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Le Poisson d’OR

Aux "BAUX" contes du Tarn & Garonne

Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux !

Il était une fois et encore de nos jours, un fleuve qui de sa source à son embouchure charrie depuis toujours des flots de légendes et des montagnes de cailloux. En fait, c'est une rivière aussi redoutée pour ses débordements, qu'appréciée pour la richesse de ses limons. De tout temps, on la nomme « Garonne », autrement dit « la caillouteuse ».

Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux ; elle, coule Garonne... Lorsque ses riverains parlent d'elle, ils le font toujours avec le respect et l'affection que l'on doit à un membre cher de sa famille. Aussi, sans l'alourdir d'aucun article, ils la désignent juste ainsi : « Garonne ». Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux ; elle coule Garonne.

Pour notre récit, allons donc à Garonne et plus précisément au port de Verdun qui aux temps jadis, quand débute notre histoire, était désigné par « Rivière Verdun » ... Ici de toujours on naît et on grandit au rythme des flots de Garonne.

Il en allait ainsi pour Peir que tout le monde appelait Peiroulet. C'était le troisième fils d'un pauvre veuf qui se louait aux mariniers comme tireur de corde. En ce temps-là, le métier de marinier était particulièrement pénible et dangereux. En effet, la corvée du halage marquait durement son homme, et croyez-le bien, pas seulement qu'à l'épaule, quand elle ne le cassait pas avant l'âge.

Peiroulet était un enfant docile et obéissant en tout point aux volontés de son père et de ses deux aînés. Sa mère, une brave lavandière, n'avait pas survécu à sa naissance, pas même jusqu'à ses relevailles. Un deuil que l'on ne manquait jamais de reprocher au pauvre Peiroulet. Quand il eut quinze années révolues, son père lui annonça tout de go qu'il allait l'enrôler comme novice dans la marine royale.

En effet, à cette époque, les intendants du royaume recrutaient jusqu'aux gens de rivières pour renforcer les équipages des vaisseaux du roi « Peiroulet, pour l'an nouveau, au prochain passage de l'officier recruteur du quartier de Toulouse, je t'inscrirai sur son rôle. Ainsi, tu apprendras un bien noble métier et verras le monde. Avec la prime d'engagement, j'achèterai une miolle, peut-être même un gabarrot, pour installer tes frères à leur compte. Peiroulet, la famille a besoin de toi ! Et de là-haut, ta mère sera fière de son dernier pitchou-net »

Peiroulet n'avait qu'à obéir et attendre de voir son nom inscrit sur la liste qui serait bien trop tôt placardée sur la porte de l'église. Le pauvre enfant descendit à Garonne pour adoucir son chagrin dans la contemplation apaisante du courant immuable du fleuve. Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux ; elle coule Garonne...

En remontant vers le port, Peiroulet vit une vieille femme qui s'escrimait sans succès à remonter sa brouette de linge versée dans le fossé. Sans attendre de supplique, le brave garçon récupéra l'engin et son chargement. Puis, il s'inquiéta gentiment de la santé de la vieille lavandière tout en lui proposant de pousser son attelage. Arrivés à la croisée d'un chemin, la vieille le remercia et avant de le quitter elle lui dit : « Écoute-moi bien Peiroulet ! Je connais ta peine et ton chagrin ; mais nul ne peut rien pour toi. En fait, une seule personne peut t'aider à changer ton avenir. Le Poisson d'or pourra te révéler son nom...

A la nuit de la Saint-Sylvestre, il faudra qu'avant la minuit tu aies trouvé le Poisson d'or captif dans une gaulha. Tu reconnaîtras cette mare parmi toutes celles qui bordent Garonne, car dans celle-ci, la Lune se reflète en or dans ses eaux. Le Poisson d'or a le pouvoir de te révéler ta destinée et celui de te permettre de la changer si tu y mets le prix qu'il te demandera. Adissias Peir ! »

Bien que très étonné que la vieille lavandière connaisse son nom et en sache si long sur son compte, Peiroulet n'en était pas moins confiant envers la seule âme qui lui témoignait amitié et compréhension. Aussi, le soir de la Saint-Sylvestre, il sortit dans la nuit froide courir autour des gaulhas en observant les reflets de Lune sur les miroirs sombres des eaux stagnantes.

Soudain, dans une petite gaulha presque asséchée depuis la dernière inondation de Garonne, il vit le croissant de Lune refléter des rayons dorés. En se penchant sur la surface il vit un poisson, tout étincelant d'écaillés d'or, nager vers lui. Peiroulet le sortit de l'eau glacée à mains nues puis l'éleva vers son visage. Alors, le poisson s'adressa à lui : « Peyroulet, la dernière inondation m'a déporté jusqu'ici dans cette vase, mais mon destin est de revenir dans Garonne retrouver galets et rapides. Rapporte moi vers ces eaux plus aimables à ma condition et rends-moi ma liberté. »

L'enfant, toujours disposé à obéir, posa cependant sa requête : « Poisson d'or, je vais t'aider. Mais que m'offres-tu en échange de ton sauvetage ? » « Soit, Peiroulet ! Penche-toi vers l'eau et observe en ce miroir la vision de ton futur. » En effet, tout à côté du reflet de la Lune dorée, apparue l'image de la triple voilure d'un vaisseau de haute mer. Le garçon se vit alors à bord du navire, tout vêtu d'un uniforme de cadis bleu ; de hautes vagues submergeaient le bateau qui sombra corps et âme dans les flots tumultueux. Puis l'image disparut...

Le poisson rompit le silence : « Le temps presse. Rends-moi ma liberté dans Garonne et je t'enseignerai la seule personne qui pourra changer ton destin. » Sans plus attendre, Peiroulet courut vers le fleuve et y relâcha le Poisson d'or. Celui-ci frétillant du bonheur de sa liberté retrouvée dit à son sauveur : « Tu es la seule personne qui peut décider de ton devenir. Rentre chez ton père et impose ta volonté. S'il te trouve assez grand pour risquer ta vie en haut des haubans., tu es assez mûr pour lui dire ton choix. Adissias Peir ! »

Le garçon était interloqué. Lui si obéissant jusqu'à la servitude ne s'était jamais imaginé s'opposer à son père... Et c'est pourtant ce qu'il fit dès son retour dans la maisonnée familiale. « Père, si cela vous chante, mes frères et vous-même pourrez toujours voir du pays sur les vaisseaux du roi ; moi je reste ici. Dès demain, je serai « pescaire » pour le temps que je le souhaiterai. Et vous tous, à l'avenir, soyez assez courtois pour m'appeler Peir. »

Devant une telle détermination, le père ne donna pas suite à son projet maritime. Il respecta le choix de Peir ainsi que ses autres avis qui suivirent. Plus tard Peir se maria avec une gentille lavandière. Ils eurent des enfants qui firent à leur tour leurs propres chemins sur les bords de Garonne. Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux ; elle coule Garonne...

Encore de nos jours, certaines nuits de la Saint-Sylvestre, on voit parfois les ombres déjeunes gens courir, pleins de vie et d'espoirs, d'une gaulha à l'autre, tout en observant dans ces miroirs obscurs la couleur des reflets de la Lune. Ils cherchent leur Poisson d'or pour bien commencer l'année, forts de bonnes résolutions pour une vie nouvelle. Elle passe les jours, brasse les hommes, roule cailloux ; elle coule Garonne...

E cric e crac, mon conte es acabat !

Maurice Baux, bouquiniste-bolegayre


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2 réactions à cet article    


  • juluch juluch 9 février 2016 11:48

    Une belle histoire Nabum.  smiley


    ne jamais imposer aux enfants, mais leur demander se qu’ils veulent faire......

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