La foire expo !
Impressions d’un autre monde.
Nous avons été invités dans une grande foire-exposition, un endroit où le bruit domine le sujet. Pour vendre, apparemment, les décibels favorisent l’acte commercial ; à moins qu’ils ne donnent l’illusion de la grande manifestation. Après neuf heures de ce traitement en continu, j’ai la certitude que je ne suis pas un bon client. J’ai besoin de pouvoir entendre mes interlocuteurs plutôt que des musiques ineptes et une animatrice se prenant pour une vedette de la télévision.
Celle-ci, j’aurais aimé pouvoir lui croquer le portrait, la rendre aussi insupportable par écrit qu’elle le fut avec ses minauderies de gourgandine, son expression mielleuse et ce merveilleux ton d’hôtesse douteuse de bastringue vieillot. Quand vous saurez que la dame m’a gentiment snobé, vous comprendrez que mon courroux m’interdit de lui consacrer plus de lignes que nécessaire au soulagement de mon agacement.
Nous faisions partie de l'arrière-plan. La foire-expo avait choisi la batellerie comme thème annuel pour la partie décorative et culturelle. Nous étions ainsi parmi le plus beau décor qui soit : les bateaux d’un charpentier fluvial de talent, les maquettes de l’association « Les petits bateaux » qui sont toujours d’une précision historique remarquable. Mais pour les visiteurs, tout cela n’était qu’un gentil folklore, assez loin de leurs préoccupations réelles.
Ici, on vient pour manger et puis boire, boire encore et éventuellement passer du bon temps à la buvette. Les fillettes (chopines) tombent comme à Gravelotte et rares sont ceux qui ne s’arrêtent pas dans un stand viticole. La culture ligérienne ne faisant sans doute pas le poids devant les vins de Loire. Ce sont les vignerons qui buvaient du petit lait et nous qui avions droit à la soupe à la grimace. Les stands de bouffe tiennent la seconde place et l’oie fait ses choux gras.
Pourtant nous avons réussi à séduire quelques personnes au gosier reposé ou à la curiosité acérée. Quelques-unes seulement dans cette foule qui passait, indifférente ; il faut accepter l’évidence ; les visiteurs ne font que circuler quand ce n’est pas leur tasse de thé et c’était manifestement notre cas. Nous avons dû nous contenter d’intriguer, d’amuser, de recevoir quelques regards étonnés et parfois souriants. Puis le mouvement reprenait ses droits ; se poser en dehors d’une comptoir semble relever de la prouesse dans les foires-expo.
Nous n’avions qu’à ne pas accepter. La chose est facile à dire et même injuste quand on sait la sincérité de la demande des organisateurs, leur volonté de distraire et de satisfaire leurs visiteurs. Nous avions été flattés qu’ils pensent à nous et c’est seulement notre orgueil que nous devons blâmer. Et après tout, les rencontres valaient bien les déceptions et toute cette sublime indifférence du plus grand nombre. Nous ne sommes jamais passés à la télévision : seule et unique référence qui compte dans cette société du jugement préconçu.
Fort heureusement, la veille nous avions passé un merveilleux moment de partage dans les locaux de l’association de la boule de fort de la Possonnière. Soirée montée de toutes pièces par l’ami Dédé, panier pique-nique et veillée contée et chantée étaient au programme. Une quarantaine de personnes a répondu à cet appel du pied. Voilà bien le format qu’il nous convient de défendre et d’encourager.
Une petite salle d’association, une vaste salle à manger chez des particuliers, un auditoire constitué par relations ou connivence et le tour est joué. Le rouleau compresseur de la culture officielle ne laisse plus guère de place aux petits artisans que nous sommes. L’ami Albin Foret l’a compris depuis bien longtemps, lui qui va faire ses aubades chez les gens.
Si nous ne voulons pas servir de toile de fond sonore à des actions commerciales ou des grosses machineries festives, nous n’avons d’autre choix que d’organiser nous-mêmes cette culture de proximité, de plus en plus nécessaire pour maintenir un lien social et humain dans un monde en totale perte de ses valeurs identitaires.
Les Traîneux d’Grève sont disposés à répondre à votre désir. D’autres feront la même chose comme les amis de Babord Tribord par exemple. Nous savons que les salles de spectacle ne nous seront que trop rarement, ou même jamais, ouvertes. Pour nous écouter, il faut nous convier chez vous. Nous nous ferons une joie de répondre à vos invitations. Merci à tous.
Domestiquement vôtre.
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