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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Le ballon rompt et après...

Le ballon rompt et après...

Un témoignage sans concession sur le monde du football professionnel

L'envers du décor.

Nous retrouvons notre témoin footballeur. Il n'a pas eu peur de confier ses doutes et ses regrets sur son sport à un pourfendeur aussi virulent que moi. Il a bien du mérite et je le remercie sincèrement de ce risque insensé. En cela, il mérite toute mon estime. Je lui laisse la parole.

Le strass et les paillettes occultent tout le travail qu'il a fallu fournir pour devenir pro.

C'est un boulot monstre et en ce qui me concerne je l'ai vécu comme une ascèse. Il faut totalement s'y adonner en acceptant beaucoup de sacrifices. Au niveau affectif : amis, famille, amour, de 12 à 22 ans je n'ai pas eu une semaine de "vacances" !

Au début, pendant les vacances, il y avait les sélections et les stages. Puis, une fois pro on n'a pas vraiment de vacances. Généralement la fin du championnat arrive fin mai et la reprise le 15 juin. Alors que la famille, la copine, les amis sont en vacances, toi, tu es en pleine préparation avec ton club...

C'est d'ailleurs une des raisons qui me pousse à lui demander de venir témoigner dans ma classe. Le sport de haut niveau, c'est une débauche d'énergie, un investissement sans faille. Il faut énormément de sueur, d'efforts, de souffrance et du talent. Mais tout ça ne serait rien sans beaucoup de chance en plus !

Que mon témoin vienne leur un peu dire ses années de jeunesse passées à courir, dribbler, jongler, peaufiner sa technique, obéir aux ordres des entraîneurs, respecter l'arbitre et ses partenaires. Cela, mes élèves ne peuvent l'imaginer, eux qui ignorent souvent ce qu'est faire un effort et qui sont incapables de mettre leur orgueil dans leur poche.

J'ai pris aussi du plaisir à atteindre ce "Graal" en bossant physiquement et techniquement comme un forcené. Il faut être au top, toujours prêt. Pour y arriver, j'ai tout donné et presque tout sacrifié !

Mes élèves ne rêvent que des paillettes. Ils pensent que leur tour viendra, sans contre-partie. Un mirage qui les pousse à ne rien attendre d'autre de la vie. J'aime ce discours de vérité quand les journalistes sportifs ne veulent surtout pas briser l'illusion qu'ils sont chargés d'entretenir.

Quand j'ai été capable de voir l'envers du décor vers 18/19 ans, j'ai tout fait pour profiter de mes proches. J'ai aussi voulu me construire comme homme. J'avais trop vu d'anciens joueurs bardés d'argent qui, une fois leur carrière terminée, devenaient dépressifs, se ruinaient, n'avaient ni femme ni enfants, sombraient dans l’alcool ou autres addictions.

Ceux-là représentent la "norme" des sportifs retraités de haut niveau. D'eux, on se garde bien de parler. 
Mais le pire réside dans le pourcentage d'échecs au niveau des jeunes. Jusqu'à 85%. restent sur le carreau !

Voilà l'envers du décor, l'enfer de la sortie de route. De ça, naturellement il n'est pas question. Pourtant, ces jeunes gens, à qui, pendant leur carrière on fait tout (louer un appartement, acheter une voiture, les nourrir, ...) un jour, ils se retrouvent seuls dans la vie, sans caméra ni supporter et la dépression est terrible. Les agents ont disparus, les clubs les ont oubliés et la vraie vie les rattrape.

Quant un parent met son fils dans un centre sportif d'élite, quel que soit le sport, il n'est même pas conscient qu'il le mène à "l'abattoir". L'échec à l'issue de l'aventure est quasiment certain.

Le pire, ce sont les proches et leurs projections, leurs rêves fous.

Moi, dans ma famille personne n'était sportif. C'était un peu ma chance ! De cette expérience, j'ai beaucoup appris en essayant de ne pas me faire broyer par le système.

Et nous touchons ici du doigt l'immense responsabilité des parents. S'il est fréquent maintenant de ne plus les voir à l'école, ils sont très présents sur le bord des terrains, à vociférer, à pousser leur gamin pour obtenir cette réussite par procuration. Ils sont une plaie pour les éducateurs sportifs qui songent d'abord à ce que les enfants prennent du plaisir, quand leurs géniteurs veulent des victoires et rêvent d'une carrière.

Pour moi, il est difficile d'échanger avec les gens de ce milieu du foot sur de tels sujets. Ils sont bien trop aveuglés par l'illusion que la télé leur présente continuellement. Il est vrai que ce système est un fléau qui a fait du foot un instrument pervers dont la mission est désormais de distraire le peuple, les jeunes, en les éloignant des valeurs essentielles de la vie collective !


L'individualisme est prôné et récompensé sur le terrain comme dans la société.
L'argent permet tout et en son nom, le footballeur pro s'autorise tout et n'importe quoi. Comme tous ceux qui ont beaucoup d'argent.

Et je me remémore des critiques d'amateurs de football après mon premier billet. « Comment osez-vous critiquer la dimension collective de ce sport ? ». « Le football n'est pas et ne sera jamais une activité qui met en avant l'individualisme ! ». Messieurs, prenez la peine d'écouter mon témoin. Lui, plus que moi naturellement, sait de quoi il parle et un jour, pas si loin, il fut de vos idoles !

On fait croire aux jeunes que tout le monde a une chance et peut atteindre la gloire et la richesse. Or, dès le départ, tout le monde n'a évidemment pas les mêmes chances. Dans le foot de haut niveau toutes les perversions de notre société sont portées en étendard, et ces perversions deviennent la 'norme' à laquelle aspirent les jeunes. Et ça c'est évidement une régression.

Je bois du petit lait ! Quel bonheur de lire ces mots. J'aurais pu écrire ces mots. Il y a une étrange convergence d'opinion. Je comprends mieux sa volonté de m'écrire et de me confier ce témoignage que je ne pouvais garder pour moi.

Personnellement je pense qu'il n'y a pas de fatalité. Tout passe d'abord par l'éducation, en ayant plus d'encadrants qui connaissent la réalité du "terrain" par leur vécu. Ces éducateurs doivent informer et sensibiliser les parents comme les enfants.


En ce qui concerne le sport professionnel, je crois qu'il faut prendre ce problème à la base, bien avant l'envie de devenir professionnel ! Chez les tout petits (5 à 10 ans) pas de problème, ils viennent par passion et ne sont pas encore touchés par cette folie.

À partir de 11 ans pour les "meilleurs", le milieu commence déjà à faire son travail de sape, surtout auprès des parent en leur faisant miroiter monts et merveilles. L'important c'est donc de ne pas louper la phase initiale. J'insiste pour encadrer aussi des jeunes afin de partager mon vécu avec les enfants qui débutent.

J'imagine mon vieil ami Henry, grand entraîneur de Rugby, référence au niveau national, lisant ce témoignage. Combien de fois avons nous tenu de tels propos pour un ballon d'une autre forme. Décidément, ce garçon mérite d'être connu. J'ai hâte désormais de le recevoir dans ma classe.

Éducativement leur.

Vidéo d'un autre envers : 


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14 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 6 février 2013 10:42

    Bonjour, C’est Nabum.

    Effectivement, comme vous l’aviez annoncé, la suite du témoignage de ce footballeur confirme ce que j’ai écrit hier, et notamment sur le pourcentage des jeunes qui restent sur le carreau.

    Quant à l’attitude de certains parents, elle est effectivement irresponsable. Certes, comme je l’ai écrit hier, on leur cache trop souvent la réalité de l’approche professionnelle, mais il est vrai qu’ils sont trop nombreux à projeter sur leurs gamins leurs propres rêves de gloire. Ainsi conditionnés, les jeunes s’impliquent à fond dans ce qui, trop souvent, relève de l’utopie. Et pour cause : chaque année, l’effectif professionnel en joueurs français est renouvelé à hauteur de 70 ou 80 individus, ce qui représente de 3 à 4 joueurs par Ligue régionale (22 ligues).

    Ce seul chiffre, que j’ai très souvent utilisé pour mettre en garde les parents, n’est malheureusement que très rarement entendu. Il y a pourtant des exceptions étonnantes, tel ce gamin du Val-de-Marne qui était en équipe de France minimes, et possédait par conséquent sur le papier de bonnes chances de réussir. Son père faisait partie de ces fous qui voyaient en leur rejeton le nouveau Zidane. Le gamin, hyper sollicité en a eu ras-le-bol : il a tout plaqué alors qu’il portait le maillot bleu, préférant se consacrer à ses études. Un cas rarissime.

    A toutes fins utiles, je mets en lien l’un de mes articles intitulé Je hais le football !

    Cordialement.


    • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 12:30

       Fergus


      Merci pour le lien

      Je trouve le titre un peu provovateur
      Personnellement j’écrirais ce hais les comportements excessifs, carricaturaux, prétentieux et absurdes que provoque le football

      J’ai aimé ce jeu, j’ai beaucoup aimé la manière dont on y joue outre-Atlantique, garçons et filles mélangés pour le seul plaisir du jeu.


      C’est parce qu’il en est autrement ici qu’il est à ce point devenu insupportable

    • Fergus Fergus 6 février 2013 15:59

      @ C’est Nabum.

      Le titre était volontairement provocateur, destiné à faire réagir. Car le football, je continue d’aimer cela comme je l’ai indiqué en fin d’article, et cela même si je ne regarde quasiment plus de matches professionnels de championnat ni de matches internationaux depuis 1998.

      Bonne fin d’après-midi.


    • brieli67 6 février 2013 11:10

      Une pensée à OMAR


      sous l’article de Fergus

      les « tuteurs » n’ont pas trouvé mieux que de balancer le fils dans la fosse aux requins

      ps : Aldo Platini n’a pas confié son fils aux Sports-Etudes.
      . Quelques jours plus tard, il est descendu par un défenseur strasbourgeois à l’occasion d’un match de réserve : double fracture de la malléole de la jambe droite. Cette délicate saison s’achève bien avec ses grands débuts en Division 1.
      Les exécuteurs : Léonard Specht et René Deutschmann
       

      • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 12:31

        brieli67


        J’avoue mon inculture en ce domaine ...

      • TSS 6 février 2013 11:52

        Le Henry en question ne serait ce point Henri Broncan ?


        • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 12:32

          TSS


          Et comme je le trouve gascon j’écris Henry avec un Y 

          Il ne m’en voudra pas .....

        • Brontau 6 février 2013 14:06

           Bonjour Nabum. Juste une réflexion en passant. En se servant des ludi circenses pour mieux abrutir le peuple les empereurs romains étaient encore des apprentis. Ils payaient ces jeux sur leur cagnotte personnelle.

           Dans notre civilisation tellement supérieure, ce sont les pauvres qui raquent (et fort cher) le privilège de s’abêtir et enrichissent encore plus ceux qui les exploitent !


          • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 16:26

            Brontau


            Les pauvres aiment être bernés et adorent se bercer de l’illusion d’être à leur tour riches à millions. C’est leur idéal ! 

            Ils sont les victimes idéales d’un système qui les opprime mais dont ils rêvent un jour de profiter. C’est de la folie !

          • leypanou 6 février 2013 16:04

            Merci à l’auteur pour ces articles sur le football professionnel.

            On reproche beaucoup aux parents de « pousser » leurs enfants . Mettez vous un peu à leur place : très souvent, ce ne sont pas de milieu favorisé ; alors entendre qu’un tel se fait du 800 000€/mois, n’importe quel plouc de banlieue ou non se met à rêver pour son gosse s’il est tant soit peu doué. Quand chaque année, on fait le palmarès des sportifs qui ont gagné le plus d’argent, et qu’on entend qu’un sportif en fin de carrière exilé aux Etats-Unis a gagné plus de 17 millions d’€ dans l’année, toute lucidité n’est plus de mise.

            Le formatage des esprits qu’on a à toute heure sur tout média a gagné ; ici, sur agvx, on n’est qu’une poignée à ne pas accepter. Et même si un journaliste n’est pas vraiment d’accord avec ce qui se passe (par exemple le ce que je considère comme scandale du 1 million d’euros de Zlatan Ibrahimovic), il n’a pas intérêt à le faire savoir.

            La gloire à l’individualisme n’est pas terminée et on ne risque pas d’entendre parler des plus de 85% d’échec des candidats au professionnalisme ; de la même manière, on ne risque pas de laisser parler ceux qui sont pour le boycott du football professionnel par exemple à cause des salaires stratosphériques.

            Restons cohérents par rapport à nos convictions : cela fait très longtemps que je ne suis pas allé voir un match de football professionnel pas seulement à cause de la médiocrité de beaucoup de matchs.


            • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 16:28

              leypanou


              C’est parce qu’il pense que l’argent est la seule valeur de cette société.

              Ils jouent au loto, ils grattent, ils parient et si le petit peut devenir une vedette du ballon, c’est encore mieux.

              C’est pathétique et le rêve n’est jamais réalité. La douleur et la frustration sont alors leurs compagnons.

            • Fergus Fergus 6 février 2013 19:59

              Bonsoir à tous.

              En complément à ce que j’ai déjà écrit, il faut savoir que les dirigeants pro et les entraîneurs des centres de formation sont en général totalement indifférents aux gamins. Seuls comptent leur intérêt personnel et celui du club. Je pourrai illustrer leur absence totale d’empathie par divers exemples. Il en est toutefois un qui me tient à coeur :

              Une année, l’équipe cadets dont j’avais la charge est devenue championne de Paris, les mêmes joueurs ayant déjà été champions de Paris minimes. La saison terminée, nous avions monté un voyage en Scandinavie où ont lieu, au début de chaque été, les plus grands tournois de jeunes d’été (la finale de la Gothia Cup à Goeteborg se joue devant 30 000 spectateurs) avec des équipes venues d’Amérique (nord et sud) et d’Asie. Bref, la fête pour ces jeunes. Nous avions constitué une équipe mixte comportant des joueurs de deux clubs. L’ossature de mon équipe était là. Il n’y a manqué qu’un nom, celui d’un gamin parti tenter sa chance à l’Olympique Lyonnais, malgré les mises en garde. Aucun problème pour être à temps à la reprise du Centre de formation. Les dirigeants de l’OL ont pourtant refusé de laisser ce jeune faire cette dernière tournée avec ses copains. Ils sont donc partis sans lui pour 3 semaines au Danemark et en Norvège. Tout cela pour rien : après des mois de galère, mon ex-joueur a jeté l’éponge, complètement écoeuré : terminé l’OL, et terminé le foot !


              • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 2013 20:05

                Jelena XCII 


                Un entraîneur sans doute peut-être indifférent à ses joueurs, un éducateur certainement pas. Mon témoin a fait son centre de formation à Sochaux, il garde un souvenir ému de Françis Gilot. Lui a des valeurs humaines et malgré ce milieu mafieux a su conserver une relation avec tous les jeunes.

                Évitons de généraliser, il y a toujours des exceptions.

                • C'est Nabum C’est Nabum 7 février 2013 11:08

                  Fergus


                  Ce commentaire était pour vous, pardon ! 

                  Un entraîneur sans doute peut-être indifférent à ses joueurs, un éducateur certainement pas. Mon témoin a fait son centre de formation à Sochaux, il garde un souvenir ému de Françis Gilot. Lui a des valeurs humaines et malgré ce milieu mafieux a su conserver une relation avec tous les jeunes.

                  Évitons de généraliser, il y a toujours des exceptions.

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