• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Le plateau de fruits de mer

Le plateau de fruits de mer

Sortez de votre coquille ...

Promesse tenue.

Depuis le temps que nous l'évoquions, ce plat magnifique qui vous laisse les doigts embaumés et la bouches pâteuse, le voilà enfin qui sort de sa coquille en un lieu improbable. Nous allons nous retrouver à dix adultes, dans un espace aussi réduit qu'une chambre de bonne, proposée par un marchand de sommeil.

Il a fallu récupérer tout ce qui pouvait servir de chaise. L'ensemble est hétéroclite et fort mal commode. La terrasse ressemble à un parcours du combattant d'autant plus qu'elle est divisée en deux compartiments distincts. La troupe subira cette séparation imposée par la configuration des lieux.

Soyons pragmatiques, comme disent les chantres de la rationalité à tout crin. Un espace sera réservé aux coquillages quand l'autre le sera à la gloire des crustacés. Il faudra tourner et alterner les plaisirs afin que chacun puisse discuter avec tous les autres tout en assouvissant ce bonheur salin du mareyeur.

Les rince-doigts seront installés à la frontière afin d'assurer des déplacements relativement hygiéniques. Le principal problème étant d'évacuer les surplus et les carapaces, les coquilles vides et les pattes évidées sans risquer de verser sur un convive ou de passer par-dessus bord le saladier regorgeant de reliefs.

Le plus complexe dans ce repas sur moins de 6 mètres carrés consistera à poser les plateaux pleins sur deux tables minuscules. Il faut d'ores et déjà renoncer à l'utilisation de l'assiette, pourtant fort recommandée dans une telle entreprise gastronomique. À moins que le miracle ne vienne des ressources des convives, il se murmure que l'un d'eux arriverait avec une table à papier peint, support branlant mais, ô combien commode, en pareille pénurie …

Les bouteilles de vin risquent de trinquer. Elles ne pourront partager la vedette avec le plateau. Elles seront condamnées à rester à même le carrelage, risquant ainsi le naufrage ou la bouteille à la mer. Le verre de chacun sera aussi mal loti que le bateau-amiral qui lui versera son délicieux nectar. Le laisser sur les tables c'est prendre le risque de ne point le retrouver, de devoir lancer des appels de détresse ou bien de renoncer-ah, que c'est dur à entendre- à ce merveilleux plaisir.

Plus les minutes passent avant l'arrivée de la foule compacte et plus je m'interroge sur le côté raisonnable de l'invite. Il est hélas trop tard pour reculer. Nous marcherons en crabe, afin de ne pas nous monter sur les pieds, nous serons serrés comme des crevettes et la terrasse tiendra lieu de panier à crabes. Seuls les plus vaillants sortiront vainqueurs de cette épopée.

L'autre épreuve naturellement consistera à parvenir à quérir le plateau de l'autre côté de l'étier. La poissonnerie est en zone piétonne ; il faudra des bras, et des solides, pour faire ce kilomètre de tous les dangers sous le regard envieux et forcément jaloux du quidam de rencontre. Un détachement solidement armé devra accompagner les porteurs de moules et d'huîtres, de tourteaux et d'araignées. Les temps ne sont plus à la quiétude alimentaire.

La pluie venant se mêler d'agrémenter la fête, la terrasse découverte sera aérée et quelque peu humide tandis que l'acheminement du plateau risque bien des périls sur le plancher de bois qui longe le port. Je me fais peut-être bien trop de souci au sujet de la réalisation de cette prouesse technique ; il se peut qu'il n'y ait rien à manger si le plateau tombe à l'eau ….

Voilà, l'heure approche et ce grand rassemblement va avoir lieu coûte que coûte. Une promesse doit être tenue, même si les conditions ne sont pas nécessairement favorables. À la fortune de mer, diront les plus aventureux. À l'infortune du pot, se contenteront d'objecter ceux qui pourront tenir leur verre bien en main.

De ce qui se passera réellement, vous ne saurez rien. C'est le choix du narrateur que de vous mettre en appétit sans rien vous présenter réellement. Ne m'en veuillez pas : il n'y avait pas de place pour vous. Ce sera, à n'en point douter, pour une fois prochaine. Je vous abandonne à cette promesse qui n'engage que ceux qui veulent bien y croire. L'heure est venue de monter la mayonnaise et de marcher sur des œufs. Il y aura sans doute quelques perles au menu ; viendront-elles des convives ou bien des huîtres ? C'est aux bonnes fées de veiller sur nous pour nous accorder ce bonheur rare d'un joyau dans le cœur de ceux qui ont encore une âme d'enfant !

Étroitement leur.


Moyenne des avis sur cet article :  3.91/5   (11 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès