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Vivre au pays

S’accrocher à sa parcelle de terre.

Quel que soit le pays, quelle que soit votre région, vivre au pays, vivre dans son pays est souvent un défi, une gageure qui impose bien des sacrifices, bien des difficultés à surmonter tandis que la grande masse se retrouve, s’amasse, s’agglutine dans les grandes villes, souvent sans espoir d’y trouver le bonheur. C’est un pari sur une autre vie, une autre forme d’existence qui vous engage dans un processus qui mérite bien des éloges. Refuser la facilité pour affronter l’épreuve d’une vie austère, telle est la voie que choisissent quelques pionniers d’un futur à reconstruire …

Ici, les défricheurs du lendemain vivent dans des cirques magnifiques, des décors de carte postale, des îlots loin de la foule de la côte. Ils s’accrochent à flanc de montagne, cherchent quelques espaces cultivables, retrouvent les gestes des esclaves en fuite qui s’isolaient au bout du monde pour échapper aux coupeurs d’oreille. Ils inventent un demain en repensant le passé, ils pensent l’avenir loin de la folle logique du progrès.

Leur fuite à eux réside dans le refus d’un monde qui court à sa perte, qui cherche à aller toujours plus vite, toujours plus loin pour consommer plus, pour gagner plus-ou simplement le croire ou l’espérer-, pour faire comme tous les autres et se fondre dans une masse uniforme et conforme, informe et difforme. Ils refusent cette logique absurde pour vivre dans leur paradis à un rythme qui ne se mesure pas avec les critères des experts en rationalité et en rentabilité. Ils ignorent les conseils des banquiers, fournisseurs de chaînes financières à perpétuité.

Ici, ils cultivent les lentilles sur des pentes extrêmement abruptes où tout le travail s'effectue à la main sans machine ni électricité. Ils retrouvent le rythme du labeur des anciens, des générations d’autrefois qui savaient la valeur du temps et de l’effort. Ils ne comptent pas ce temps qui désormais n’est qu’argent et empressement. Ils vivent ; ils vont au rythme de la terre, du soleil et des contraintes qui se présentent sans cesse en travers de leur route.

Ils réalisent des prodiges. Pas un brin d’herbe dans les rangs et pourtant ils n’usent pas des produits toxiques des marchands de mort : les grandes sociétés phytosanitaires. Ils sont en équilibre sur la pente ; tentant vainement d’effrayer les oiseaux qui viennent voler le fruit de leur labeur. Ils labourent, sèment récoltent à la main . Ils fauchent, ils battent, ils trient les petites lentilles qui seront vendues sur les marchés, si cher, malgré tout, que seuls les touristes pourront s’offrir ce luxe.

C’est le paradoxe de ce combat pour sauver un territoire. Il faut vendre à ceux qui sont les prototypes de ce monde à la dérive. Pourtant, c’est grâce à ces lointains visiteurs qu’ils peuvent réussir leur pari. Il y a toujours une faille ou une contradiction dans ces combats aussi désespérés que magnifiques. Les exploitants de lentille de Cilaos, sur l’île de la Réunion sont des magiciens et des forçats, des militants et des rêveurs, des pionniers et des esclaves de leur choix, hélas tributaires d’une mondialisation absurde et délirante.

Dans notre périple, nous avons trouvé à Ilet à Cordes un couple qui a fait ce pari insensé. Cet homme et sa femme exploitent des terres à flanc de précipice ; ils travaillent du matin au soir et, pour améliorer l’ordinaire, ils reçoivent à manger les touristes qui se perdent jusqu’à eux après avoir viré, tournicoté durant quatre cents virages dont certains en épingle à cheveu.

Le périple en vaut la peine, la réception est fabuleuse, le cadre exceptionnel, le décor admirable, la table excellente, le rhum bien mieux qu’arrangé : il est sublimé. Le Talamaka est ce lieu extraordinaire où Mickaël et sa charmante femme font des prodiges pour que se perpétue une activité en ce séjour d’exception.

Les cultivateurs de lentilles sont de ces futurs héros d’un monde à reconstruire. D’autres élèvent des brebis, des chèvres, font des fromages, cultivent des fruits ou bien des légumes. Ils s’accrochent à la certitude que vivre au pays est une évidence tout autant qu’une nécessité ; un cadeau tout autant qu’une charge assumée. Ceux qui ne peuvent plus s'offrir ce luxe renforcent le flot des chômeurs ou des exilés, ici ou ailleurs. Il serait temps que l’on tourne enfin le dos à une agriculture du rendement pour faire place à celle qui occupe tout l’espace de cette planète.

Ruralement vôtre.

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6 réactions à cet article    


  • juluch juluch 27 août 2016 12:51

    Bien d’accord mais ça reste rare et surtout difficile de nourrir une population de cette façon, c’est à dire presque au petit bonheur la chance.


    Avant guerre la France etait essentiellement rurale , à présent c’est le contraire.
     Le peu qui font une agriculture qui sort des sentiers battus vendent leurs produits extrêmement cher à l’exemple de ceux que l’ont trouve avec l’étiquette « bio » .

    cet type d’agriculture est convenable pour la famille pas pour vendre.

    J’ai un ami dans l’Herault qui fait ses légumes familiaux avec absolument rien comme pesticide, absolument aucun, sauf que sur 10 tomates il en jette 5....qui ont la maladie.

    si il ; devait vendre il ferait en sorte que ses 10 tomates soient viables !

    J’ai dans le temps cultivé avec mon père......pas si simple.

    Ceci étant, je leve mon chapeau envers ses gens de convictions, ils sont des exemples à suivre mais à grande, très grande échelle.

    Vu le nombre toujours en augmentation de la population, c’est pas gagné Nabum !

    • C'est Nabum C’est Nabum 27 août 2016 20:11

      @juluch

      Je suis simple témoin et ne veux pas me prononcer
      Je ne fais que poser des questions


    • tf1Groupie 27 août 2016 13:31

      Nabum qui, en bon touriste, vient de découvrir les zones reculées de la Réunion, et nous livre sa carte postale, tel l’homme blanc débarqué en Afrique et repeignant avec émotion l’homme primitif vivant poétiquement dans sa jungle tel l’Adam biblique.

      Il oublie juste de vous dire que périodiquement l’hélicoptère du vilain homme moderne vient livrer dans cette zone peu accessible tous les gadgets méprisables, mais bien utiles, de notre civilisation décadente ...

      Alors dire qu’ils sont « tributaires » de la mondialisation c’est un beau roman de fin d’été.


      • C'est Nabum C’est Nabum 27 août 2016 20:12

        @tf1Groupie

        Le premier axiome est que je suis un imbécile, le second que j’ai toujours tous faux

        Évitons le troisième


      • Ebootis (---.---.253.87) 28 août 2016 17:31

        @ Nabum


        Bien d’accord avec vous ; question de choix.
        Mais avec plus de 7 milliards d’ « humains », avons-nous encore le choix ?


        Bon dimanche

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