Œuvre du statuaire marseillais Louis Botinelly, ce primate entouré d’un masque africain et d’une défense d’éléphant rappelle le temps des colonies. Bénies par Gaston Doumergue, président de la République, lors de l’inauguration en 1927, ces cent quatre marches relient la gare au centre-ville. Terminus du boulevard d’Athènes, ces escaliers monumentaux prennent le train en marche puisqu’ils ne sortent de terre que dans les années 1920 alors que la gare a été inaugurée en toute vapeur en 1848. Que ce soit pour la gare marseillaise ou pour la Seconde République naissante, il reste encore beaucoup de chemin de fer à parcourir… Le bâtiment voyageur n’est ainsi achevé qu’en 1858 quand la France mène grand train sous le Second Empire.
La gare SAINT-CHARLES
« Le gorille est supérieur à l’homme dans l’étreinte. Bien des femmes vous le diront… » et celles des hôtels de passe jouxtant Saint-Charles vous le confirmeront ! « Gare au Goriiiiiiiiii…..lle ! » fredonnait Brassens pour qui le singe n’a jamais connu de guenon comme celle statufiée aux pieds des escaliers de la gare.
Mi-frère Pereire, mi-baron Haussmann, Paulin Talabot, polytechnicien et homme politique, est la locomotive du projet de la gare Saint-Charles. Outre la construction du bâtiment avec Gustave Desplaces, on doit à Talabot l’idée d’une ligne Marseille-Avignon et la mise au point d’un tunnel de 4,5 km sous les collines de la Nerthe. Massif trait d’union entre Marseille et la vallée du Rhône, ce tunnel passe sous la tutelle de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée créée en 1857. Abrégée en PLM, elle est abrogée en 1938 lors de la création de la SNCF.
Une compagnie qui se nationalise, une pratique qui se généralise et des trains qui s’uniformisent. La SNCF supprime les wagons de troisième classe en 1956 tandis que la vapeur se démocratise… En effet, aujourd’hui, ce ne sont plus les locomotives mais des voyageurs sans entrain qui ont des vapeurs à la vue des retards annoncés sur les écrans.
Des petits écrans qui ne consoleront pas le nostalgique cinéphile. Celui-ci regrettera de ne plus voir à Saint-Charles l’arrivée d’un train de la gare de La Ciotat. Les Lumières s’éteignent aussi avec la Bête humaine qui n’ira plus au charbon. Depuis Renoir et Zola, l’alcoolisme a d’ailleurs changé de camp mais reste à quai. Valises sous les yeux, les regards hagards et les voix éraillées, les chemineaux voient sur les rails et les voies leurs homonymes cheminots travailler.
Travailler ou râler car une grève peut en cacher une autre… Des mouvements souvent raillés par des voyageurs qui ne s’y rallient jamais ! Rêve général en sommeil dans des trains-couchettes qui se font rares. Les wagons lits s’envolent de nuit mais les écrits restent. Et au voyage au bout de la nuit, il vous faudra préférer un roman de gare… Allez donc chercher Louis-Ferdinand Céline égaré au milieu des Marc Levy et autre Katherine Pancol ! A mi- chemin entre la valse lente des tortues et des écureuils de Central Park, les voyageurs d’antan visualisaient parfois quelques éléphants roses aidés en cela par quelques substances psychotropes.
Sous l’empire colonial et sous l’emprise de l’opium qu’il suppose, la gare de Marseille devient en effet connue pour ses porteurs de valises de futurs rails de coke. Débarqués avec armes et bagages, voire sous valise diplomatique, ces stupéfiants qui peuvent assurer un bon train de vie entraînent aussi un train d’enfer qui se termine parfois en convoi funéraire…
Mais nul croque-mort dans la nouvelle gare restaurée en 2007, seulement des croque-monsieur à la mode américaine dans un fast-food. Et si vous préférez les macaronis aux macs chicken, cette nouvelle halle Honorat héberge aussi le café Di Roma qui corrobore le dicton selon lequel tous les chemins de fer mènent à Rome… Sinon, pour atteindre la gare de Roma Termini, il vous en coûtera plusieurs centaines d’euros et plus d’une demi-journée de voyage car la logique ferroviaire abracadabrantesque impose un passage par Lyon ou Dijon au risque d’avoir la moutarde qui vous monte au nez ! Puis, par la bouche d’un voisin milanais, une information remontera même jusqu’à vos oreilles…
Milan est en effet la ville d’où est originaire un certain Charles Borromée. Sorte de Belsunce italien, cet évêque lombard s’est illustré, lui, pendant la peste milanaise de 1576. Et c’est à ce prélat canonisé par Paul V qu’une pieuse immigrée milanaise a dédié une chapelle à Marseille, au début du XVIIe siècle, baptisant ainsi le quartier Saint-Charles et sa future gare !
Michel Callamand
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