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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Retour sur un suicidé

Retour sur un suicidé

Retour sur un suicidé (de la société du spectacle)

J’avais prévu de revenir sur l’exposition Guy Debord après l’avoir vue. J’en ai rapporté un document imprimé et quelques impressions que je livrerai tout à l’heure.

 Ce document, c’est le N° 66 de Chroniques, le bulletin de la BNF qui fait 26 pages. Pas moins de 4 sont consacrées à Guy Ernest : la carte en couleurs de ses lectures studieuses ; un texte intitulé Guy Debord, un art de la guerre, signé Laurence Le Bras et Emmanuel Guy ; un entretien avec Patrick Marcolini intitulé Les héritiers de Guy Debord ; et Trois questions à Bruno Racine, l’organisateur de l’événement.

La 3ème question est fort malicieuse : « Quels sont les aspects de l’œuvre de Guy Debord qui vous intéressent particulièrement ? ». Le responsable du mausolée répond du tac au tac :

« Je citerai sans hésiter la passion que je partage pour l’analyse des rapports de force et la stratégie, la lecture de Clausewitz, l’inventeur d’un « jeu de la guerre ».

Carrément. Et le site de la BNF n’hésite pas non plus :

« À la fois poète, artiste, marxiste révolutionnaire, directeur de revue, cinéaste, Guy Debord fut avant tout le stratège d’une guerre de mouvement contre les faux-semblants de notre société, dont il démontra très tôt et très précisément le mécanisme pervers (La Société du spectacle, Éditions Buchet-Chastel, 1967). C’est sous cet angle de la stratégie que sera abordé le parcours de Guy Debord et de ses compagnons d’armes dans l’exposition que lui consacre la BnF. »[1]

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/calendrier_expositions/f.debord.html

L’exposition est un exercice d’admiration. Ceux qui ne connaissent l’IS et Debord que par leur réputation sulfureuse pourront en tirer profit s’ils ne s’arrêtent pas là. Les autres, celles et ceux qui sont venus là parce qu’ils ont fréquenté l’IS après sa dissolution, trouveront matière à réflexion et matière à sourire.


Exposition Guy Debord, un art de la guerre par BNF

http://org-videos.arte.tv/fr/videos/exposition-guy-debord-un-art-de-la-guerre—7423286.html

 

On est d’abord frappé par les notes de lecture de Guy Ernest. Ces passages recopiés à fin de détournement dans des auteurs auxquels ils s’identifient toujours plus ou moins. Une écriture de bénédictin. Plus que comme un stratège, il apparaît comme un moine-soldat. Mais, assez cohérent, il a utilisé un fusil pour mettre fin à ses jours et à se ennuis de santé.

L’exercice d’admiration peut se poursuivre avec quelques images (mais on sait que « le spectacle n’est pas un ensemble d’images » : reproduction d’affiches, de couvertures de revue, portraits de tous les situationnistes dans un pelle mêle). Puis quelques images animées. Un entretien de la première Madame Debord, Michèle Bernstein, avec Pierre Dumayet en septembre 1960 pour la sortie de son roman Tous les chevaux du roi.

 

Bon, celles et ceux qui étaient né n’avaient l’âge requis pour proposer à leurs parents de regarder une telle émission.

Dans la dernière partie de l’exposition, c’est une série de vidéos qui retient le visiteur pendant plus d’une heure. On enfile un casque et on déguste 13 petits témoignages.

Trois entretiens avec Marc’O : lettriste né 1927

Trois entretiens avec Daniel Blanchard : membre de Socialisme ou Barbarie né en 1934 ; il y a introduit Debord et a commis un texte avec lui.

Deux avec Jean Michel Mension : lettriste né 1934, exclu comme décoratif, puis connu à la Ligue Communiste sous le nom d’Alexis Violet. Il évoque « la dérive alcoolique » et la « fondation de l’IS ». Il est connu aussi pour contester à Guy Ernest la paternité du postulat : NE T RAVAILLEZ JAMAIS !

Deux avec Jacqueline de Jong : situationniste née en 1939. Un temps compagne d’Asger Jorn. Elle raconte la genèse des « thèses de Hambourg » et fleurit ses deux récit de ce néologisme  : « blasphémique »

Un avec Piero Simondo membre fondateur de l’IS : né en 1928

Un avec Jacques Villeglé : lettriste né 1926 qui décrit Guy Ernest comme un « opportuniste soulographe »

Un avec Maurice Rajfus : né en 1928. Il raconte la première de Hurlements en faveur de Sade.

On voit ainsi que Debord, comme stratège, s’est surtout employé à « s’imposer dans le monde »[2] des avant-gardes artistiques et politiques. Il a poursuivi cette stratégie dans la mouvance lettriste d’abord (comme le racontent Jacques Villeglé et Maurice Rajfus) ; dans celle de Socialisme ou Barbarie (comme le narre Daniel Blanchard) ; dans la direction occulte[3] de l’Internationale Situationniste (Jacqueline de Jong en fait un récit assez cocasse) ; puis dans la direction encore plus occulte des Editions Champ Libre ; jusqu’à la programmation de sa mort et de la diffusion du premier film de télévision consacré à son œuvre et à sa personne.

 http://www.premiere.fr/film/Guy-Debord-son-art-et-son-temps-3521192

 

Ce n’est pas ce Debord là qui me touche le plus. Je reviendrai une autre fois sur celui qui continue de me hanter et de m’enchanter parfois, et de me désenchanter.

Je conclurai provisoirement ici en disant que cette exposition m’a permis d’entendre et de voir Jean Michel Mension (dont j’avais lu les entretiens réunis dans le livre La tribu) ; et de découvrir des personnages remarquables comme Daniel Blanchard, Jacques Villeglé et surtout Maurice Rajfus 



[1] « Paris, 1953, au fond de la rue de Seine, un jeune homme écrit sur un mur en hautes lettres : NE T RAVAILLEZ JAMAIS !
Guy Debord n’a jamais travaillé. Il a beaucoup marché dans les rues de Paris, bu certainement plus que d’autres et a surtout développé dans ses œuvres, écrites ou filmées, les armes théoriques d’une critique sans concession de la société moderne. Les mouvements d’avant-garde dont il fut l’initiateur, l’Internationale lettriste (1952-1957) puis l’Internationale situationniste (1957-1972), furent les points d’appui de cette lutte organisée pour combattre tout ce qui fait entrave à la vie véritablement vécue. À la fois poète, artiste, marxiste révolutionnaire, directeur de revue, cinéaste, Guy Debord fut avant tout le stratège d’une guerre de mouvement contre les faux-semblants de notre société, dont il démontra très tôt et très précisément le mécanisme pervers (
La Société du spectacle, Éditions Buchet-Chastel, 1967). C’est sous cet angle de la stratégie que sera abordé le parcours de Guy Debord et de ses compagnons d’armes dans l’exposition que lui consacre la BnF. Son œuvre, son regard et sa pratique seront constamment au centre d’un dispositif qui présentera, époque après époque, les travaux collectifs et individuels de ceux qui unirent leurs efforts pour concevoir une société à leurs yeux moins absurde que le système d’une économie capitaliste marchande, alors en plein essor.
Les archives de Guy Debord ont été acquises en 2011 grâce au mécénat. »

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/calendrier_expositions/f.debord.html

[2] Pour reprendre le mot d’un de ses adorateurs aujourd’hui oublié : André Migeot, De la Manière de s'imposer dans le monde (1978)

[3] Puisque cette organisation se prétendait antit-hiérarchique et égalitaire.

 

PDF - 273.4 ko
Carte des lectures
PDF - 622.2 ko
Expo Debord
PDF - 151.1 ko
Communiqué JDD
PDF - 134.4 ko
Communiqué L’Huma
PDF - 132.3 ko
Communiqué Debord et Delors
PDF - 60.4 ko
Communiqué Wolman
PDF - 1.2 Mo
Communiqué Guy Debord

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11 réactions à cet article    


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 29 juin 2013 12:59

    Intéressant papier l’Auteur ..


    Mais .. si vous permettez : Maurice Rajsfus .. Rajsfus avec un S habituellement..

    Un très-bon polémiste, un historien parfois sans concessions, un quasi-pamphlétaire savamment mis à l’index, aux vestiaires 


    Quant à Debord, c’est bien la société de consommation et du spectacle qui lui a tissé ses lauriers, qui l’a érigé en Mythe faire-valoir .. son attachement à l’Hollywoodisme le rendra suspect à tout jamais aux authentiques opposants au NOM

    On lui préfère Vaneigem le médiéviste, le fin clinicien de la fausse contestation ..

    • Nuccia Nuccia 29 juin 2013 13:53

            Vaneigem , oui ! 

      Cette phrase qui lui ressemble tant ( avant -propos de « La résistance au christianisme ») :

         « En soldant les idéologies sur les rayonnages de l’indifférence , les self-services du consommable à tout prix ont , volens nolens , dépouillé l’individu de cette carapace caractérielle qui le dissimulait à lui-même , le condamnait à des désirs contraints , sans autre issue que le défoulement , la morte passion de détruire et de se détruire . Ainsi voit-on peu à peu s’éveiller au grand jour une volonté de vivre qui n’a jamais cessé d’appeler à la création et à la jouissance conjointes de soi et du monde .. » 

      Debord , si malheureux , ne s’était sans doute pas assigné d’atteindre à « la possession amoureuse de l’univers » ! 

    • Jules Elysard Jules Elysard 29 juin 2013 14:56

      Quant à Vaneigem, il faut lire aussi ses derniers propos publiés sur Debord :

      « Accordés sur le diagnostic du mal, Debord et moi divergions sur les remèdes » (p174)

      « De ce jour se noua entre Guy Debord et moi une amitié qui eut le privilège d’être sincère jusque dans les heurts de l’inimitié finale ». (p183)

      Entre le deuil du monde et la joie de vivre sous titré Les situationnistes et la mutation des comportements (2008)


    • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 29 juin 2013 23:07

      Vaneigem tu parles !

      Les contre-révolutionnaires libertaires « jouisseurs » qui se veulent, et avec prétention, « remèdes » au capitalisme prédateur...vous n’en avez pas assez soupé ?
       Les mêmes (de Vaneigem à Onfray-Siné Hebdo, là on touche le fond) qui (au passage) continuent à défendre, sans honte, la thèse mythiste concernant l’existence de Jésus-Christ.

      Ce sont des « professeurs d’écoles » mi-autoritaires mi méprisants...seul l’accoutrement, l’habit de parade a changé par rapport à ceux qu’ils dénonçaient il y a quatre décennies.

      Au vrai, nulle question de « nietzschéisme », d’hédonisme et de solarité (il n’y a pas de faute) chez ceux-là. Mais des prétentions à incarner tout cela, certes oui.

      Ni « jouisseurs », ni « bouffeurs », ni « rieurs » mais des sophistes bien tristes et chiants comme la pluie...avec un discours sur le « désir » (devenu autoritaire sinon autorité)...le tout dispensé avec un air pincé.
      .
      Au rebut (eux, pas la dialectique) !


      • Jules Elysard Jules Elysard 30 juin 2013 11:16

        Ici, l’auteur du petit article sur Debord et d’un petit commentaire sur Vaneigem est violemment pris à partie par un contradicteur qui, il faut le dire, est l’’auteur d’un livre. Un livre à côté duquel LA SOCIETE DU SPECTACLE et LE TRAITE DE SAVOIR VIVRE ne sont que des accumulations de sophismes. 


      • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 30 juin 2013 11:40

        Réponse totalement stupide, à côté de la plaque.
        Je n’en attendais pas moins. CQFD.


      • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 30 juin 2013 12:50

        Je veux bien préciser.
        Donc, si vous ne vous rendez pas compte que ces gens là sont devenus des « religieux » et les livres que vous citez des « évangiles », je n’y peux rien. Renversements dialectiques...
        On trouvera évidemment d’immenses qualités à « La société du spectacle ». Mais certains « s’essaient » toujours et d’autres ont pris (avec beaucoup moins de talent) la relève depuis lors...

        Dans une large partie des œuvres de ces idoles, on retrouve aussi ce mépris petit-bourgeois pour les classes populaires et le travail d’usine (le « beauf stalinien » ouvrier encarté au PCF dans les années 60/70, selon leur vision des choses). Ces tartuffes ont bien aidé à faire disparaître le seul parti en mesure de défendre les intérêts des salariés/ouvriers... « la charogne stalinienne » comme ils écrivaient sur les murs...

        Mais pas seulement, cela va de pair avec ce mépris absolu pour la culture bourgeoise classique. Et cela a été le rôle des sociologues à la Bourdieu autre parangon de l’idéologie 68, que de piétiner ce génie bourgeois, les « humanités », etc.

        Ensuite, si cette société les rebute/rebutait à ce point, il existe la stratégie du reclus, le refuge intérieur, le « jardin »... mais il faut bien « bouffer » certes... Des « carrières à faire », comme on dit...

        Morceaux choisis chez ces auteurs qui relèvent d’une suffisance incroyable et d’une méconnaissance totale des sujets abordés :
        « les religions donnent du prix à la mort et à la douleur » (aucun sens), « La religion est la forme la plus achevée du mépris », etc. Quelle religion ? Le christianisme sûrement pas. Ensuite, le mépris de qui ou de quoi ? De la vie ? De la femme ? Archi-faux (Jésus les considère comme égales à l’homme).
        Et selon Onfray « l’héritier », le christianisme aurait inventé la culpabilité. On se pince...

        Ensuite le discours sur la « l’éducation carcérale et la castration du désir »... qui prévaut toujours dans ces milieux libertaires... ces gens n’ont pas dû mettre les pieds dans une école depuis 30 ans...
        Affaiblissement du surmoi par le refus des limites et explosion des comportements pervers. Le boulot a été « bien fait »...
        etc.


      • Jules Elysard Jules Elysard 1er juillet 2013 20:02

        Mon pauvre, quand vous prend l’envie de préciser votre pensée, elle semble encore plus confuse.


      • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 1er juillet 2013 20:30

        Ou bien vous ne comprenez pas grand chose...
        Dans tous les cas, gardez votre condescendance... et continuez à vous délecter de vos vieux rogatons pourris...


      • David 18 août 2013 14:57

        Quand je vois le niveau d’intégrité de ce « pauvre » Jules Elysard (ça fait prolo ya pas à dire...) après avoir lu son article sur Soral, je cautionne sans réserve les propos de Lemonnier. Bravo à lui !

        S’il est moinssé par ces gens, je me dis qu’il ne peut avoir tout à fait tort. Debord, pas si génial que ça, humainement détestable, récupéré par les réacs et les bourges (surtout de gauche) en tout genre.


      • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 30 juin 2013 11:04

        si ca continue LES FASCISTES VONT NOUS DIRE : LE PETIT MERICIS’ EST TUE EN SE TAPANT LUI MEME

        SALAUDS ET LE RESPECT DE LA MORT....,,, ????NEGATIONNISTES

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