Marie Noël
Dans une caisse de livres achetée pour 4 sous dans une vente aux enchères, un trésor m’attendait : 5 ou 6 livres de Marie Noël.
Je connaissais cette poétesse car j’ai passé, dans les années 50, des vacances à Auxerre, sa ville natale et on en parlait. Mais, à cette époque, la poésie se résumait pour moi aux fables de la Fontaine. Plus tard, sa réputation de poétesse bien pensante me la fit oublier. C’est donc sur le tard que Marie Noël frappe à ma porte. Quel choc, quelle révélation ! Marie Noël, dans la collection Poètes d’aujourd’hui (Seghers 1962) est une bonne introduction à son univers. On en apprend peu sur elle car elle fuyait la notoriété, mais l’auteur nous guide dans son œuvre et ce que l’on sait de sa vie.
Marie Noël est le contraire de la femme banale, effacée qu’elle paraît être et si la spiritualité l’imprègne, elle ne l’engloutit pas. Elle connaît le mal, le malheur, la solitude du corps et du cœur et elle en sort une poésie qui ébranle et émeut. Elle le fait avec une économie, une concentration qui n’empêchent pas que de ses vers, que de sa rime jaillisse une musique qui enchante. Elle se connaissait ce don, elle si mesurée : « Mon œuvre est moins une œuvre qu’une vie chantée ».
Peut-être quelques vers vous donneront envie de faire sa connaissance si, comme moi, vous ne la connaissiez pas. Dans Chants des 4 temps :
La Tard mariée :
« Si tard où t’en vas-tu
Seule, sans trouver d’heure ?
Si tard où t’en vas-tu
Le long du temps perdu ? »
La Maumariée :
« La conduisit par un chemin
Sans eaux où si dur est le pain
Qu’il ne vaut pas mieux que la faim. »
Elle, à qui l’on a jamais connu d’amoureux a plein de chants d’amour et de tristesse :
« Tous les êtres aimés
Sont des vases de fiel qu’on boit les yeux fermés »
Ailleurs :
« Je n’ai rien pris ni rien reçu
Je n’ai rien eu. Je n’ai pas su ».
Elle reconnut très tôt en elle le pouvoir qu’elle avait sur la musique des mots et qui ne la quitta jamais : « J’étais possédée d’un rythme. Un vrai démon. C’est lui qui m’a usé le cœur ». Ignorée par l’anthologie de la poésie française du XXe siècle de Gallimard, elle fut reconnue par Valéry, Montherlant, Aragon. Toute sa longue vie (1883-1967) fut consacrée à la poésie et à la prose où, là aussi, sa malice, sa bonté, n’embrument pas l’œil impitoyable. Un court récit Enterrement de première classe est un bijou de malignité.
Marie Noël, une belle âme, une grande dame.
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