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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « La Maison de Bernarda Alba » au répertoire de La Comédie Française

« La Maison de Bernarda Alba » au répertoire de La Comédie Française

La pièce s'ouvre sur un cri sourd dans une absolue obscurité, un cri à la Edward Munch, émis par un visage d'une blancheur extrême, articulant "Bernarda" à plusieurs reprises sans être entendu, derrière les barreaux d'une fenêtre. Elle se ferme sur le mot "Silence" clamé par cette fameuse Bernarda qui a imposé sa loi pendant toute la pièce.

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LA MAISON DE BERNARDA ALBA
photo 2 © Theothea.com

Le cri muet du début précède un long cortège de femmes vêtues de noir, enveloppées de mantilles, nous sommes en Andalousie dans les années 30, sortant d'une église au son funèbre des cloches. Bernarda (Cécile BRUNE) vient de perdre son mari. Le silence final va clore la lutte intestine d'un huis clos familial exclusivement féminin s'achevant par la mort de la fille cadette. La boucle est bouclée.

Entre les deux deuils, une mère austère condamne ses filles à l'enfermement, à la réclusion pendant 8 ans afin de respecter la mort du père, telle est la tradition de l'époque. Interdiction formelle de fréquenter les hommes sauf pour l'aînée issue d' un premier mariage et fiancée au séduisant Pepe el Romano, lequel devient la cible des convoitises des 4 soeurs.

Un astucieux moucharabieh, tel un rempart contre le monde extérieur, dont le maillage filtre tous les bruits et les visions du dehors, concrétise toutes les concupiscences des filles. La nuit, quand elles sont censées dormir, elles épient, fantasment et la plus jeune finira par enfreindre les règles auxquelles elles doivent se soumettre.

Revêtant sa robe verte telle une éclatante émeraude dans ce noir envahissant, elle va sortir danser sous sa fenêtre. Sous une pluie de plumes symbole de légèreté, Adela se livre à une danse libératrice de l'oppression matriarcale et délivre son corps du carcan de la pudeur. Elle fait la "fofolle", imite la poule. Tâche de couleur, elle explose de vie un court instant vite réprimé. Noir, c'est le noir qui doit sévir.

Dans le 2ème acte, le blanc fait son apparition car on prépare la robe nuptiale d'Angustias. Mais les jalousies, les frustrations entraînent des chamailleries entre les filles, des dénonciations auprès de la mère et seule Adela résistera et franchira l'interdit.

La jeune Adeline d' HERMY prête sa fougue juvénile à Adela qui se jetera dans les bras de Pepe (Elliot JENICOT) dans un tango frénétique qui enlace leurs corps sur la musique de Mich Ochowiak. Un rideau de pluie bienfaitrice se déverse sur leurs ébats.

Une scène évocatrice de lapidation d'une jeune femme ayant accouché d'un enfant illégitime est annonciatrice du sort d'Adela qui se serre soudainement très fort le ventre portant sans doute le fruit défendu de leur étreinte et clôt ainsi le second acte.

Dans cette Andalousie rurale et obscurantiste, la résignation mortifère entraîne des pulsions meurtrières, des trahisons. On sent que l'orage qui gronde crescendo va éclater dans le 3ème acte et que celle qui a transgressé l'ordre des choses sera menée au sacrifice. Sa mort conduit au repli et l'élan vital qui aurait permis de sortir du huis clos infernal s'est écroulé. Devant le corps d'Adela qu'on recouvre de sa robe verte virginale, la mère, d'un ton sec, impose le Silence. Tout se raidifie et se glace à l'image de la matrone autoritaire.

La pièce de Federico Garcia Lorca, écrite en 1936, deux mois avant l' exécution du poète par les franquistes, pleine de fureurs contenues, est mise en scène par la suissesse Lilo BAUR qui a su apporter un soin particulier à chaque détail et chaque geste et respecter la poésie de ce texte âpre qui respire l'aridité de la terre andalouse accablée de chaleur. On voit souvent la servante Poncia (Elsa LEPOIVRE) s'éponger le front dans son habit de paysanne.

La scénographie d'Andrew D. Edwards, subtilement éclairée par Fabrice Kebour, est incontestablement très belle. Certaines scènes sont de véritables tableaux ou sont très cinématographiques.

Peut-être, cependant, aurait-on aimé plus de fièvre dans ce temps suspendu à un deuil sans fin, parfois brisé par les répliques comiques des servantes qui n'ont pas la langue dans leur poche, peut-être aurait-on aimé un peu plus de relief et de folie impétueuse lorsque les soeurs se querellent et se jettent à la figure des remarques sur les hommes. La violence est, certes, tenue à distance, la tension constante mais cette jeunesse reste un peu terne et coincée, sans doute trop étouffée par le poids des conventions.

photo 1 © Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

photo 2 © Theothea.com

LA MAISON DE BERNARDA ALBA - **.. Cat'S / Theothea.com - de Federico Garcia Lorca - mise en scène Lilo Baur - avec Claude MATHIEU, Véronique VELLA, Cécile BRUNE, Sylvia BERGÉ, Florence VIALA, Coraly ZAHONERO, Elsa LEPOIVRE, Adeline D’HERMY, Jennifer DECKER, Elliot JENICOT, Claire DE LA RÜE DU CAN et les élèves-comédiens de la Comédie-Française - Salle Richelieu Comédie Française

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LA MAISON DE BERNARDA ALBA
photo 1 © Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

 


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