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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Un gros pépin dans la machine à Papin

Un gros pépin dans la machine à Papin

Drame de la navigation

Vulcain, c'est pas malin …

Il était une fois une belle invention : la machine à vapeur ! Comme toutes les créations humaines, elle simplifia bien des existences, provoqua tout autant bon nombre de transformations qui ne furent pas toutes en faveur des travailleurs. Elle suscita de grandes innovations et eu aussi quelques heures sombres. La Loire n'échappa pas à cette belle et folle aventure. Nous allons attacher nos pas à ce panache de fumée noire que nous apercevons au loin.

Tout a commencé sur notre dame Liger en son estuaire. Quatre ans après les premières tentatives sur la Garonne, « la Loire » fut notre premier bateau à vapeur en 1822. Pour une première, les constructeurs n'avaient pas lésigné : 250 passagers pour un trajet Paimbœuf Nantes. Tout le monde était alors confiant dans les forces du progrès …

Orléans dut patienter un peu pour découvrir les joies d'un bateau qui remonte le courant sans effort quand le vent vient à manquer. Le « Nantais » fut ainsi le premier à abaisser sa cheminée en passant sous notre pont Royal. Quatre ans plus tard, notre bonne ville avait un vapeur portant fièrement son nom pour la satisfaction de tous.

Il transportait passagers et marchandises dans un ordre et une présentation qui n'avaient plus rien à voir avec les mariniers à voile et au halage. L'uniforme et les bonnes manières étaient de rigueur. Un certain perroquet n'en aurait certainement pas perdu son latin, mais malheureusement l'histoire ne peut jamais être réécrite autrement qu'en Bonimenteries ! Nous étions en 1829, le ciel n'était pas encore assombri par la terrible histoire que je vais vous narrer !

Le 15 septembre 1837, la famille Bernard vient rendre visite à des cousins d'Orléans. Partie de Nantes, Madame, grande bourgeoise est accompagnée de sa domestique pour surveiller ses cinq enfants. On ne sait jamais ce qui peut arriver sur un bateau. La Loire recèle tant de pièges pour autant de sollicitations merveilleuses qui peuvent attirer ses petits diables …

 

Pour son malheur, c'est ainsi qu'elle nommait sa progéniture. La bonne dame eut été plus avisée de se préoccuper du choix de son bateau. Le « Ville d'Orléans » aurait du lui inspirer confiance au lieu de quoi, elle lui préféra « Le Vulcain ». Qui donc avait pu avoir idée aussi saugrenue de baptiser ainsi un bateau ? Nul ne s'en vanta jamais …

Le voyage s'annonçait pourtant sous de bons auspices. Il faisait une belle arrière saison. Le temps était agréable, ce qui n'est peut-être pas sans incidence sur ce qui arrivera par la suite. Le capitaine avait fière allure dans son costume d'apparat. Il donnait des ordres, paradait sur le pont en faisant douces œillades aux belles dames sur le pont. Qu'il soit à voile ou à vapeur, un marinier de Loire n'en demeure pas moins un galant homme, toujours prompt à jouer les jolis cœur.

Madame Bernard n'était pas insensible à ce bel homme, bien de sa personne et aux manières si raffinées. Elle le convia dans sa cabine pour prendre le thé tandis que la brave bonne promenait la marmaille sur le pont. Notre capitaine en oublia certainement la manœuvre et ce jour-là, eut lieu le premier incident. Le barreur devait lui aussi suivre des yeux la domestique car le Vapeur se trouva engraver.

Pendant deux heures, le Vulcain fut prisonnier de ce maudit banc de sable. La chaudière surchauffa, les roues ne parvenaient pas à dégager ce monstre de plus de 25 mètres de long. Il fallut l'aide de mariniers à voile pas très rancuniers pour tirer l'équipage bien habillé et ses passagers de ce mauvais pas. Le capitaine, échaudé par cette aventure était revenu à son poste …

 

Il était d'une humeur massacrante et voulut qu'on rattrape le retard. Il demanda à ce que l'allure fut augmentée. Dans la soute, la chaudière était chauffée à blanc. L'homme hurlait des ordres qui ne méritaient aucune contradiction. Il venait de la Navale et avait une conception toute aristocratique de son importance. Ce qu'il exigeait était exécuté sans discussion. La surchauffe menaçait. Mais il est difficile de faire entendre raison à un homme qui s'est trouvé ridiculisé devant une grande dame !

C'est à Ingrandes, à la frontière de la Bretagne et du reste du monde, que se déroula le drame. Vulcain était un nom du diable, la fournaise allait avoir raison des uniformes, de l'ordre et des malheureux passagers. Le conduit de la chaudière explosa, le feu prit immédiatement dans ce navire ou la panique fut à son comble ! La cloison de la cabine de Madame Bernard explosa sous la puissance de la déflagration. Par un malheurs concours de circonstance, la bonne et les enfants étaient rentrés de leur promenade.

Ce qui suivit fut alors un inextricable épisode de cris, de gestes de bravoures et d'autres beaucoup moins glorieux, de larmes et de frayeurs. Il est bien difficile d'en narrer le déroulement. Ce que l'on sait de cette malheureuse histoire c'est que la domestique eut un comportement exemplaire, qu'elle mis toute son énergie et son courage afin de tenter de sauver les enfants dont elle avait la garde. Elle fut bien mal récompensée par la destinée et la divine providence. Saint Nicolas ce jour-là avait sans doute mieux à faire sur la rivière !

Malgré le dévouement de cette brave personne et bien qu'elle ait passé tous les enfants par la croisé, quatre pauvres victimes seront à déplorer. Elle succomba elle aussi bien vite, victime des risques insensés qu'elle prit. D'autres connurent hélas pareil sort et le spectacle qui donnèrent les survivants jeta un froid parmi ceux qui le virent. La traction à vapeur avait pris un coup dans l'aile. Ce qu devint le capitaine, nous n'en dirons rien par respect pour ceux qui n'en réchappèrent pas. Quand à madame Bernard, elle fut atrocement brûlé et ne tourna plus jamais les cœur d'un libertin.

 

Ce malheur ne fut pas le seul. Un ingénieur se pencha sur le problème. Il eut l'illumination et trouva un dispositif à basse pression pour diminuer considérablement les risques d'explosion. Il ajouta un échappement des fumées sous l'eau pour diminuer encore les risques. Un marquis qui n'avait pas perdu la tête durant la révolution créa une compagnie au nom enjôleur : « Les inexplosibles ! ». Nous étions en 1837 et les procédés très agressifs de cet homme d'affaire firent le reste.

Comme en 1842, la chaudière du « Riverain » explosa à Ancenis, provoquant alors grand émois et malheureuses victimes, les autres compagnie ne résistèrent pas. Elles avaient perdu la confiance des voyageurs et les batailles de la technologie et de la réclame.. C'est la compagnie des inexplosibles qui eut emporta cette bataille navale avant que le train vint mettre dans ce joli monde de la rivière à la raison. En 1852, la compagnie fermait la porte. D'autres vapeurs continuèrent encore quelques temps jusqu'à ce que le train finisse par passer partout.

De cette histoire, il n'y a qu'une morale à retenir. Elle faut pour la Loire comme pour bien d'autres circonstances. Il n'y a pas de fumée sans feu. Il se trouve encore le long de la rivière de bien inquiétantes cheminée aux panaches blancs. Que ceux qui prétendent qu'elles sont sans danger se souviennent du Vulcain et du Riverain. Ailleurs dans le monde aussi on affirmait qu'il n'arriverait jamais rien de fâcheux et depuis, nous avons vu sans en tirer les conclusions qui s'imposent …

 

Durablement vôtre.

 


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6 réactions à cet article    


  • juluch juluch 4 août 2015 10:37

    Une bien triste histoire, un mélange de drague et de tête dure !!


    J’ai merdé, je ne veut plus rien entendre !



    • C'est Nabum C’est Nabum 4 août 2015 14:39

      @juluch

      Un grain de sable s’est glissé dans la machine


    • lsga lsga 4 août 2015 17:29

      sans fumée et sans feu :

       
      vivement. 

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