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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Cœurs perdus en Méditerranée

Cœurs perdus en Méditerranée

Ils étaient comme poussés inexorablement vers le monstre de fer, emplissant de la proue à la poupe chaque espace de cet estomac rouillé.

Le retentissement du sifflet semblait comme saluer l'arrivée des proies qui s'engouffraient en lui comme s'engouffre l'eau dans les galeries d'une grotte d'où ils ne sortiraient jamais.

Avec l'espoir pour tout bagage, ils avaient la mine défaite qu'impose une vie chargée de peines et d'attentes et les yeux trop grands de ceux qui cherchent l'horizon comme on cherche sa route par une nuit sans lune.

Le ventre du monstre arrivé à satiété, un dernier coup de sifflet donna le signal du départ qui arrachait à leur terre sept cents âmes. Ils quittaient les rivages Libyens ensoleillés de misère pour le salut grisâtre du ciel d’Europe.

Là bas forts de leur volonté, ils se bâtiront un avenir que leur envieraient ceux restés sur plage, observant le sillon blanc que laisse derrière lui le navire tel une voie lactée et qui promet à ceux qui l'empruntent le chemin menant vers les étoiles.

Ils avaient économisé sur leur pain et celui de leurs enfants pendant des mois, pour réunir la somme qui leurs ferait gagner la terre promise où leurs ventres vides trouveraient le miel et le lait qui apaiseraient leur faim.

Alors que le navire toussait sa fumée dans une nuit trop chaude pour ceux se trouvant à fond de cale et trop fraîche pour ceux grelottant sur le pont, le baromètre afficha ce que le marin redoute le plus.

Rien de méchant, juste un peu de vent, le passeur leur avait assuré l'avenir, tout était garanti, la traversée, la prise en charge par les autorités tout avait été prévu.

Quand le premier éclair, déchira le ciel il fut suivi d'un tonnerre qui hurla à leur oreilles comme pour les tirer du rêve vers une réalité qui serait leur dernier cauchemar.

Là sur le pont Nicolas, serra un peu plus fort entre ses mains la barre d'un navire qu'il savait perdu.

La seule chaloupe du bateau fut mise à l'eau d'où la voix stridente de Bernard Henry lui intimait l'ordre de sauter.

Sautez, mais sautez bon sang !

Jamais, jamais il ne quitterait le navire il était de ces hommes qui sombrait avec leur équipage.

Comment pouvait il laisser à leur sort sept cents êtres humains, qui avaient mis leur confiance et leurs rêves entre ses mains.

Pourtant, alors qu'il luttait contre le déchaînement des éléments , il ferma les yeux et son esprit devint noir et tourbillonnant. Quand il les ouvrit à nouveau il put regarder pétrifié son vaisseau s'enfoncer par la poupe dans les eaux obscures de la mer.

C'était impossible il était toujours à bord, jamais il n'avait sauté.

Il ferma à nouveau les yeux quand pour la seconde fois il les ouvrit, il comprit avec horreur que l’impensable avait eu lieu. la peur lui avait joué le pire tour qui puisse être.

Il avait sauté !

Le rire moqueur du vent transporta jusqu'à la chaloupe les cris accusateurs des derniers suppliciés.

Il était le spectateur impuissant du naufrage d'un navire qui emportait avec lui son âme lestée du plomb de la culpabilité.

Il savait que désormais, il serait quoique le temps fasse, obligé un jour d'affronter une vieille et hideuse sorcière des mers.

Venue pour régler un très vieux compte et qui porterait le nom inscrit sur la coque rouillée d'un navire : BENGAZI.


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5 réactions à cet article    


  • Old Dan 9 juin 2015 02:09

    ... lire « le camp des saints » (au moins la première moitié...)


    • adeline 11 juin 2015 12:00

      Beau texte, merci et bonne continuation.


      • le.commandeur 11 juin 2015 20:42

        @adeline Merci beaucoup de votre encouragement smiley


      • kourt 10 juillet 2015 15:45

        superbe texte continuez c’ est un véritable plaisir de vous lire smiley

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