout risque, Rocky Balboa ou encore Le choc des titans sont des exemples significatifs.

Mais comment s’assurer du succès tout en limitant les risques ? Tout simplement en surfant sur la vague du moment. Le succès de certaines franchises actuelles étant indéniable, Twilight et Harry Potter en tête, le nombre de films s’en inspirant est devenu envahissant : Percy Jackson, L’apprenti sorcier, Daybreackers, etc. Les suites, adaptations (de séries, de romans ou de jeux vidéos) et autres remakes ont aussi le vent en poupe, contrairement aux franchises inédites. John Lasseter, ancien directeur artistique de Pixar, avait déclaré ne pas vouloir faire de suites à ses films : Toy Story est devenu une trilogie, Cars et Monstres et Cie attendent un deuxième épisode. Dans un autre genre, le succès inédit de Saw (1,2 millions de dollars investis pour 55 gagnés) lui aura valu sept épisodes. La paresse a infiltré l’Amérique.

Quel avenir pour Hollywood ?

La question mérite réellement d’être posée. Confrontée à de multiples évolutions, comme l’avènement d’Internet et du téléchargement, l’industrie cinématographique hollywoodienne tente d’imposer de nouveaux standards à l’aide de films majeurs.
Ainsi, Avatar apparaît comme une denrée rare et providentielle pour l’industrie. Fort d’un budget pharamineux (près de 500 millions de dollars), le film de James Cameron est parvenu à battre tous les records de recettes mais surtout à établir de nouveaux modèles structurels, notamment avec l’avènement de la 3D. Le pari était risqué mais est, d’un point de vue économique et technologique, indéniablement tenu. Selon le réalisateur, l’objectif était d’ « ouvrir autant de portes que Matrix à son époque ». Pour Hollywood, la 3D, qui limite aussi le téléchargement illégal, est donc inéluctablement devenu l’avenir du grand écran : 450 salles de cinéma en sont déjà équipées en France !
En toute logique, le nombre de films surfant sur cette nouvelle vague est ainsi de plus en plus important. Mais la qualité du l’artifice est rarement au rendez-vous : les films sont généralement adaptés en postproduction et n’étaient pas conçus, initialement, pour la 3D. Titanic attend d’ailleurs sa version « relief » pour 2012.
Autre bémol, et non des moindres, cette « révolution numérique » représentera inévitablement un barrage au cinéma d’auteur et indépendant. « Je crains que la sortie dans les cinémas soit provoquée par le désir de voir du grand spectacle, du relief, et que comparativement, les films d’auteurs soient d’autant plus « ringardisés » affirme Michel Reilhac, directeur cinéma d’Arte France. La diversité cinématographique, déjà très alarmante, ne risque donc pas de s’améliorer.


Au-delà de cette évolution d’ordre technique, le cinéma américain mise aussi sur l’avènement du film « sans stars » et du bruit médiatique que celui-ci permet parfois de créer. Initiés par Le projet blair witch, Paranormal activity et Very bad trip sont ainsi parvenus à casser un modèle qui reposait sur les stars en proposant un traitement plus intimiste et personnel : le premier cité a généré 193 millions de dollars et le second en a généré 467 millions. Oren Peli, le réalisateur de Paranormal Activity, justifie aussi ce succès par le « buzz » : « Les gens en parlaient tellement sur Internet que chacun voulait faire partie de l’expérience ». La nouvelle donne d’Internet est donc devenue une aubaine pour les sociétés de production, et les deux films auront droit, eux-aussi, à leurs suites prochainement.

L’exception Inception

La situation hollywoodienne actuelle est-elle cependant si mauvaise ? Le nombre d’entrée bat en effet des records (plus de 10 milliards de recettes aux États-Unis en 2009) et les ventes de DVD ne sont pas aussi mauvaises qu’il n’y parait (la VOD et le bluray ont notamment permis un renouvellement de l’offre).
Mais le véritable problème n’est pas quantitatif : il est indéniablement qualitatif. Sans contestations possibles, les films américains sont de moins en moins inédits et surtout beaucoup moins réussis : que ce soit au niveau des grandes sagas ou des films indépendants, l’offre est nettement moins alléchante qu’auparavant.
Dans le nuage cinématographique actuel, Christopher Nolan et son Inception (lire la critique) apparaissent donc comme de véritables exceptions. Produit à l’aide d’un budget colossal (200 millions de dollars), le film dispose en effet d’un scénario totalement inédit et particulièrement ambitieux, comme on n’en avait jamais vu depuis Matrix (1999). Les producteurs peuvent souffler : le succès, aussi bien critique que commercial, est au rendez-vous. La machine à rêves est-elle définitivement repartie ? Pas si sur, Christopher Nolan ayant dû accepter le tournage du prochain Batman pour pouvoir réaliser Inception. Et oui, encore une suite.
 
Retrouvez cet article dans son contexte original sur le blog de l’auteur.

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1 réactions à cet article    


  • Numero 19 Numero 19 9 août 2010 11:17

    On peut toujours dire que pour 1 film culte, vous aurez des centaines de films oubliés par le temps.
    Cependant, il n’y a pas que le cinéma qui est en crise. La culture en général est moribonde. Dans 10 ans, de quoi nous souviendrons-nous de la période 1995-2010 ? Quelles oeuvres nous marquent-elles ? Vous aurez harry potter et quelques autres films (matrix étant une immonde repompe), des dessins animés ghibli... question musique, pas grand-chose capable de tenir 50 années.

    Nous en sommes arrivés à un point où vous n’avez pas de combat fédérateur, aucun combat universel, aucune blessure à l’Humanité. Nous ne sortons pas de guerre, aucun conflit dont la barbarie nous est infligée tous les soirs (le contrôle des médias par l’armée y est pour quelque chose).
    Vous n’avez pas ces artistes au coeur blessé comme il y a pu en avoir, des gens avec de cruelles émotions qui ne demandent qu’à ressortir. Des gens torturés aux oeuvres tortueuses.

    L’Art est une oeuvre de l’émotion. Actuellement, vous avez des oeuvres de l’argent, et beaucoup moins de l’émotion ou du rêve. En résultat, vous avez une corruption de l’Art.

    La prochaine guerre mondiale, qui pourrait prendre place durant cette décennie fera naître une nouvelle génération d’individus blessés, avec des rêves et des émotions particulières.

    Notre monde actuel ne favorise pas l’intuition, l’écoute des sentiments.
    N’en attendez pas des oeuvres qui toucheront votre coeur.

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