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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Hyper – Episode 4 : les idiots utiles

Hyper – Episode 4 : les idiots utiles

Il y a quelque temps, j’ai fait l’acquisition d’un chat. En fait j’ai fait bien attention, j’ai pris une chatte, comme ça je peux faire tout plein de jeu de mot au travail pour faire rire mes supérieurs (exemple d’hilarité : » Ce matin, ma chatte avait des puces » ), et pour mettre à l’épreuve mes intérimaires étudiants (si ils sourient, je leur enlève un tire-pal prétextant qu’ils ne sont pas assez mature pour en avoir un). Je me sens moins seul chez moi, je l’ai appelé « AAAAH » , ce qui me permet de hurler pour décompresser à chaque fois que je rentre du travail.

Avant la lecture de ce dernier épisode, résumé des épisodes précedents :

Episode 1 : le chef de rayon

Episode 2 : le dieu chiffre

Episode 3 : Le Stakhanovisme Chantant

 

C’est beaucoup de plaisir une chatte mais c’est également beaucoup de dilemme. Par exemple, hier matin je vais acheter des croquettes, évidemment, je vais prendre des friskies parce que j’ai vu à la télévision que c’est le plus meilleur pour que ta chatte soit en bonne forme et dynamique (je vous rappelle que je suis un chef de rayon, emploi dynamique, si ma chatte ne suit pas, elle dégage). Et là, le drame, que prendre ? Friskies Chaton, Vital+ junior qui « offre » tous les éléments essentiels à sa croissance ? ou Friskies Adult avec les apports essentiels à sa vitalité ?

Méthodique, je sais déjà que je prend des croquettes à la viande, parce que comme disait mon ami anglais, John Duprat, les croquettes aux légumes c’est pour les « pussys » (et ma chatte n’est pas une pussy, pour sûr). Ma chatte est très jeune, elle a 8 mois, mais en même temps, elle est très mature pour son âge. Elle sait faire la différence entre un jambon « Marque pouce » et un jambon « Herta » avec des Omégas 3 (nécessaires puisque que le corps ne les produits pas naturellement). Le doute, s’immisce, comment tuner efficacement ma chatte ? C’est précisément dans ces moments là que je suis content de ne pas avoir fait l’acquisition d’une femme, parce qu’avec elle, ce genre de dilemmes se multiplient (croquettes viande ou légumes ? tampon hygiénique rivière ou fleuve ? disque de Patrick Bruel ou Christophe Maé ?).

Si vous vous demandez comment j’ai pu avoir le courage de passer outre ce terrible choix, sachez que je me suis contenté de prendre le plus cher (plus le produit est coûteux, plus ma confiance en lui est grande). J’aurais pu demander un conseil à un vendeur, mais je sais ce que c’est d’être de l’autre coté de la barrière.

Les clients, c’est à dire vous, n’ont pas à s’excuser d’être bêtes dans un magasin. C’est même un devoir, le devoir d’être un insupportable individualiste plein de haine et de mesquinerie halluciné devant le temple de l’abondance. On fait tout pour ça, on veut que vous vous sentiez comme un joueur qui va au Casino, il pense fortement pouvoir y gagner, mais en réalité il perd toujours.

Mon moment préféré c’est quand une fille se pointe rayon shampoing et hésite entre deux produits quasi similaires. Dilemme : l’un des shampoings est démêlant, apporte force et vitalité au cheveux ( 4,50€ / L’Oréal), l’autre démêlant également lui apporte douceur et protection ( 4,20 €, L’Oréal). Comment ça se passe ? Début de citation :

« Il y a quand même 30c en plus sur le shampoing qui apporte vitalité, c’est preuve qu’il doit y avoir un produit de plus qui est quand même assez hype pour que des chercheurs de l’Oréal le mettent. Oui mais en même temps, c’est l’hiver, j’ai besoin de plus de cocooning, de douceur, j’ai besoin de me sentir femme. Mais après tout, n’est ce pas le bon moment de se distinguer au bureau ? Une force plus lisible dans mes cheveux ? »

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Bien sûr, les vendeurs, c’est à dire moi, savent sans même avoir fait de la chimie para-pharmaceutique, que c’est pratiquement le même liquide savonneux rarement efficace qui se cache derrière, seuls les produits en pharmacie sont utiles.. oui ? c’est plus cher ? C’est vrai, et puis en plus ils ne vendent pas d’exemplaire à la bonne odeur de savon de Marseille synthétique qui te font penser que tu n’es pas dans ta salle de bain mais sous une cascade d’eau de montagne avec une brune pulpeuse qui n’a pas froid au yeux (d’autant plus que les eaux de montagnes dépassent rarement 16°).

C’est grâce aux produits d’hygiène que j’ai reçu la proposition d’être chef de secteur. Allez puisque vous avez l’air concentrés, je vous raconte. Une célèbre marque de préservatif (Durex hein, arrêtez un peu de vous poser trop de questions) est venue nous présenter sa nouvelle gamme de produit par le biais d’un représentant assez loin de l’imaginaire socio discursif des publicités. Mon chef de secteur n’était pas convaincu, j’ai insisté pour qu’il prenne toute la gamme, et 1 mois plus tard on touchait le jack-pot.

L’explication est très simple. Quand des gens viennent acheter des préservatifs en supermarché (parce qu’ils ont la honte d’être responsables dans les pharmacies), il vont d’abord acheter les « produits tampons ». Ce sont des produits dont la seule utilité est de cacher les préservatifs sur le tapis de la caisse ou, pour les moins timides, de ne pas faire genre « J’ai grave la dalle, et ce soir c’est mon soir » ( une étude a révélé que ces achats « à coté » représentent des millions d’euros)

Une fois ces produits achetés, vous arrivez « rue » des préservatifs, et hop là c’est parti : souples, transparents, couleurs différentes, goûts différents, picots, lubrifiés, moins lubrifiés, moyen lubrifiés mais avec picots, super lubrifiés mais sans gout fraise, extra-large mais sans anneau vibrant… suivit de très près par les dénominations comme pour les shampoings : summer love, tutti frutti (si vous avez un léger déclic ici, je vous salue), dance floor, lovemachine etc.. Les prix à l’unité explosent selon les dénominations pour un morceau de caoutchouc avec 1ml de lubrifiant à utilisation unique (si vous avez un léger déclic ici, je ne vous félicite pas).

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Ce dilemme est très mal vécu par beaucoup de gens, et vous remarquerez qu’il n’y pas de préservatifs « Taille Normale, Sensation normale avec lubrification sympas » . Non ! Il faut choisir entre extrême pleasure ou long performance (l’emploi de l’anglais est sensuel), dilemme assez parlant sur la conception du plaisir, soit dit en passant.

Les gens timides sont tout stressés, alors ils repartent acheter autre chose en étant persuadés d’être suivis par les caméras de surveillance. Ils refont un tour, et puis un autre. Ils étaient venus acheter des préservatifs, ils ont de quoi refaire une étagère et la remplir. Le plus drôle c’est qu’avec Ghislain, mon chef de secteur, on a mis le rayon des serviettes hygiénique juste à côté. Ce qui fait que les garçons peu sûr d’eux, croyant se cacher, se retrouvent dans la rue de la femme, Panique. On se marre encore plus en envoyant Tiphaïne, la vendeuse du rayon.

On a triplé notre chiffre d’affaire, et je dis chiffre d’affaire parce qu’avec cette technique on détourne encore plus le client de l’indice évident auquel il devrait se fier : le prix à l’unité. Il ne s’aperçoit pas que le produit de marque pouce est plus cher au final, ou que la bouteille de deux litres est plus chère que deux bouteilles d’un litre. Toutes nos techniques ne sont là que pour le détourner, de son objectif : être intelligent.

Et c’est bien là le truc, les consommateurs sont honteux d’être au supermarché, il savent que ce lieu de débauche alimentaire est une insulte face au monde qui nous entoure. Ils aiment faire leurs choix dans l’anonymat le plus total, il n’aiment pas avoir l’impression d’être vus, ils se pressent, se stressent, prennent tout très vite pour ne pas revenir s’exhiber dans la consommation. La quantité de choix est énorme, la nuance est marketing, les lumières aux néons grignotent l’intelligence pendant que l’étendue des rayons gobe les yeux.

Ils sont bête, mais ils ont le droit, tout simplement parce qu’il n’ont pas le choix. Cet environnement les rend comme ça. Déjà à la caisse l’idée de perdre 5 minutes à cause d’un chariot en plus en caisse les rend malade alors qu’une demi heure plus tôt ils ont mis le double de temps à choisir entre pain de mie bio ou aux trois céréales. Début de citation :

« Les trois céréales c’est tellement bien pour mes intestins, mais le bio c’est beaucoup mieux pour ma conscience, bon allez trois céréales comme ça j’aurai l’impression de payer pour trois agriculteurs différents, commerce équitable « à ma façon » met le bio KO par amalgame. »

Les enfants sont un plus pour nous, ils détruisent la rare patience qui aurait pu être salvatrice à leurs parent. Ces derniers deviennent marteaux, un produit consommé pour un hurlement en moins, les beaux principes « Cohn Bendit Compliant » rangé au fond du porte monnaie, bien tassé. Début de citation d’un parent qui devient fou (oui, c’est une compilation) :

« Chut, les enfants hurlent ! Oh non ! ils n’ont plus ma marque d’animal mort en tranche congelée ! Oh non ! le pain a augmenté ! Mais où sont mes détritus de mer condensés dans un petit cylindre orange et blanc que dans la pub, le type, il est en costume sous l’océan et que ça fait rire baptiste mon fils de 3 ans, qui lui adore les tremper dans un verre entier de mayonnaise »

Malheureusement pour moi, à force de jouer avec mon ami Steeve Jackson au jeu « Court forrest » ( Chacun a un client, on lui donne des mauvaises indications et celui qui fait parcourir le plus de kilomètre a gagné), j’ai oublié le ré étiquetage du rayon pâtisserie et des clients musulmans se sont encore plaint parce qu’on avait oublié de préciser que tous nos gâteaux étaient faits à partir de gelée de porc … ils sont tatillons tout de même.

On m’a donc remercié en tant que collaborateur assidu (c’est à dire « on m’a gentiment demandé de contacter le pôle emploi dans les plus brefs délais sans compensations financières »). Notez ce terme de collaborateur, très utilisé à notre époque, qui fait rêver d’équité. J’aimais donner ce rêve aux chômeurs longues durées qui venaient faire des inventaires avec des futurs chômeurs longues durées (les thésards en branche spécialisés, notamment la biologie, je n’ai jamais su comprendre pourquoi).

J’en suis maintenant revenu au pire travail qu’on puisse trouver dans un supermarché : client.


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18 réactions à cet article    


  • faxtronic faxtronic 6 octobre 2009 13:22

    c est en effet plutot appetissant


  • MICHEL GERMAIN jacques Roux 5 octobre 2009 21:18

    Merci, on apprend des trucs, on retrouve des choses qu’on savait mais oubliées et en plus on se marre souvent à vous lire...ça nous change un peu d’Agoravox ou on s’ennuit à mourir...


    • pierrot123 5 octobre 2009 23:53

      Texte spirituel, bon style...
      Merci.


      • jako jako 6 octobre 2009 09:35

        Très concentré je l’ai lu :) l’humour fait bien passer des infos sur le comportement du consomateur qui , même si on en est conscient, ne peut être changé. Le dernier week end , moi qui suis presque sans cheveux , j’ai connu aussi une grande solitude au rayon shampoing , impossible d’en trouver un simple marqué juste « shampoing à cheveux »....
        De retour à la maison mon fils hillard m’a fait remarquer que j’avais acheté du « baume après shampoing au héné ... »
        C’est aussi très dur pour ceux qui voient mal et ont oublié leurs lunettes.


        • jako jako 6 octobre 2009 14:28

          Lol, du Karefourstan... j’ai fait une petite faute


        • Sandro Ferretti SANDRO 6 octobre 2009 10:20

          Dès le début, j’ai décroché.
          On ne possède pas un chat, on est possédé par un chat.
          Le reste à l’avenant.


          • Francis, agnotologue JL 6 octobre 2009 11:02

            @ Sandro, est-ce parce que l’auteur est maintenant chômeur que vous êtes aussi dur avec lui ?

            On n’est pas possédé par son chat, la vraie légende dit : « Un chat n’habite pas chez son maître, c’est son maître qui habite chez lui ».

            Evidemment, le terme « maître » n’a aucun sens pour le chat : il désigne ici celui qui le nourrit et lui prodigue des caresses.


          • ramonjimenez ramonjimenez 6 octobre 2009 11:39

            bah , j’ai un husky , alors les chats habitent dedans...


          • ramonjimenez ramonjimenez 6 octobre 2009 11:19

            Être rat de laboratoire et ne pas avoir le choix quel pied smiley

            Mais j’attendais avec impatience la solution au casse tête promise au dernier épisode :

            comment mettre la chainette du caddie dans le trou du même caddie.

            mort de rire « comment tuner efficacement ma chatte » !!!


            • Paul Cosquer 6 octobre 2009 12:14

              La photo représente la bombe suppositoire.
              Avec laquelle tout mec voudrait s’éclater.


              • Paul Cosquer 6 octobre 2009 12:16

                "Je me sens moins seul chez moi, je l’ai appelé « AAAAH »
                C’est ainsi que Roselyne Bachelot a aussi nommé la grippe !


                • bobbygre bobbygre 6 octobre 2009 12:32

                  Bonjour,

                  Je découvre seulement maintenant votre série d’articles.
                  Bravo pour votre talent ! J’ai beaucoup ri et je trouve qu’il y a une force subversive dans vos textes d’une puissance rarement atteinte.
                  On en re-veut !


                  • Lapa Lapa 6 octobre 2009 13:07

                    série de grande qualité. Bravo.

                    Si quelqu’un a le nom de l’artiste pour la troisième vignette je suis preneur. Je sais juste que j’ai vu cette installation (et d’autres similaires) au Metropolitan à NY.


                    • pioupiou2a pioupiou2a 6 octobre 2009 13:15

                      Excellent - Merci pour ce petit moment de fou rire sur un sujet au final plutôt serieux :)


                      • Annie 6 octobre 2009 14:21

                        Pour les plus jeunes qui ne connaîtraient pas, le film « un été 42 » où un adolescent timide achète dans une petite ville la moitié du magasin avant d’oser demander des préservatifs, et si mes souvenirs sont bons, pris d’émoi, il en achète une quarantaine. 


                        • Candide 6 octobre 2009 14:28

                          Excellent, je vais aller chercher les éposides précédents.
                          Dans la forme ça me rappelle un peu american psycho
                          D’ailleurs ça fait encore plus peur


                          • ramonjimenez ramonjimenez 6 octobre 2009 15:29

                            Je suis allé voir le blog de l’auteur , il y a encore de quoi être plié en deux smiley


                            • kleuck kleuck 16 octobre 2009 17:19

                              J’adore l’humour emballant la vérité.

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