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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Deux euros soixante-deux

Deux euros soixante-deux

Pour se faire tirer l’oreille !

Après avoir installé le campement de la Taconnerie dans le sympathique camping de Chaumont-sur-Loire, j’invitai à la cantonade le campeur francophone à une soirée contée sous un petit chapiteau. Fort de cette promesse de succès, nous partîmes réserver table dans le bistrot minuscule de dame Blanche, petit espace mais grande table que je ne manque jamais de visiter lors de mes passages dans le pays des jardins.

Nous avions fringale et disposions de quelques minutes avant le rendez-vous donné au curieux. Nous franchîmes la porte de la charcuterie Bobault car il n’y a jamais de mal à se faire du bien. Et c’est là, que pour deux euros soixante-deux, nous eûmes droit, le sourire de Claudette en prime, à une oreille de cochon pour votre serviteur et une tranche de pâté à l’échalote pour mon complice ainsi qu’une maxime : « Petit train va loin » pour pimenter la commande. Inutile de vous dire que ce fut gueuleton inégalé et plaisir incomparable, n’en déplaise à ceux qui voudraient nous jouer un tour de cochon.

De retour au camping, nous installâmes le chapiteau pour représentation unique et gratuite. La foule des grands jours se pressa :quatre personnes en tout et pour tout : Louise et Marion deux Orléanaises qui vont de leur ville jusqu’à Nantes, à vélo comme il se doit, Jean-Luc et Pierre, deux cyclistes également, plus tournés vers les châteaux de notre Vallée des rois. Un Allemand écoutait d’une oreille attentive tout en s’occupant de sa famille.

Ce fut un formidable moment de partage ; le nombre réduit n’atténuant en rien le plaisir des uns et des autres. Quatre contes leur furent offerts, sans contrepartie, gracieusement. Je fus payé en retour de sourires et de remerciements : rien n’est plus agréable que ça. Les deux hommes se proposèrent même de prolonger la soirée en venant avec nous chez dame Blanche, hélas, c’était complet …

La Détente Gourmande est un lieu unique, une merveille d’inventions et d’accords plaisants, les légumes et les fruits agrémentant champignons et fromages blancs de chèvre avec des nuances épicées qui réjouissent les papilles. À la table voisine, Ode et Gérard eurent droit à contes et poèmes, pour un repas qui reconstitua nos énergies tout en nous apportant ce que nous n’avions pas l’habitude de manger.

Au matin, la brume avait envahi la Loire et la dame avait pris 40 centimètres. Je retrouvai mon canoë les pieds dans l’eau alors que je l’avais mis à plus de dix mètres de la rive. Fort heureusement, il était bien attaché. C’est dans la purée de pois que je partis. Je ne voyais rien ou peu s’en faut. Il me fallut approcher du château pour deviner un fantôme perché sur la colline.

C’est pourtant au bord de l’eau que j’allais à la recherche d’un autre fantôme : un homme rare et lumineux qui eut la mauvaise idée de tirer sa révérence en septembre. Je n’avais guère l’envie de retrouver les mariniers de son association qui pourtant font un travail formidable vis-à-vis de publics difficiles : l’ombre de Jean était encore trop présente en mon esprit. Nous ne nous sommes vus que peu de fois mais ce fut à chaque fois un de ces moments rares où l’on se sent en harmonie avec un être magnifique.

Je repris la Loire, la brume se dissipait et la nostalgie put trouver sa place dans la mémoire. La Loire était haute ; j’avais déjà effectué cette portion mais rien n’était pareil avec cette eau qui avait envahi tout le lit. Nulle plage, nulle gravière, les arbres avaient tous les pieds dans l’eau ! Comme j'étais seul , j'avais bien conscience que la moindre erreur serait fatale et redoublais de prudence, regardant sans cesse loin devant moi pour prévoir le moindre piège.

J’avais envie d’un café. Au loin, un clocher ! Je traversai la rivière pour aller quérir ce café. Veuves est un village de deux cents âmes qui n’a plus de commerce, à l’exception de son auberge de la Croix Blanche. Emmanuelle m’offre gentiment un café tandis qu’elle reçoit le pain dont elle garde le dépôt. Un des clients sera Pierre, pour une rencontre comme je les aime.

Pierre fut plus de vingt ans maire de son village. Il se souvient d’avoir joué avec les enfants de l’orphelinat, d’y avoir dormi et d’avoir constaté la discipline de fer qu’imposaient les bonnes sœurs. Il se souvient encore de son apprentissage de la natation ; son père avait été prisonnier de guerre : à son retour il eut le droit à son tour de bénéficier des services d’un prisonnier allemand : en l'occurrence Hans, un colosse débonnaire. C’est lui qui lui apprit à nager dans des trous de bombes remplis d’eau ; la Loire n’étant pas recommandée pour cet usage.

Puis Pierre m’évoque l’histoire du port, l'embâcle qui vit exploser les barriques de Vouvray : un drame quand on aime le vin. Il parle encore des noyés qui, durant son mandat municipal, se comptaient à raison de trois ou quatre par an. Nombreux sont ceux qui sont restés non identifiés dans la fosse provisoire qui se fit définitive pour eux. C’était une époque où la Loire était plus haute et plus forte, plus fréquentée aussi par une multitude de pêcheurs.

Pierre me parle aussi des vaches et des moutons qu’il faisait traverser sur un passe-cheval pour aller entretenir les îles. Plus personne ne le fait. C’est fort dommage. Il regarde le grand espace devant nous. « Autrefois, c’était une plage, aujourd’hui, ce ne sont que des herbes ». Pierre regrette ; la Loire demeure son terrain de jeu, il dispose d’un lot de pêche aux engins ; il ne peut passer une journée sans venir regarder sa rivière.

Je le quitte à regret. J’ai encore un long périple à accomplir, d’autant plus que le rendez-vous de Montlouis tombe à l’eau à cause du mouvement de Tours debout. Mes amis font la révolution tandis que je me contente d’une avalaison. Parfois, j’agis à contre-temps mais jamais à contre-courant ! Ce sera donc à Tours que je poserai mon frêle esquif après lui avoir fait franchir le redoutable pont Wilson par la piste de la Loire à vélo grâce à David, Valérie et mon petit chariot.

 

À demain les terriens ; à chaque jour, suffit sa peine.

Nostalgiquement sien.


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6 réactions à cet article    


  • juluch juluch 27 mai 2016 15:01

    2,62€..... ???


    Au moins c’est au centime prés !  smiley

    Vous allez pouvoir écrire un livre sur votre aventure Nabum

    Au plaisir de vous lire et de vous suivre !

    • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2016 12:55

      @juluch

      à ce prix là, c’est normal

      Un livre ? à part vous, qui ça peut intéresser

      Aucun article dans notre chère presse locale à l’exception du journal de Gien
      Je ne me fais aucune illusion, je suis rien et ils me le font savoir


    • La Dame à la licorne Jélaniac 27 mai 2016 22:20

      une oreille de cochon
      çà se mange,c’est du cartilage il me semble.. ?
      merci pour la balade,mais ne m’invitè pas manger des oreilles.
       smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2016 12:56

        @Jélaniac

        C’est pour mettre en marche le bouche à oreille


      • Shawford 27 mai 2016 22:45

        Salut Nabun

        arrête de penser à te penser à te goinfrer, t’es là pour conter et faire du sport, NANANAIRE, sous les applaudissements de tes congénères partageux et pas médiatiquement con pâtissant smiley

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