Sœur Sourire : le fabuleux destin d’une ritournelle
4 petits couplets à la gloire d’un saint et une mélodie gentillette, 1ers au hit-parade mondial en 1963, devant des Beatles en pleine gloire ; des traductions en toutes langues ; une prestigieuse télé américaine venue en Belgique interviewer « Singing Nun » dans son couvent ; des paparazzi qui en font le siège... L’histoire de « Dominique », c’est presque toute celle de Jeanine Deckers, dite Sœur Sourire ; c’est donc sur elle que se concentre le biopic franco-belge de Stijn Coninx interprété par Cécile de France.
Fille unique d’artisans boulangers qu’elle désespère avec ses lubies et vocations successives, à 25 ans Jeanine voit un film sur l’Afrique. Elle s’enrôle au couvent, étape obligée d’une missionnaire. S’y ennuie, refuse d’obéir. Comme elle est bonne fille - la supérieure aussi -, on lui rend sa guitare. Dominique, du nom du saint patron de la congrégation, prend vie. Un prêtre en visite, pensant - non sans raison - que la chanson pourrait rapporter de quoi réparer la chapelle, convainc la mère supérieure de tenter une audition...
Dominique nique le King, les Beatles et tout le box office
Pendant des années Dominique nique, nique est chantonné et siffloté dans le monde entier. (Sans arrière-pensée grivoise, le parler caillera n’ayant pas encore cours, et par toutes les générations.) Mais sans rapporter un sou à Jeanine, qui a signé en faveur de l’Eglise un abandon de droits, et qui se met à rêver de scène et d’indépendance alors qu’elle n’est pas même propriétaire de son pseudo.
Commence alors la descente de ceux qui n’ont eu qu’une gloire fugace. Défroquée, elle n’intéresse plus qu’une poignée de Canadiens, qui applaudissent Dominique, mais pas l’apologie que Jeanine fait de la pilule ou de la rénovation de l’Eglise en cours avec Vatican II. Comme on ne fait pas un tour de chant avec un seul titre, et que son vrai nom ne dit rien à personne, elle tente de faire entendre n’importe où - à l’Alcazar du coin, dans des cafés borgnes - le reste d’un répertoire dont on comprend qu’il n’ait pas rencontré le même succès.
Elle n’a chanté qu’un seul été
Quelques chansons d’exception, unique œuvre à succès de leur auteur, traversent ainsi les âges : Plaisir d’amour, Stille Nacht... Jeanine, elle, avait cru par les siennes susciter des vocations, ranimer la foi , contribuer à "moderniser l’Eglise". Elle n’a atteint aucun de ses objectifs. On voudrait pour cette milliardaire du disque sans un sou une autre fin : qu’avec ce beau souvenir en poche, sœur Luc-Gabrielle (son nom de dominicaine) réalise en Afrique l’orphelinat de ses rêves ; ou qu’elle parvienne à cet amour humain dont elle se lamentait d’être incapable. Typique des adolescentes de l’époque éprises d’absolu, insatisfaites, décidées à tout pour échapper au destin tracé, on la trouverait aujourd’hui au théâtre ou dans une ONG.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON