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Lecture du Doc : Nuit Blanche en Balkhyrie

Nuit Blanche en Balkhyrie, d’Antoine Volodine, Gallimard, 1997

Du noir, du gris, de l’ocre et de la poussière. Même la girafe a l’air grise. Faite de tâches grises et plus noires. Ce sont là toutes les couleurs qui suintent de ce livre. J’en ai lu des bouquins, mais jamais je n’ai lu des livres en noir et blanc. Noir et gris devrais-je dire. Comme un vieux film, c’est comme ça que je l’ai lu, que je l’ai perçu. Ah, si, il y avait des couleurs ! Du rouge, du rose, du rosâtre. Les couleurs de la "bouillie encéphalique" que l’on extirpe du personnage principal. Les couleurs des entrailles, des viscères. Subtiles, apparentes ici et là, pour donner une consistance organique aux ruines qui jonchent le décor du roman.

D’ailleurs, le titre lui même l’annonce, la couleur. "Nuit Blanche". A prendre en terme chromatique. Ce n’est pas une fête, ce n’est pas une insomnie. C’est un opéra aux rideaux gris.

Le héros a subi une lobotomie. Pourquoi ? Parce qu’il était bizarre et dangereux ? Quoiqu’il en soit, ne vous attendez pas à en savoir plus. Cet homme s’appellerait Breughel (comme l’ancien, le type fan de Hyeronimus Bosch). Quoi qu’on peut en douter, car des fois, il parle de lui à la troisième personne. Alors on est perdu. Comme lui, on perd le sens de l’espace, du temps, de ce qui nous entoure. tout ce qu’on sait, c’est qu’on est au milieu des ruines, et qu’une ménagerie de cirque parade mollement, qu’il y a des vainqueurs et des vaincus. Il y a des gens... des perdants, des vaincus, en pleine révolte ! Même les chevelures rousses sont grises. L’animal prend sa place ici, on voit tout à travers les yeux d’un chien. Volodine a canidé le lecteur. Pas comme dans Tombouctou de Paul Auster, non. Il nous a donné des yeux de chien pour lire. D’où le noir et gris. Il nous a donné des oreilles de chien pour entendre. D’où les perceptions étranges de toute chose. Et au final, cet homme, n’est ce pas un chien ? Toujours à traîner derrière lui la laisse d’un autre personnage, dont on finit même par douter de l’existence. Il leur obéit, croyons nous. Sans jamais savoir. Savoir quoi, quand, comment. Il suit et nous suivons, nous demandant : va t-on comprendre ? Vais-je avoir une clé ?

Les portes étant toutes en ruine, pas besoin de clé. On est dans un univers proche de ceux de David Lynch, qui n’hésite pas non plus à utiliser le noir et blanc. D’ailleurs, on aurait peu de mal à imaginer l’histoire qu’on lit ici dans un manuel d’histoire du monde de Lost highway, ou de Mulholland Drive.L’opéra que crée le héros y contribuant pas mal.

En triturant à la cuiller des bouts de cerveaux du héros, dès le début, Volodine les extirpe aussi au lecteur, qui pourrait lire le bouquin en bavant dans le métro. Tout y est noir et gris, même l’humour. La guerre, les ruines, les bestioles, les femmes, les armes. Pour un plaisir de littérature original. Tant et si bien qu’à la fin, on se demande s’il n’est pas un prisonnier donnant des noms à ses excréments.


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sycander

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