Mensonges et transparence
Ma contribution au Festival du Mot de La Charité sur Loire
De l'autre côté du miroir …
Le festival du mot de la Charité sur Loire aime à se jouer des mots de notre actualité. Les vedettes incontestables de l'année montent les marches de l'échafaud : « Mensonges » et « Transparence » les deux mamelles de la politique hexagonale, ont la tête basse et la conscience lourde. L'exécution s'avère bien délicate, nul ne saura jamais s'il est possible d'éliminer ces hydres aux têtes multiples …
L'association de ces apparents antagonistes ne peut laisser indifférent celui qui aime à distordre les termes, à fouiller au-delà des évidences suspectes. Leur complicité semble indubitablement établie par le jury populaire, il serait bon d'examiner à nouveau cet étrange dossier, cette malheureuse affaire française !
À tout seigneur, tout honneur, le mensonge s'avance en majesté. Il se pare parfois des habits du prince, se fait mensonge d'état, s'autorise la protection suprême du secret défense, le classement inexorable dans les archives secrètes, enfoui à jamais dans les oubliettes de l'histoire. C'est par lui que tout a commencé, ce grand, cet énorme, ce fabuleux mensonge excuse tous les autres, les petits, les véniels, les insignifiants, les sans importance …
Alors le menteur d'état se permet quelques entorses à la vérité. Il y a même des mots pour cela, des appellations qui semblent respecter l'étiquette officielle, la petite panoplie du parfait menteur. Le mensonge par omission est le premier d'entre-eux, le moins condamnable puisque rien n'a été dit. En fait il cache bien des vilénies et de nombreuses bassesses.
Le mensonge par soumission est sans doute le pire de tous. Quand un candidat déclare la guerre à la finance et qu'immédiatement il fait allégeance aux puissances économiques, ce n'est rien d'autre que cela. On plie devant plus fort que soi, on se rabaisse mais on garde l'illusion de son importance en vendant n'importe quoi aux manants.
Le mensonge par conviction, le plus lamentable certainement. Il consiste à prêcher le faux, fort de la certitude que l'auditeur est si stupide qu'il ne pourrait comprendre la vérité. C'est le mépris que nous servent à longueur d'antenne les politiques de tous poils, les journalistes leurs amis et les experts en roueries et génuflexions.
Le mensonge par délégation est vicieux. On envoie un chef de cabinet, une porte parole, un parlementaire de second ordre vendre une farce à peine croyable. Le bouffon s'en tire de manière pitoyable mais le prix de sa veulerie est l'exposition devant les projecteurs, une minute de gloire pour une humiliation qui ne dure que le temps de l'oubli.
Le mensonge par jubilation, le péché mignon du vrai menteur, de l'artiste, du champion toute catégorie. Nous en avons eu quelques-uns à la tête de l'état, les partis aiment eux aussi confier leur destinée à ces artistes de l'entourloupe. Rien ne résiste à leur science du faux, du trafiqué, de la contre vérité. Plus c'est gros et mieux ça passe. Chapeau bas messieurs et mesdames !
Nous pourrions ainsi convoquer en notre tribunal populaire bien des mensonges qui portent des panoplies diverses, des masques hypocrites et font de belles manières pour nous rouler dans la farine. Mais nous n'avons guère le temps d'examiner cette kyrielle de grimaces, ce long cortège de duperies permanentes car se présente désormais face à nous le dernier avatar du menteur patenté : la transparence.
Belle invention que voilà, la transparence permet de tout voir, fait de nous des voyeurs et donc des complices éventuels d'un mensonge qu'on aurait laissé passer. Notre vie publique serait ainsi une vérité qui s'avance toute nue, sans même sortir du puits. Elle ne cacherait plus rien, elle s'offrirait à notre désir inextinguible de vérité. C'est trop beau pour être vrai ! Et avouons le, c'est un peu déplacé, ça fait de nous des voyeurs honteux, des princes de la pinacothèque !
Car s'il y a transparence, c'est qu'il y a un écran, une couche, un objet mystérieux entre le regard et l'action. Les plus soupçonneux évoqueront un écran de fumée, d'autres une protection translucide, certains un bouclier de verre. En tout état de cause, il y a quelque chose qui nous éloigne de l'objet examiné.
La transparence n'exclut ni la réfraction, ni la déformation, ni le grossissement ou son contraire, elle isole et protège plus qu'elle ne livre. Nous voyons même nos gros poissons politiques faire des ronds dans l'eau sans bien comprendre ce qui se trame vraiment dans les profondeurs, pardon, les arcanes du pouvoir. La transparence n'est qu'illusion d'optique.
Nous applaudissons à cette nouvelle pirouette. Nous avons une fois de plus été roulés, grugés, trompés, dupés. Nous pensions voir au delà des apparences, nous sommes servis d'une bien triste manière.
Alors messieurs les jurés, vous avez eu raison d'être impitoyables et de condamner ces deux mots épouvantables. La mort est la seule vérité définitive qui convienne et nous pourrions couper quelques têtes de jolis menteurs à moins que nous nous contentions de leur langue quand ils nous la tirent avec tant de délectation.
Transpamenteusement vôtre.
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