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Mantelot en majesté

La Remontée du saumon 2014

Le saut dans l'histoire ….

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Il est des lieux qui portent en eux toute la charge émotive du passé ; Mantelot est de ceux-là. Le canal latéral à la Loire, durant près d'un siècle, s'arrêtait là. La Loire se dressait alors sur le chemin des bateliers. De l'autre côté de la rivière, le vieux canal de Briare leur ouvrait la porte vers Paris.

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Il fallait traverser un fleuve qui ne s'en laisse jamais compter, braver le courant et les obstacles, se mettre en travers du flot pour atteindre l'autre rive et cette écluse qui permettait de retrouver calme et sérénité. Mais en attendant, il y avait l'enfer, le grand saut dans l'inconnu. Le passage dont parfois on ne revenait pas.

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Les hommes avaient aménagé ce saut du diable pour en permettre la folie. Un duit canalise les eaux du fleuve, il vient briser un peu de sa force tout en octroyant un chenal pour permettre de manœuvrer dans suffisamment d'eau. Sur le pont situé en aval, un escalier à vis autorise l'utilisation d'un cheval pour haler le bateau jusque-là. C'est ensuite qu'il faut tenter le diable et changer de rive …

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Pour permettre aux bateliers de se reposer avant cette terrible aventure, une gare à bateaux. Le canal devient plan d'eau majestueux. C'est un grand espace ombragé tout près de la ville de Châtillon-sur-Loire. Le visiteur d'aujourd'hui peut admirer ce lieu. Hélas, il n'y a plus au milieu de l'eau la splendide halle métallique qui trônait alors au cœur du site. Elle est aujourd'hui à Châteauneuf-sur-Loire et, l'imaginer là, au cœur des bateaux, avive mes regrets de n'avoir pu jouir de ce spectacle !

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Les hommes y vivaient peut-être leurs derniers instants de quiétude. La traversée a avalé son lot de mariniers. Les naufrages n'étaient pas rare. La manœuvre périlleuse et les risques immenses. Un bateau lourdement chargé qui doit affronter le courant en travers est une proie idéale, d'autant qu'à l'époque, il n'y avait pas de moteur. C'est la traction animale d'abord puis humaine qui assuraient l'opération.

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À l'ancre et à la chaîne, les matelots avançaient grâce à une technique longuement acquise. Les guindeaux démultipliaient les tensions. Il fallait faire preuve de force et de précision et espérer que rien ne viendrait mettre en péril cet équilibre instable. Hélas, il demeurait toujours un risque et nombreux furent ceux qui chavirèrent au moment le plus crucial.

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Les mariniers d'alors mettaient un point d'honneur à ne pas savoir nager. Folie sans doute, qu'on a désormais bien du mal à comprendre. Elle s'explique dans un contexte bien différent du nôtre et il n'y a pas à juger de cette pratique. Pourtant c'est bien elle qui augmenta singulièrement le nombre des victimes parmi ces gars pour qui Mantelot devenait le dernier tombeau.

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Alors, quand on franchit l'écluse ici, c'est avec un pincement au cœur. Tout ce passé resurgit ; impossible de l'oublier : il s'impose à chacun d'entre nous. La beauté du site aide à ce plongeon dans les heures glorieuses de notre marine. Je ne connais personne qui n'ait été ému par ce site historique, bouleversé par l'évocation de son passé, emporté par la beauté du lieu.

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Les hommes ne sont pas fous. Ils se mirent en quête d'une solution moins risquée, d'un détour moins coûteux. Monsieur Eiffel dressa un canal par-dessus la rivière, il fit son pont-canal, cet ouvrage d'art métallique qui sonna le glas du port de Mantelot. L'endroit fut alors délaissé, oublié. On vendit sa halle et le passé fut effacé des consciences locales. Il faut reconnaître qu'il était lourd de bien trop de deuils douloureux.

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Si tout s'efface, si tout finit par disparaître, le tourisme permet parfois des renaissances ; c'est ainsi que vous pouvez à nouveau admirer, en pleine gloire, ce symbole des temps héroïques de la marine de Loire. Même si ce lieu ne marqua qu'un bref instant l'histoire de la navigation, il est si chargé de mémoire qu'il ne pourra vous laisser indifférent.

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Et si vous avez le bonheur d'y passer quand des nostalgiques avec leurs bateaux de bois célèbrent à leur manière leurs glorieux devanciers, le détour que vous aurez pris la peine de faire vous comblera de joie. Quant à ceux qui, pour la première fois, passeront du canal à la Loire, ils garderont éternellement, j'en suis certain, un souvenir magnifique de ce moment de grâce et d'émerveillement.

Mantelotement vôtre.

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C'est l'ingénieur Lejeune qui a élaboré la conception et assuré le suivi de la réalisation du passage sur la Loire entre les écluses de Mantelot, rive sud et l'écluse des Combles, rive Nord. Il a effectué les premiers plans en 1831 en envisageant déjà à l'époque un pont-canal. Celui-ci s'avère impossible à cause de la longueur qu'il devrait avoir. C'est donc un système de traversée à niveau qui sera définitivement adopté. Châtillon -sur-Loire est situé à 6 km en amont de Briare, Une carrière, sise à Mantelot, va favoriser les travaux, c'est ce qui emportera le choix définitif.

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C'est à la fin de 1833 que débutent les travaux mais les pluies torrentielles de cette année-là les ralentissent . Cinq années, sont nécessaires pour construire les écluses de Mantelot et de Combles ; le passage est donc ouvert en juillet 1838 mais les travaux se poursuivront jusqu'en 1841.

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Trois épis submersibles sont implantés au milieu du fleuve pour créer un chenal. Quatre mille cinq cents mètres d'ouvrage d'art sur le fleuve : des prouesses techniques qui vont précéder les exploits à venir des mariniers. Tout ce travail pour quelques années seulement de fonctionnement, car en 1896, le pont-canal de Briare provoque le fermeture du site de Mantelot.

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Il faut reconnaître qu'il y avait en moyenne dix naufrages par an en cet endroit et qu'il fallait mettre fin à cette hécatombe. Le pont-canal s'imposait pour des raisons économiques. La dimension humaine arrivant toujours en dernier recours. 

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Photographies

Bertrand Deshayes

Patrick Loiseau

Christian Beaudin

 


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6 réactions à cet article    


  • Prudence Gayant Prudence Gayant 5 juin 2014 16:25

    Pas un seul petit mot d’hommage pour les chevaux ?

    Que sont devenus les saumons ?

    • C'est Nabum C’est Nabum 5 juin 2014 16:33

      Prudence


      J’ai suivi pas à pas les chevaux durant leur effort et j’ai dans l’idée de leur dédier un billet
      Quant aux saumons, ils sont environ 500 qui remontent encore l’Allier. Ils ont depuis belle lurette abandonné la Loire ...

    • Prudence Gayant Prudence Gayant 5 juin 2014 16:49

      Ils ont abandonné la Loire ou ont-ils fini dans l’assiette ?

      Les humains ont trop tendance à considérer la nature comme possession divine. 
      Me semble t-il qu’il y a des esturgeons dans la Loire, c’est le côté haut de gamme de la Loire sauvage qu’on assassine. 

    • C'est Nabum C’est Nabum 5 juin 2014 17:20

      Prudence


      Les saumons étaient à l’époque si nombreux
      On évoque le nombre de 100 000 qui remontaient le fleuve

      Puis les hommes on fait n’importe quoi et le bel animal en fut la première victime

      L’esturgeon a lui aussi subit cette folie destructrice

    • Prudence Gayant Prudence Gayant 5 juin 2014 17:35

      Un bon point pour les photographes.

      Je me souviens d’avoir été du côté de Briare et la seule chose importante qui m’avait marquée à cette époque ce sont tous ces coquelicots qui poussaient sur les bas-côtés de la route.
      Je me souviens également des fleurs de lin poussant dans un champ ce qui nous avaient intrigués, ne connaissant pas cette fleur dans un champ.
      J’ai plus d’affinités avec la faune et la flore qu’avec l’humain trop personnel le plus souvent. 


      • C'est Nabum C’est Nabum 5 juin 2014 18:30

        Prudence


        J’aime la nature sans pouvoir mettre un nom surles plantes
        Voilà un domaine où mon inculture est impardonnable, ma mère savait toutes les plantes et je suis passé à côté de ce savoir, sottement.
        Le lin et le chanvre ont longtemps été cultivés en bord de Loire, il doit en rester des plantes sauvages

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