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Laissez-nous juste le temps de vous détruire

Spectacle de la compagnie du dernier soir, écrit par Emmanuelle Pireyre, m e s Myriam Marzouki avec Johanna Korthals Altes, Stanislas Stanic, Pierre-Félix Gravière, Charline Grand, scénographie Bénédicte Jolys, Costumes Laure Mahéo, lumières Laurent Cahoreau-Gallier, musique Toog.

A la maison de la poésie, à Paris, en ce moment jusqu’au 25 mars à 20h00 dimanche à 16h00.

Photo : David Schaffer

Laissez-nous juste le temps de vous détruire pose la question de l’« habiter ». J’écris intentionnellement habiter avec un infinitif, comme on dit le coucher, le déjeuner, le boire et le manger… Qu’est-ce qu’habiter la Terre ? Ce spectacle continue un précédent spectacle « une brève histoire du XXème siècle. »

Ce spectacle est bâti en équipe, sans renoncer aux spécificités de chacun : il y a une commande d’écriture de la metteuse en scène, écriture comprenant une attention aux comédiens… Une musique originale, où on entend le vieux son des orgues Farfisa, que j’aime tant… avec des chansons d’intention brechtienne (je ne parle pas du style musical, mais du rapport au théâtre).
 
Le décor du début figure un ensemble pavillonnaire où des gens entretiennent leur maison ou leur jardin et préparent parfois un barbecue avec les voisins. Le tout d’un vert à se croire un ruminant un jour de fête ! Après quelques échanges et présentations sympas, conviviaux et tout et tout… un commentaire dit par un personnage en direct (un sociologue ?) suggère l’existence d’une internationale du barbecue : on en trouve partout, du Brésil à Taïwan… Cela cache quelque chose ? Cela cache quelque chose ; il y a quelque chose derrière. Mais quoi ? L’interrogation est portée au spectateur, chacun se fait sa réponse.
 
Cependant, les réponses possibles sont suggérées, voire conduites, par un grand nombre (trop ?) d’informations convergentes. En 1970, les enfants étaient envoyés dehors pour jouer au grand-air. Ce ne serait plus possible. Vraiment ? Au contraire, tout un chacun est convié à s’inquiéter et à se culpabiliser pour sa trace carbone… Que faire ? Vivre sans rien déranger ? C’est délicat !
 
Dans ce spectacle à sketches, on voit un couple de cadres se recycler à la campagne avec un souci obsessionnel de diminuer leur consommation d’énergie. Cela ne se fait pas sans mal. Y compris des blessures physiques. Et cela ne rend pas la vie plus belle. L’Internet fonctionne à plein régime : en plus de son travail d’économie d’énergie, ce couple répond à toute demande sur un site. Avec les bugs, les à-peu-près, les dérives… courantes : après qu’une femme ait demandé si elle pouvait mettre ses tampons dans les toilettes sèches, une autre interroge sur sa fécondité après ses règles. Elle a attrapé le mot « règles » sur le chat de ce site et consulte sans autre réserve ni précaution. C’est un comportement, une erreur classique sur le Net. Qui passe ici comme l’éclair… Et puis, la consommation est-elle seulement affaire de quantité ? D’ailleurs, les ampoules basse-consommation auraient des défauts pires que leur qualité ?
 
Tout va très vite de scènes en scènes… Un passage évoque les « terres rares » qui ont une place fondamentale dans nos objets techniques. Avec les « terres rares », est évoqué la place de dominant que donne à la Chine cette production et ce commerce… (Elle a un quasi monopole de fait).
 
On est toujours dans un dialogue/combat entre l’individu tout petit et la totalité immense et hors d’atteinte. « T’as pensé que le prêt pour ta maison apportait un peu d’eau à la titrisation des prêts dans le système financier mondial et donc à la crise monétaire qui secoue le monde sans qu’on n’y voit ni fin ni solution ? » oui mais que faire d’autre, que d’être au monde ? Mentionner la possibilité de l’action collective manque un peu.
 
Nos objets techniques ont l’air si peu naturels, si peu dépendants de la nature. Et cependant, ils le sont autant que les arènes romaines qui montrent sans pudeur, depuis plus de 2000 ans, la pierre dont elles sont faites.
 
Des pique-niqueurs sur leur gazon devant leur maison évoquent l’arrivée de la fourchette (au XIIème (?) siècle) dans les manières de table. La fourchette éloigne le monde et fait disparaître comme archaïques les mains dans le plat, dans les sauces, sur le jus des rôtis. Jusqu’où irons-nous dans cette mise à l’écart du réel ? C’est le moment qui montre le plus les racines et le chemin de nos évolutions et des inquiétudes actuelles, auscultées dans ce spectacle.

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