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La météo des présages

Conversation capillaire ....

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Le ciel peut attendre.

Curieux phénomène ! Plus la France s'urbanise, plus la météorologie devient le souci majeur du citadin en refus de contrariété. La pluie, quelle horreur ! La neige, quelle panique ! La grêle, ciel ! ma carrosserie ! Le vent, souffler n'est pas jouer ! Le soleil, c'est beaucoup mieux mais gare aux vieux, aux yeux, au mélanome sournois et à la surchauffe générale dont ne sait quoi au juste …

Sujet de conversation idéal, le discours sur le temps vous permet de ratiociner entre collègues, voisins ou amis sans aborder les sujets qui fâchent, les redoutables séquelles des religions, les inénarrables travers de la politique. On se félicite du retour du soleil en pleine crise de sécheresse. On maudit la pluie du samedi qui est pourtant si nécessaire. On applaudit à cet été indien au cœur de novembre sans voir plus loin que le bout de son cache-nez. On ne déplore pas cet hiver qui se prend pour un automne, même pas frileux. …

Moins les hommes se trouvent en lien direct avec dame Nature, plus ils ont une opinion tranchée sur le temps qu'il doit faire ou qu'il serait souhaitable qu'il fît : « Du soleil, de la chaleur et rien d'autre ! ». Les égoïstes se ramassent à la pelle ; ils prennent presque tous leur retraite dans des pays qui correspondent à cette attente infondée, pour peu qu'ils en aient les moyens.

Des présentatrices, à la plastique forcément estivale, interprètent magnifiquement des bulletins prévisionnels qui sont devenus, au fil du temps, mauvais ou non, la cerise sur le gâteau du journal télévisé. L'éphéméride complète les annonces de dépression, d'anticyclone et de précipitations. Curieusement, plus ces dernières sont nombreuses, plus les femmes-soleil prennent leur temps pour les évoquer : une erreur de syntaxe sans doute !

La ménagère de moins de cinquante ans (mais pas qu'elle !) s'extasie devant cette science divinatoire. Cela permet de s'habiller convenablement pour sortir le lendemain. Il suffirait de mettre le nez dehors, à la fenêtre ou au balcon, mais la nuit porte conseil et permet plus sûrement d'associer les différents éléments pour que la vêture soit météorologiquement adaptée et esthétiquement soignée. D'ailleurs, désormais les antres domestiques sont équipés de thermomètres extérieurs afin d'éviter aux pauvres citadins de mettre le nez à la fenêtre pour connaître le temps qu'il fait.

Les ruraux se moquent bien de ces bulletins urbanisés. À l'heure du journal, ils sont encore nombreux à nourrir les bêtes ou bien à travailler aux champs. Eux vivent vraiment au rythme des saisons, subissent les caprices du temps, les variations saisonnières ou non, et n'en font pas des tonnes. S'il pleut, ils se réjouissent tout en s'indignant des plaintes de ceux qui n'en ont cure. Leur sagesse est faite d'acceptation de l'impondérable quand la nôtre est l'exact contraire.

Le temps qu'il fait, qu'il fera encore si tout va bien, ce n'est pas chose futile pour garde-robe sophistiquée. Le sujet est grave si on lui accorde toute la profondeur qu'il mérite. Il faudrait évoquer les papillons qui disparaissent de notre environnement, des abeilles qui meurent par essaims, des nappes phréatiques qui se vident, des colères célestes qui se font de plus en plus grosses. On se gausse du réchauffement climatique : expression trompeuse et racoleuse alors qu'il faudrait tempêter du dérèglement éponyme, bien plus inquiétant en somme.

La petite pluie qui chagrine, la grosse neige qui enlise, sont bien peu de choses au regard de ce qui se trame. Drôle de trame qui, en filigrane, laisse apparaître les prémices d'une catastrophe annoncée pourtant depuis de belles lurettes. Demain, un bon petit coup de vent aura chassé les nuages ; la présentatrice abordera un merveilleux sourire et le bulletin promettra un week-end sans humidité si les dieux, qu'on ne caricature plus, sont avec nous.

Nos riches retraités au Maroc, en Tunisie ou en Provence, ces nantis d'aujourd'hui, qui ont construit leur confort sur la catastrophe en devenir, pourront ressortir les crèmes solaires et goûter cette vie à l'abri des regards et de la conscience. Nos citadins oublieront bien vite cet épisode hivernal qui paralysa un pays qui n'accepte pas de subir la loi naturelle. Les paysans continueront à travailler pour un salaire de misère.

Ainsi va la vie : grand beau ici, coup de froid plus loin, cataclysme ailleurs, tempête chez les mêmes, ouragans et tornades pour de jolies images … Rassurez-vous, une vague polaire se précise, nos aurons enfin de quoi dire !

Anticyclotomiquement vôtre.


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2 réactions à cet article    


  • Ruut Ruut 2 février 2015 08:10

    La lobotomie TV commence a fonctionner...

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