« Le Misanthrope » bavard... comme au Temps du muet
Clément Hervieu-Léger ayant joué le rôle d’Acaste au Français sept années auparavant sous la direction de Lukas Hemleb, c’est donc sous proposition de Muriel Mayette qu’il a choisi de monter, lui-même, aujourd’hui « son » Misanthrope à la suite de « sa » Critique de l’école des femmes.
- LE MISANTHROPE
- photo © Brigitte Enguerand
Disons-le d’emblée, l’ample reconnaissance éditoriale, suscitée par sa mise en scène actuelle à Richelieu, vient contrecarrer les détracteurs de l’Administratrice de La Comédie-Française en fin de mandat à qui, il est entre autres, reproché un « déficit artistique » par suite de nombreuses réalisations confiées à des comédiens Maison.
Voilà donc pour la problématique diplomatique contradictoire alors que, par ailleurs, est toujours florissant à l’affiche « Le songe d’une nuit d’été », mis en scène par Mayette-Holtz elle-même, que ces pourfendeurs ont du mal à apprécier, essentiellement pour des raisons formelles et symboliques mal acceptées…
Bref, Le Misanthrope, lui, est globalement bien reçu, voire encensé et pourtant certaines voix indépendantes, dont la nôtre, y décèlent une audibilité contre-performante et une agitation en trompe l’œil, plutôt vaine.
Tout le monde, bien entendu, s’accorde sur la qualité de la distribution et de l’interprétation qu’il n’est pas nécessaire d’analyser, ici, en détail mais dont il nous plaît de relever le nom de Georgia Scalliet qui, en incarnant Célimène de manière si malicieuse, si pétillante, si enjouée, pourrait faire débaptiser la pièce de Molière par ce titre substitutif : « La séductrice ».
Ainsi, en contrepoint de la mélancolie galopante dans les trois escaliers scéniques, peut-être à la recherche d’un improbable esprit éponyme en colimaçon, la dépression souffretante et aigrie semble avoir contaminé l’ensemble des visiteurs opportuns, au point de les virtualiser, bien qu'ils fussent rendus drôles, par ricochet, face à la douleur affichée ostensiblement par Alceste.
Loïc Corbery est donc en charge de détester l’Humanité et l’ensemble de ses codes sociaux, sous prétexte que Molière aurait été trahi par Racine et que présentement Célimène échappe à l'Atrabilaire amoureux au profit d’une ribambelle de fats prétendants faisant la cour à la belle…
Certes, c’est très bien joué mais le problème, c’est aussi d’être mal entendu, même au cœur de l’orchestre, ce qui est un comble après les importants travaux d’acoustique réalisés récemment.
En conséquence, la perception de la pièce pourrait aisément tourner à l’impression d’une course poursuite ponctuée de longs bavardages à décoder par chacun, à distance, selon sa propre connaissance plus ou moins approfondie du texte en vers.
Ceci dit, la critique laudative insiste sur la qualité de jeu de tous les comédiens ainsi que sur l’originalité du point de vue d’Hervieu-Léger rendant l’enjeu misanthropique intemporel et par conséquent fort proche de nous-mêmes.
Ainsi, à l’instar d’un film muet en noir et blanc, les personnages paraîtraient s’agiter dans un « cercle d’illusions » à remettre en perspective ; ce qui, par les temps qui courent, pourrait être un gage de succès à la mode !
photo © Brigitte Enguerand
LE MISANTHROPE - ***. Theothea.com - de Molière - mise en scène Clément Hervieu-Léger - avec Yves Gasc, Éric Ruf, Florence Viala, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Gilles David, Georgia Scalliet, Adeline d'Hermy, Louis Arene, Benjamin Lavernhe & les Élèves-comédiens : Heidi-Eva Clavier, Lola Felouzis, Pauline Tricot, Matëj Hofmann, Paul McAleer & Gabriel Tur - Comédie-Française
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