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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Quand le conte est bon

Quand le conte est bon

Il était une fois ...

Il porte en lui un petit esprit rebelle.

Le conte n'est nullement un genre réservé aux enfants ; bien au contraire, serais-je tenté d'écrire. Il doit porter en lui un petit air coquin, un tantinet rebelle. Sous des couverts de fiction lointaine, il est éminemment subversif et c'est bien pourquoi les gens en place, les décideurs et les bourgeois aiment à le réduire à sa portion enfantine, histoire de ne pas réveiller l'esprit de sédition.

Le conte s'habille des oripeaux de l'imaginaire, du fantastique, du surnaturel pour décrire sans paraître y toucher, les travers de notre société. L'uchronie y règne en maîtresse absolue du code de lecture de ce merveilleux leurre. Il ne faut pas accorder trop d'importance aux Princes, aux Princesses et à leurs atours. L'essentiel est ailleurs, bien loin des apparences.

Le conte est un jeu de dupes. Celui qui l'écoute au premier degré n'y entendra qu'enfantillage et mièvrerie tandis que l'observateur attentif percevra les petits signaux de la subversion. Jean de La Fontaine était bien plus qu'un adroit plagiaire : il y avait dans ses fables une critique redoutable du monde qui l'entourait. C'est bien pourquoi, ses textes demeurent si actuels.

Alors, reprenez le chemin des spectacles de conte, osez vous accorder ce bonheur d'enfance avec votre expérience d'adulte. Il est grand temps de redonner à la culture orale ses lettres de noblesse ; l'image est une illusion : elle ne favorise ni la réflexion, ni l'imagination. Le conte ouvre ses portes et se garde bien d'enfoncer celles qui sont ouvertes.

Relisez les grands auteurs, osez les artisans de l'heure, les fous qui pensent encore qu'il est possible de changer l'inexorable, de détruire les forteresses de l'égoïsme, de la cupidité, de l'immoralité. Le conte est philosophique et moral ; c'est ce qui le rend si nécessaire dans une société sans idéaux ni éthique.

Il est évident que je prêche pour ma paroisse même si elle est athée. Il faut bien faire la promotion d'un genre si décrié qu'il est relégué à la périphérie des œuvres littéraires. Le conte est méprisé tandis que le roman est adulé. Curieux mouvement de vases communicants pour ces deux mêmes versants d'une volonté identique de décrire le réel, de le mettre en accusation.

Je vous en prie, n'ayez plus ce mouvement de refus vis-à-vis de ce genre qui n'a pas été rejeté par hasard. Tout ce qui est de nature à dénoncer les abus de notre époque déplaît. Le conte est d'autant plus nuisible qu'il se grime, qu'il joue la dissimulation, qu'il cherche à leurrer pour mieux interpeller. C'est en cela qu'il est plus dangereux que les autres.

Fermez les yeux le temps du récit. Le conteur vous conduit dans sa fantasmagorie, dans ses délires et ses circonlocutions. Puis, une fois la chute survenue, ouvrez grands les yeux et les oreilles et cherchez à démêler l'écheveau du récit pour tirer le fil rouge : celui qui ira jusqu'au pot aux roses. L'aventure n'est pas aisée ; c'est qu'on éprouve pour vous de la considération et que le conteur n'a nulle intention de vous vendre un produit formaté, pré-digéré, indigne de vous.

Non, vous ne rêvez pas ! Voilà un genre où l'on fait appel à votre intelligence, à votre perspicacité, à votre sensibilité, à votre esprit d'analyse. Le risque est grand sans doute de trouver désormais dans le public des gens totalement dépourvus de ces facultés. Mais non, ceux-là restent devant leur poste de télévision, bien trop englués par cette vaste opération de conditionnement et d'abrutissement.

Puisque vous m'avez lu jusqu'au bout, c'est qu'il n'est pas à désespérer de vos capacités. Alors, de ce pas, allez près de chez vous à un spectacle de contes. C'est ici le premier pas vers le nécessaire bouleversement qui s'impose. Notre société est à reconstruire : il faut tout refaire, des fondations au faîtage. Écoutez les conteurs ; il ne vous donneront pas de réponses, ils se contenteront de vous permettre de vous poser des questions. C'est en cela qu'ils sont indispensables à ce monde qui chavire.

Conteusement vôtre

Il_etait_une_fois_2.jpg


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2 réactions à cet article    


  • juluch juluch 2 avril 2016 13:51

    c’est vrais, il faut lire et écouter entre les lignes.


    Beaucoup d’auteur sont célèbres pour ça....

    La Fontaine comme Jonathan Swift.......

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