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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Monet, Oscar de l’impressionnisme

Monet, Oscar de l’impressionnisme

Nom : Monet. Prénom : Claude. Enfin, second prénom. Son premier prénom était Oscar et c'est ainsi que ses parents l'appelaient. Le petit Oscar développe un goût pour le dessin. En 1857, alors que sa mère meurt et qu'il abandonne ses études, sa tante l'encourage à continuer dans cette voie. Mais c'est au peintre Eugène Boudin qu'il doit sa vocation. L'écrivain Octave Mirbeau, grand ami de Oscar Claude Monet, contribua à sa reconnaissance.

Récit

Tandis que je marchais, je me mis à longer une rivière, traversée de nombreux ponts japonais, une rivière dont les teintes étaient très changeantes selon l'effet de la lumière qui aimait à jouer beaucoup sur les couleurs vives des fleurs et des feuillages nombreux qui bordaient les ponts et les rives. Un vieillard barbu, devant son chevalet, s'efforçait de capturer les instants magiques que ces effets de lumière produisaient sur les feuillages et les reflets de l'eau.

Il avait un air où se mêlaient l'obstination et le désespoir de ne pouvoir y arriver tout-à-fait. Son acharnement, proche de l'obsession, faisait qu'il était très absorbé par son travail. Pour se garantir d'un résultat à la hauteur de son ambitieuse volonté, il allait d'un tableau à l'autre, tableaux tous identiques quand au motif représenté, et qu'il avait exposé devant lui. Il allait d'une toile à l'autre en apposant des petites touches de peinture.

Je comptais douze toiles. Certaines de ces toiles paraissaient vivantes tant les formes créées étaient changeantes et les teintes contrastées, tellement vivantes que je me sentis attiré par l'une d'elles. Mais quand je dis, je dis attiré au sens littéral du terme, au sens où je sentis mon corps happé par le paysage. D'ailleurs je finis par pénétrer à l'intérieur d'une toile qui me plaisait tout particulièrement...

Sur le coup, je fus très impressionné, ce qui me permit de comprendre tout le sens d'une parole prononcée par un badaud "c'est un impressionniste !" Dans le tableau, je me tenais sur l'un des ponts aux arceaux recouverts de glycines et je me penchais pour contempler les reflets, fugitifs, de l'eau dans laquelle les saules reflétaient leur image. Des nénuphars flottaient et il en venait sans cesse un nouveau sous l'action du pinceau de l'artiste.

Mystérieux pont. Où mène-t-il ? Que relie-t-il ? Relie-t-il deux personnes, deux destins ? Et ces nymphéas qui flottent en quantité, de quoi sont-ils le symbole ?

Claude me colla un coup de pinceau (il ne voyait plus très clair et sans doute m'avait-il pris pour une tache incongrue à corriger). Je dus m'extraire de ce chef-d'oeuvre dont j'allais conserver un souvenir indélébile. Je ne voulus cependant pas quitter aussi vite cet univers pictural si fascinant ; je partis pour un autre tableau où je pus mesurer les différences de teintes, bien que le panorama fut en tous points identique au tableau précédent.

Je me mis à naviguer ainsi d'une toile à une autre, appréciant à mon aise les différentes ambiances, les formes harmonieuses, mais tributaire des déplacements de la main de l'artiste. Quand l'ombre de cette main se faisait menaçante, je voltigeais vers une autre destination. Je ne voulais surtout pas déranger Claude dans son travail et, par dessus-tout, je ne voulais pas être à l'origine d'une erreur de sa part, le problème de vue qui l'affectait injustement constituait déjà une malédiction pour l'art moderne. Je finis par me résoudre, non sans regret, à quitter ce musée vivant...

Giverny, j'y vernis pas ! (*)

Retrouvons Claude Monet quelques années avant...

(*) (Monet ne vernit pas ses toiles)

Il est encore jeune, il a 43 ans. Il vient de louer le pressoir et le clos normand à Giverny près de Vernon, dans l'Eure. Il s'y installe définitivement. Nous sommes en 1883 C'est aussi cette année-là qu'Edouard Manet meurt prématurément laissant un grand vide derrière lui. Comme pour compenser cette perte immense pour l'art, Monet se trouve propulsé au premier plan. 

Donc, Monet ne vernit pas ses toiles. Il préfère la nature au naturel. Mais cette nature, il cherche cependant à la maîtriser. Il aménage la grande maison et un vaste jardin qu'il ne pourra acheter qu'en 1890 quand sa situation financière le lui permettra. Dix ans après son emménagement dans la maison, il crée le jardin d'eau avec son étang aux nymphéas. Il lui inspirera quelques-unes de ses toiles les plus connues.

A Giverny, Monet peint son jardin, ses nymphéas, son étang et son pont, que le passionné des plantes qu'il est a patiemment aménagés au fil des années. Dans son jardin, on trouve des saules, des aulnes, des bambous, des roseaux, des rhododendrons. Et, bien sûr, ces nymphéas enracinées qui produisent de large feuilles flottantes. Les nénuphars symbolisent la naissance du monde de l'Egypte mais Monet préfère les nommer du terme utilisé pour un sous-groupe de ces plantes : les nymphéas. Monet a peint ensemble les douze toiles de la série des nymphéas.

Le brouillard de Londres

Ici, avec "Le Parlement de Londres", Claude Monet utilise les couleurs complémentaires mais par petites touches, ce qui rend les couleurs indistinctes. Delacroix a introduit ce procédé pour obtenir des ombres grises. Mais pour obtenir une luminosité semblable à la vraie lumière, il est préférable d'utiliser simplement le blanc comme Monet le fait ici.

Lorsque Monet peint "Nymphéas avec fleurs rouges" (1904, collection particulière), cela permet au contraire d'accentuer les contrastes. Il montre des nymphéas d'autant plus rouges qu'il sont environnés de vert, dont la couleur complémentaire est justement le rouge. De même, la végétation en paraît plus verte.

Claude Monet s'est rendu plusieurs fois au Royaume-Uni. La première fois qu'il visita ce pays, fuyant la guerre franco-allemande de 1870, il put admirer les œuvres de Turner. Il fit aussi la connaissance du peintre américain James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), un disciple de Turner, avec lequel il se lia d'amitié.

Impressionné par la manière de Turner de traiter la lumière, Monet reviendra plusieurs fois à Londres chercher l'inspiration pour réaliser des séries notamment sur le thème du brouillard de Londres sur la Tamise.

Monet, un pont vers la modernité

"Pont sur le bassin aux nymphéas" : A l'instar des nymphéas, rien ne semble ancré. Ni le pont ni les rives. Pas d'horizon, pas de centre. Les vues peintes depuis une barque donnent la sensation d'un espace flottant, autonome. Monet limite sa gamme chromatique : blanc d'argent, jaune de cardium, vermillon, bleu de cobalt, rose foncé, vert émeraude, et c'est tout.

Ceci n'est pas de l'art abstrait. Même si la peinture de Monet fait abstraction des ancrages des ponts et des rives, elle n'est pas de l'art abstrait. En effet, tout objet ne disparaît pas. Par ailleurs, la référence à la nature est une constante chez le peintre. Cela dit, de tous les impressionnistes, Monet est celui qui tend le plus vers l'abstraction : "Le motif n'est pour moi qu'une chose insignifiante. ce que je veux reproduire, c'est ce qu'il y a entre le motif et moi."

"ce qu'il y a entre le motif et moi" : comme si Monet était lui-même un pont...

Les titres donnés aux tableaux peuvent, en revanche, avoir des noms abstraits : "Harmonie rose", "Harmonie bleue" :..

De Manet est né Monet et de Monet naitra Pollock. Ainsi le veut la marche vers le moderne.

Time is Monet

Il y a un rapport particulier entre le peintre et le temps. Quand il décide de s'établir à Giverny pour n'en plus bouger, il suspend le temps. Quand il peint ses nymphéas, il suspend encore le temps : eaux stagnantes, sans aucune onde symbolisant le cours des jours.

Saisir le temps est l'obsession de l'artiste. Des fragments de paysages sans horizon à l'image des estampes japonaises représentent le temps suspendu. Il cherche à éterniser l'instant. Les éléments du paysage sont éphémères, sous un jour changeant. Monet s'efforce de fixer sur la toile de façon définitive, un fugace et fugitif instant. L'utilisation des séries répond en partie à sa folle aspiration. La somme des toiles d'une série (peuplier, meule de foin, cathédrale...) peut-elle constituer la somme des instants représentés ?

Monet a gagné sur le temps. Vingt ans après sa mort, il sera célèbre aux Etats-Unis, pour sa période de plus grande modernité, à savoir sa dernière période. Il a gagné aussi sur son temps, époque où il fut moqué et méprisé.

L'impressionnisme, un héritage embarrassant

"Impression, soleil levant". Ce tableau donna son nom au mouvement impressionniste.

Monet fit don à la France de ses Grandes Décorations à l'Orangerie, le lendemain de l'Armistice dans une lettre à Clémenceau du 12 novembre 1918. La solennité du don, l'amitié très forte entre Monet et Clémenceau font que le don est accepté. Mais lorsque Caillebotte léguera sa collection de la "bande à Monet" à l'Etat, l'Etat n'en acceptera qu'une partie.

L'impressionnisme était un héritage encombrant. Même en musique ! Claude Debussy fut considéré comme un compositeur du courant muisical impressionniste. Mais il dénia cette apellation.

Tant bien que mal, un musée Monet sera créé. Jules Marmottan, médecin, avait aussi une collection. Son fils Paul en fera don à l'Académie des Beaux-Arts. C'est ainsi que sera ouvert le musée Marmottan (dans le Jardin des Tuileries, XVIe arrondissement de Paris). "Impression, soleil levant" en sera l'oeuvre phare. La donation de Michel Monet, second fils du peintre, qui se tue en voiture en 1966, va faire de ce musée le musée Monet.

Lien vers le site du musée de l'Orangerie.

Monet universel

Célèbre aux Etats-Unis, vingt ans après sa mort, Monet sera aussi grandement apprécié par les Japonais. Il faut dire que Monet fut un grand admirateur des estampes japonaises. Il s'en inspira notamment pour sa série sur le Mont Fuji. La feuille du nymphéa est le symbole de la quiétude éternelle de Bouddha, les branches de saule pleureur symbolisent le monde flottant des geishas. Jusqu'aux années 1920, un riche homme d'affaires japonais se constitue une collection importante d'art occidental et d'oeuvres de Monet. Celles qui n'ont pas été détruites pendant la guerre sont visibles au musée de Tokyo.
 

 


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5 réactions à cet article    


  • alberto alberto 31 décembre 2012 13:41

    Salut Paul Cosquer,

    Je vois que tu poursuis la série des clips sur les peintres, impressionnistes pour le moment, et toujours bien agréable à suivre...

    Quant à Monet, que dire sur cette obsession des nénuphars : il en aurait peint plus de deux cents toiles...Et puis cette série toute aussi surprenante sur la cathédrale de Rouen ! 

    Mais dis moi : à quand les « Nabis » ?

    Bien à toi.


    • Taverne Taverne 31 décembre 2012 16:23

      Bonjour Alberto,

      Vous êtes un nabi, vous, le Fifre de Manet ? Tiens tiens. Mais il est vrai qu’un nabi ne fait pas le moine.

      Les Nabis, j’y viendrai par le détour de Pont-Aven et de la bande à Gauguin. A mon rythme. Patience !

      Le Fifre de Manet
      Avec son beau n’habit
      Déclara sous Monet
      Qu’il aimait le Nabi.


    • Suldhrun Suldhrun 31 décembre 2012 15:32

      Le bonjour Taverne

      Les formes , les couleurs et vos clips a l exprimer , m en trainent tout le long de vos ressentis....

       Bonne année à vous !


      • Taverne Taverne 31 décembre 2012 16:30

        Bonne année à vous aussi.

        Votre commentaire est de 15 : 32.
        Et 1532 est l’année de rattachement de la Bretagne à la France. Mais voici plutôt les toiles qui sont nées cette année-là : tableaux


      • sisyphe sisyphe 6 janvier 2013 14:10

        Merci pour cet article sur celui qui est, pour moi, LE plus grand peintre impressionniste.

        Mais, tout en l’ayant suggéré, à travers vos citations, vous n’avez pas énoncé l’essentiel : ce n’est pas « saisir le temps » qui est l’obsession de Monet :c’est saisir LA LUMIÈRE : et il est sans conteste celui qui a su le mieux le faire.

        Monet est « le maître de la lumière » .
        Il y a, au Musée d’Orsay, au fond d’une salle, visible depuis l’entrée, ce tableau (de son jardin et sa maison à Giverny)
        , et je peux vous dire qu’on ne voit, à plus d’une dizaine de mètres, que la lumière qui en émane, et éclaire l’ensemble de la pièce.

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