Netflix… quel avenir pour l’audiovisuel français ?
Aurélie Filippetti a donné ce week-end une interview sur l’arrivée imminente de Netflix en France. Celle-ci interpelle l’ensemble de la filière, le géant américain va-t-il naufrager l’ensemble du système audiovisuel français, comme il l’a déjà fait dans les pays où il s’est installé ? La ministre de la Culture a tenté de rassurer son petit monde : « la plateforme américaine devra se plier aux régulations en vigueur dans l’hexagone ».
Qu’en est-il réellement ? Netflix est une plateforme américaine qui propose de la vidéo en streaming. On annonce son arrivée en France pour le mois de septembre de cette année. Pour information Netflix représente, aux USA 33 millions de fans, bien plus que ce que peut faire l’excellente chaine payante HBO. Le PAF français tout entier en tremble déjà, le pays de l’exception culturelle qu’est la France saura-t-il se préserver ?
Pour l’instant la ministre parle : « S’il veut s’installer en France, Netflix doit se plier aux régulations qui font le succès de nos industries (…) Netflix ne doit pas être un passager clandestin qui profite du système sans y participer.". Mais quels sont les moyens mis en œuvre pour contrecarrer cette offensive. Les mots ne suffiront pas, encore moins les incantations. Netflix a déjà fait savoir qu’ils émettront du Luxembourg pour ne pas avoir à payer d’impôts en France et surtout ne pas financer la création. Cela a au moins le mérite d’être franc et clair.
Faut-il croire Aurélie Filippetti quand elle déclare : « La France a réaffirmé l’année dernière, lors des négociations sur le libre-échange entre la France et les Etats-Unis, que l’exception culturelle était un principe intangible. Nous maintiendrons cette ligne rouge.". De la même manière Fleur Pellerin, Ministre déléguée, chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique prétend que la France et son gouvernement sont armés pour y faire face.
La situation des SVOD (Service Vidéo à la Demande) en France n’est pas brillante, la situation sur ce secteur s’est contractée à - 6,4% ((fin août 2013), les études disponibles n’ont fait émerger que 4 sites faisant un chiffre d’affaire net de plus de 10 millions d’euros. Si l’on ajoute Canal+, qui vient de lancer canal OTT, dont la direction a été confiée à Manuel Alduy et myTF1VOD, on ne voit pas comment ces éditeurs de contenus vont pouvoir contrer le rouleau compresseur que peut être Netflix, mais aussi Amazon, Apple et Rakuten (le plus grand site de commerce en ligne au japon, 50 millions d’utilisateurs).
On peine à distinguer quelle est la ligne de défense du gouvernement qui après la remise du rapport Sylvie Hubac (mission sur le développement des services de vidéo à la demande et leur impact sur la création – 11 janvier 2011) et celui plus récent de Pierre Lescure, n’a pour l’heure tiré aucune conclusions sur les propositions faites pour dynamiser l’ensemble des ventes dématérialisées en France. A force de remettre sans cesse aux lendemains, ça y est, l’ogre américain est à nos portes.
Doit-on laisser le marché faire son œuvre ou bien est-il encore possible de réguler à l’heure de la mondialisation ? Prenons l’exemple des quotas qui ont été définis dans le cadre du décret SMAD (service Média Audiovisuel à la Demande, 12 décembre 2010), personne à ce jour n’est encore capable de décrire la situation et si ces quotas ont été observés par l’ensemble des plateformes. De même faudrait-il encore clarifier la réglementation européenne à ce sujet, plus que libérale : ces plateformes situées aux USA les libèreraient de toute juridiction européenne. Même chose pour la TVA, le reversement de cette dernière collectée au Luxembourg ne pourra être reversé à l’Etat Français qu’en 2019 !
En clair… l’Europe ne garantit pas l’égalité fiscale entre les sites extra-européens et les sites français. De toute évidence la concurrence sera, curieusement déloyale, pour nos plateformes. Libre concurrence vous avez dit ? A ce différentiel de TVA, vous pouvez encore ajouter celui de l’impôt sur les sociétés.
Enfin, alors que nos sites nationaux investissent en achat de droits quelques millions d’euros, la force de frappe de Netflix se chiffre à plus de 2 milliards de dollars en 2013.
A quand un effort sérieux des professionnels français pour proposer aux consommateurs un véritable catalogue d’œuvres en streaming illimité sur abonnement ? Nous en sommes loin, c’est avec des calculs à la petite semaine des producteurs français, qui en cela même, prennent les mêmes chausses que leurs homologues de la musique (on sait ce que le destin leur a réservé), qu’ils vont droit dans le mur. Le refus de regarder en face un monde numérique qui change à vitesse grand V, le refus d’envisager des révolutions drastiques pour réinventer ce monde de demain qui frappe à notre porte, tout cela dans un tout petit hexagone.. rien ne va plus, les jeux sont faits !.
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