Les nouvelles brèves de comptoir au Théâtre du Rond-Point
Ainsi, peuvent se rencontrer la multiplicité des personnages d’un bistrot imaginaire, dont plus que jamais le zinc est la vedette.
Celui-ci, tel un manège enchanté ou non, se déplace sur les planches selon les modalités de la scénographie conçue de façon à créer des tableaux thématiques où se regroupent des moments de vie universelle.
Si l’alcool imprègne la logorrhée collective, c’est pour mieux en décortiquer l’actualité vue à travers le filtre du bon sens populaire.
Si l’ivresse fait tituber certains habitués, c’est pour qu’au jeu de rôles correspondent les clichés de fulgurance créatrice de bons mots à la hauteur des mauvais maux servis par l’existence.
Jean-Michel Ribes fait s’enchaîner les répliques, à la queue leu leu, alors que rien ne semble les distinguer les unes des autres si ce n’est l’observation associative du spectateur qui, ainsi, peut y faire son marché, au gré de son propre jeu de l’esprit.
Très souvent alignés sur un même plan cinématographique, les protagonistes renvoient à la salle une image participative dont personne n’aurait la clef mais sur laquelle tous peuvent y reconnaître une projection identitaire plus ou moins familière.
Agissant tel un patrimoine national dont Jean-Marie Gourio serait l’archéologue consciencieux et Jean-Michel Ribes, le spéléologue méthodique, ces nouvelles brèves se constituent en théâtre d’ombres où, à l’instar de la caverne platonicienne, la réalité du monde parvient codée à ceux qui souhaiteraient la déchiffrer.
Pour les autres, le très beau décor de Jean-Marc Stehlé pourrait se savourer comme une madeleine dégustée en empathie harmonique avec les interrogations dialectiques d’Amélie Poulain.
Toutefois, l’accumulation des brèves durant cent minutes et leur récurrence jusqu’à plus soif pourraient menacer la vigilance critique mais l’attention latente doit agir comme celle du psychanalyste qui sait saisir, au bon moment, l’élément déterminant du discours de l’analysé dans ce qu’il a de signifiant, concernant ici, en l’occurrence, la société.
Bravo, donc, aux huit comédiens qui sont, en quelque sorte, les porte-parole de nos contemporains, scannés à leur insu.
photo © Cat.S / Theothea.com
LES NOUVELLES BREVES DE COMPTOIR - *** Theothea.com - de Jean-Marie Gourio - mise en scène : Jean-Michel Ribes - avec Alban Casterman, Laurent Gamelon, Annie Grégorio, Patrick Lagardes, Chantal Neuwirth, Marcel Philippot, Alexis Ribes & Hélène Viaux - Théâtre du Rond-Point
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