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« Silent Hill » (sur Canal+, le 11 déc.), un film-jeu vidéo à réévaluer...

Profitant de la diffusion mardi 11 décembre à 16 h 05 sur Canal+ de Silent Hill, j’en profite ici pour vous inviter à une revoyure de ce film mixant intelligemment, selon moi, cinéma et jeu vidéo.

Rappelons que ce film de 2006 signé Christophe Gans (ex-rédacteur de Starfix) est l’adaptation du jeu vidéo homonyme de Konami conçu par le japonais Akira Yamaoka. Sorti en 1999 sur la console Playstation, ce jeu a été suivi de plusieurs suites vendues à des millions d’exemplaires à travers le monde. Avec son ambiance unique mêlant le psychologique et l’action et proposant, dès l’origine, une mise en scène proche du cinéma, ce jeu vidéo se prête idéalement à une adaptation cinématographique - d’autant plus qu’il participe grandement d’une tendance majoritaire du cinéma hollywoodien contemporain, celle du survival-horror ayant donné naissance à des Resident Evil et autres Alone in the Dark.

Voici l’histoire : la petite Sharon (Jodelle Ferland) rêve de plus en plus d’une ville abandonnée, Silent Hill. Sa mère, Rose (Radha Mitchell), s’inquiétant pour les rêves étranges et pénétrants de sa fillette victime de suicidaires crises de somnambulisme, décide de l’accompagner sur place : Welcome to Silent Hill ! Alors qu’elles pénètrent dans cet univers lugubre et poisseux, Sharon disparaît. Sa mère la recherche éperdument dans cette espèce de Triangle des Bermudes urbain nimbé de cendres et peuplé de créatures étranges et ténébreuses phagocytant tout ce qu’elles touchent. Faisant appel à la superbe femme flic Cybil Bennett (Laurie Holden) et à la police locale, Rose cherche coûte que coûte à arracher sa fille au monde perdu et cruel de Silent Hill. Bientôt, d’indices en épreuves de force qui se dressent inéluctablement sur son passage, elle découvrira qu’elles sont les jouets d’une malédiction qui les dépasse grandement...

Bon, j’ai vu ce film il y a quelque temps déjà. Fait-il peur ? Non, il faut bien l’avouer, Silent Hill ne fait pas vraiment peur - le dernier film qui m’ait vraiment mis les chocottes par moments, au ciné, c’est The Descent. A part ça, le film de Gans est une expérience cinématographique intéressante. Comme pour ses autres films, Crying Freeman (1996) et Le Pacte des loups (2001), on y sent une vraie passion et générosité pour le cinéma de genre et c’est déjà pas si mal. En outre, il y a moins un côté bric-à-brac. Gans passant (enfin !) du statut de DJ à celui de cinéaste - certes toujours sous haute inspiration. Et puis, que diable, c’est passionnant ce croisement « interactif » entre le cinéma et le jeu vidéo, d’où l’intérêt à mon sens de Silent Hill. Alors, on parle souvent de « l’ esthétique du jeu vidéo » ( à l’égard de films comme Matrix, eXistenZ ou Elephant), à savoir une certaine froideur, une image « clinique » et désincarnée, mais ce n’est pas particulièrement cela qui fait la spécificité de Silent Hill, indépendamment de ses qualités plastiques indéniables, c’est davantage cette impression que la narration même du film est « contaminée » par les modes de narration (non-)évolutive du jeu vidéo. On avance par paliers, le film d’ailleurs, malgré sa course poursuite effrayante, n’avance pas vraiment. Par moments il « se traîne » même, faisant du sur-place pour laisser place à un terrain de je(u) palpitant. De plus, comme dans un jeu, on a rendez-vous avec certains leitmotive - je trouve par exemple littéralement fantastiques les moments étouffants quand Silent Hill (la ville maudite) plonge dans l’obscurité, on entend la sirène retentir, puis les murs rougeoient, crépitent et, en tant que spectateurs (et/ou joueurs), on plonge alors dans les arcanes d’un univers sombre et apocalyptique, une vraie descente aux enfers pas loin d’un dédale à la Jérôme Bosch ou à la Dali. Cet effet de bascule, tant attendu et redouté aussi (on est dans le registre des pulsions enfantines jouissives !), est la grande réussite du film de Gans.

Précisons tout de même que l’ombre du styliste David Cronenberg plane quelque peu sur le film. Et pour cause, le chef-décorateur de Silent Hill n’est autre que Carol Spier, un fidèle collaborateur du cinéaste culte de Toronto, c’est par exemple lui qui a signé les superbes décors à l’inquiétante étrangeté de La Mouche ou d’eXistenZ. Bref, grâce aux soins mis notamment dans le décorum maniériste à souhait (dédales crapoteux, cauchemar graphique, giclements de peinture rouge sang, etc.), on arrive à être dedans, à ressentir ce que vit l’héroïne Rose, on rencontre des obstacles sur notre chemin (de croix) et, comme dans un jeu, la frontière entre réalité et rêve est ténue - on se demande sans cesse si les monstres croisés, voire même la femme flic ultra-sexy (la motarde de la police, Cybil), sont des chimères (d’ailleurs, très souvent, ils se consument et finissent en flocons de cendres) ou bien des êtres hybrides tangibles, on s’ identifie très facilement à cette mère Courage qu’est Rose et qui cherche obstinément à extraire sa fille de ce village des damnés, à la fois irréel et concret. On appréciera aussi que Gans donne le beau rôle aux figures de femmes. Où sont les hommes ? a-t-on envie de chanter en voyant ce film-gouffre ! Gans, qu’on associe ordinairement à un cinéma de garçon (kung-fu, action, horreur...), a volontairement noyé son film dans les parfums troubles et troublants de la féminité évanescente, le cinéaste déclarant à la sortie de son film en salles : «  Par exemple, il nous est apparu clairement que le personnage central du jeu, un homme nommé Harry Mason, se comportait avec l’instinct maternel et la vulnérabilité d’une femme. Plutôt que de trahir ce personnage en le durcissant, nous avons préféré en faire une femme. Akira Yamaoka a beaucoup ri quand je lui ai fait part de mon point de vue, mais il a été d’accord. Je pense que si son personnage était un homme, c’était d’abord pour une question d’identification et parce que seul un homme peut décemment affronter les épreuves du jeu. Mais il lui avait en fait donné une nature totalement féminine !  »

Voilà, c’est ça ce que j’ai aimé dans ce film : son hybridité. Ce n’est pas un film comme Doom qui représenterait et illustrerait paresseusement les grandes figures et l’esthétique du jeu éponyme, non, Silent Hill (le film) tire sa force graphique et narrative du fait même que Gans, tout en restant fidèle à la noirceur de la vision désenchantée de Yamaoka et à l’imagerie glauque et mortifère de son jeu, fait un film qui est « habité » par la structure narrative flottante et répétitive du jeu vidéo (jusqu’au shoot ultime - le game over !). Ce n’est pas une adaptation plate, illustrative, mais incarnée, « physique », travaillée par la matière même du jeu, entre le virtuel et le « vivant » (un monde horrifique bouillonnant semblant grouiller sous nos yeux). En outre, Gans n’est pas non plus un « Ayatollah » du jeu originel, il se permet de faire certaines entorses quant au modèle - Harry, par exemple, on l’a vu, étant remplacé par Rose. Il ne s’agit pas d’un film pour happy few, loin de là, on peut rentrer dans cette aventure filmique sans rien connaître aux jeux vidéo. Petite réserve cependant, le final grandiloquent, lorgnant du côté d’un John Carpenter dans sa volonté de critiquer, par la métaphore politique, l’Amérique puritaine pas piquée des hannetons, est d’un kitsch assez gênant, comme si Gans s’était essoufflé sur la fin, nous laissant quelque peu sur notre faim. Oui, on se serait aisément passé de cette ex-croissance ampoulée du jeu, loin d’être profitable au film. Bref, ce film, Silent Hill, qui est à cheval entre différentes modalités de narration (le cinéma, le jeu vidéo, certaines connexions avec les arts plastiques), est un film-greffe imparfait, mais ça reste un film-fantôme, un film-labyrinthe où il est assez agréable de s’y perdre puis (peut-être) de se retrouver, au détour de certains chemins de traverse. Bienvenue en enfer donc ! Play it again ?

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« Silent Hill » (sur Canal+, le 11 déc.), un film-jeu vidéo à réévaluer... « Silent Hill » (sur Canal+, le 11 déc.), un film-jeu vidéo à réévaluer...

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7 réactions à cet article    


  • Julien Julien 10 décembre 2007 10:50

    Bon article. Je partage votre avis sur ce film, bien que les critiques de la presse ainsi que des spectateurs ont été très mitigées. Effectivement, ce n’est pas un film « qui fait peur ». Mais j’ai adoré la retranscription que Gans fait du jeu video, l’univers visuel glauque, et les monstres relativement fidèles à ceux qu’on trouve dans le jeu.

    Quant à la scène finale dont vous parlez (je suppose que vous faites référence à celle qui se déroule dans l’église), je l’ai, pour ma part, trouvée trop « charnelle ». Cette débauche de sang et de violence m’a semblé décalée voire grotesque par rapport au reste du film et aussi par rapport au jeu.

    Ca reste quand même, un des meilleurs films du genre d’après moi. A des années lumières d’un « Resident Evil » par exemple.


    • adeline 10 décembre 2007 12:06

      Bonjour, je suis entiérement de votre avis, sur mon ordi je n’ais qu’un jeux (Wolfenstein) et sur ma console je ne joue qu’à Silent Hill 1,2,3 j’adore et le film je me le mets en boucle certaines soirée bien joyeuse comme Noel par exemple Merci de votre article smiley


      • Vincent Delaury Vincent Delaury 10 décembre 2007 12:27

        Merci pour vos commentaires.


      • Pascalinho 10 décembre 2007 19:34

        J’ai également vu le film, ayant moi-même apprécié le jeu vidéo premier du nom.

        Je suis également d’accord quand vous écrivez que le film ne fait pas peur. Disons que des créatures et certaines scènes présentent des côtés dérangeants par les aspects physiques et les atmosphères qui en émanent, limite obscène. Côté obscénité, la scène où Pyramide rouge déchiquète sa victime est plutôt marquante !


        • jamesdu75 jamesdu75 11 décembre 2007 05:25

          J’ai pas trop joué au jeux, mais il clair que Gans a l’âme d’un passionné et ça se ressent vraiment. Si toute les adaptation pouvait être comme ça, ce serait un bonheur, malheureusement il faut compter avec la sacro saint dieu Dollar hollywoodien, Silent Hill à fait un bide commercial, c’est clair. Les producteurs américains en pleure pas certes, mais donne toute les raisons pour que ce genre d’expérience ne se renouvelleront pas de suite.

          On va se retrouver avec tacheront faisant des films comme Doom comme vous avez cité, mais aussi Resident Evil, ou le dernier que j’ai vue Hitman, un pur produit Besson-Europa, plus proche du Transporteur qu’autre chose. C’était un bon divertissement, y’a pas photos, mais trop loin du jeu. J’oublie le pape des bouses tiré des jeux vidéo, Uwe Bowl avec les excellentissime de nullité Alone in the Dark (pourtant si merveilleux). A noté qu’il sera de retour dans quelques semaines avec Postal, et étrangement les premières rumeurs parlent d’un bon film décalé, violent proche de Postal 2.


          • Wiinnie Winnie 11 décembre 2007 12:44

            Les jeux video sont mis a mal par le cinema , il n’y a qu’a voir cete liste de film : mario , street fighter ,doom , etc... j’en passe et des meilleur n’est ce pas smiley , donc pour une fois qu’un cineaste a fait l’effort (apres on aime ou ...) de retranscrire un univers aprecié du monde du jeu en un film tres sympa ,inutile de se priver !


            • Didier DUPUY 1er juillet 2008 23:55

              Salut, Vincent
              Je jette un coup d’oeil sur tes chroniques : un vrai boulot de pro. J’avais bien aimé Silent Hill et ai été aussi déçu par la fin... "Excroissance" est le bon mot... On grogne d’autant plus que le reste du film est bon ! Sinon, on retrouve une esthétique semblable dans les adaptations de jeu vidéo et celles de la BD. Je ne suis pas très familier de la BD (à part Tintin, Blueberry et les Goulag de Dimitri !!!) mais j’ai vraiment apprécié les adaptations de Frank Miller "Sin City" (surtout) et "300". Certains ont trouvé ce dernier réac, mais bon... tout le monde n’est pas abonné aux Inrockuptibles ;) Je continue de soutenir Jeunet... et même Pascal Sevran !! (Paix à son âme !) Na !!!!
              Didier

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