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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Verdelot et Ganassi : les Madrigali Diminuiti par Doulce Mémoire

Verdelot et Ganassi : les Madrigali Diminuiti par Doulce Mémoire

C’est l’histoire d’une équipe gagnante. En 2013, Doulce Mémoire enregistrait des œuvres de Antonio de Cabezon (1510-1566) en se focalisant sur les diminutions que le compositeur a réalisé sur des chansons de son époque. S’alternaient ainsi chant épuré et versions diminuées avec une profusion de couleurs tirées des instruments choisis (bombarde, bassons, flûtes). Trois ans plus tard, l’équipe reprend du service, en formation réduite, pour mettre en avant les diminutions de Sylvestro Ganassi (1492-ap. 1543) sur des madrigaux de Philippe Verdelot (1480/85-1530/32).

Dans l’histoire du madrigal, aux côtés de Jacques Arcadelt ou Costanzo Festa, Philippe Verdelot tient une place de pionnier. Tous trois publient les premiers livres de madrigaux dès les années 1530 alors que le genre en est encore à ses balbutiements. Le succès est néanmoins au rendez-vous — certains de ces livres de madrigaux seront encore édités un siècle plus tard — et d’autres musiciens s’attachent à les embellir en y joignant des diminutions, sortes de traits virtuoses écrits ou improvisés qui rehaussent l’œuvre originale. Ganassi, joueur de flûte à bec, est de ceux-là et propose, à travers son traité La Fontegara paru en 1535, plusieurs règles de diminutions selon un système de division de la ronde. Celui-ci permet à l’interprète de donner du mouvement à la mélodie originale et de tisser autour d’elle une complexité variable à souhait, au point de créer un fossé entre l’imprimé et l’exécution de l’œuvre.

L’écrin sonore dans lequel baignait les diminutions de Cabezon se retrouve à nouveau dans ce disque à la tonalité plus intimiste. Le choix d’une harpe, d’un luth et d’une épinette constitue encore une fois un plaisir pour les oreilles et un intérêt historique évident. Si on peut éventuellement regretter une balance moins équilibrée entre le chant et les instruments qui réalisent la polyphonie vocale, plus en retrait en regard de l’enregistrement de 2013, ce n’est finalement qu’un détail au vu de la qualité de l’interprétation proposée. 
Répertoire réputé difficile, moins vendeur que les madrigaux maniéristes de la fin du XVIe siècle, les madrigaux de Philippe Verdelot et les diminutions de Ganassi prennent vie et consistance, sans excès, dans les bouches et les doigts experts de Doulce Mémoire. Denis Raisin Dadre, directeur de l’ensemble — et par ailleurs auteur d’un livret impeccable qui remet en perspective les idées reçues —, fait montre d’une excellente technique à la flûte à bec, s’appropriant la sprezzatura idéale de la Renaissance. Il se voit même rejoindre par Clara Coutouly dans In me cresce l’ardore où l'on peut se réjouir de ne pas entendre la soprano se cantonner dans la restitution de la ligne de chant non ornée, pratique dans laquelle elle excelle au demeurant. A ce propos, repérez le joyau du disque : Nunqua fu pena magiore. Sept minutes où la musique respire, les lignes s’étirent, la flûte virevolte. 

En somme, en alliant simplicité et étude fouillée des pratiques de l’époque, c’est toute la poésie d’une certaine Renaissance qui est mise à l’honneur pendant plus d’une heure de musique et qui fait de ce disque un modèle du genre.

 

________________________
Philippe Verdelot — Sylvestro Ganassi
Madrigali Diminuiti

Denis Raisin Dadre : flûtes et direction
Clara Coutouly : chant
Pascale Boquet : luth renaissance
Bérengère Sardin : harpe
Sébastien Wonner : épinette et clavicytherium

2016 Ricercar/Outhere Music RIC 371



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