• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


(---.---.72.58) 24 juin 2006 01:41

Ils sont élus européens de l’UMP, du Parti socialiste, de l’UDF et des Verts. Le 14 juin vers midi, dans la torpeur générale de l’hémicycle du Parlement de Strasbourg, ils ont voté « pour » une résolution exigeant que la France remette la Constitution européenne telle quelle sur les rails de la ratification dès 2007. Pire, ils ont voté « contre » un amendement qui rappelait la règle de l’unanimité pour la ratification et les invitait à exprimer leur respect pour le résultat des référéndums français et néerlandais. Et dire que dans quelques mois, ces partis demanderont de nouveau la confiance du peuple...

Encore un vote passé inaperçu. Nulle part vous n’en trouverez mention ni commentaire. De deux choses l’une, soit nous sommes dans un système politico-médiatique réellement verrouillé où journalisme signifie complaisance, soit le niveau de déliquescence morale et politique dans notre pays est tel, qu’on se contrefout du Parlement européen, de ce qu’y font ou n’y font pas les élus des partis de M. Sarkozy et de Mme Royal. Ce n’est pourtant pas rien, ce qui s’est produit, dans l’hémicycle du Parlement de Strasbourg, le 14 juin en fin de matinée, ainsi que nous vous en rendions compte quelques heures après.

Les députés européens étaient appelés à voter sur une proposition de résolution « Leinen » (du nom du Président de la Commission des « Affaires Constitutionnelles » (AFCO) - parce qu’en effet il y a des « affaires constitutionnelles » dans cette Union sans Constitution..) relative à la seconde phase de la période dite de « réflexion » sur l’avenir institutionnel de l’Union. Ce qui est extraordinaire dans le texte de cette résolution, comme d’ailleurs dans l’attitude des dirigeants européens depuis que le premier pays a dit « non », c’est la plus complète ignorance du droit des Traités. Comme si, ayant perdu ces deux référendums mais étant toujours aux commandes, ils pouvaient s’abstenir d’en tirer les conséquences juridiques qui, elles, relèvent de l’objectivité.

Situation juridique du Traité dont la ratification est rejetée

Il faut en effet d’abord se référer à la Convention de Vienne du 23 mai 1969 qui fixe le droit des traités - et les traités européens n’y font pas exception - pour comprendre ce que devient légalement un traité dont l’un des Etats signataires n’a pas ratifié. L’article 14 de la Convention intitulé « Expression, par la ratification, l’acceptation ou l’approbation, du consentement à être lié par un traité » dispose : « 1. Le consentement d’un Etat à être lié par un traité s’exprime par la ratification : a) lorsque le traité prévoit que ce consentement s’exprime par la ratification ; b) lorsqu’il est par ailleurs établi que les Etats ayant participé à la négociation étaient convenus que la ratification serait requise ; c) lorsque le représentant de cet Etat a signé le traité sous réserve de ratification ; ou d) lorsque l’intention de cet Etat de signer le traité sous réserve de ratification ressort des pleins pouvoirs de son représentant ou a été exprimée au cours de la négociation ».

Pour savoir si le traité de Rome de 2004 entre dans au moins l’une de ces hypothèses, il faut donc, comme nous y invite la Convention de Vienne, se reporter à ses dispositions finales relatives aux « Ratification et entrée en vigueur », (article IV-447) qui stipulent : « 1. Le présent traité est ratifié par les Hautes-Parties Contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives (...) 2. Le présent traité entre en vigueur le 1er novembre 2006, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés (...) » Ainsi, comme tous les traités européens, le traité établissant une constitution européenne exigeait bien une ratification « par les Hautes Parties Contractantes » ni plus, ni moins, lesquelles sont les Etats signataires au nombre de 25. Ce sont donc 25 ratifications, pas plus et pas moins, que le traité lui-même exige, conformément à la Convention de Vienne citée plus haut, pour entrer en vigueur, autrement dit : l’unanimité. Où lit-on autre chose que cette exigence de ratification à l’unanimité ? Nulle part. Le traité a-t-il prévu le cas de rejet de ratification par au moins l’un des Etats ? Oui. Et que prévoit-il ? La déclaration (n°30) annexée à l’acte final précise que « si à l’issue d’un délai de deux ans [...], les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question ». En aucun cas, cette déclaration ne dit que quatre cinquièmes des Etats ayant ratifié, cela suffirait pour l’entrée en vigueur du Traité s’il prend la fantaisie au Conseil européen d’en décider ainsi ! Elle dit que le Conseil se réunit pour étudier la situation dans l’hypothèse où justement, on s’apercevrait que l’unanimité requise ne pourra être réunie. En l’occurrence, les « difficultés » sont apparues bien avant que quatre cinquième des Etats aient eu l’occasion ratifier.

Ainsi, en conséquence du « non », dans un système démocratique, les gouvernants des pays concernés auraient dû d’abord retirer du Traité la signature de leur Etat, ce que ni les dirigeants français, ni les dirigeants néerlandais n’ont fait. Ensuite, le premier « non », celui de la France le 29 mai, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, aurait dû stopper net le processus de ratification dans le reste de l’Union. Or, sur les quinze ratifications déjà effectuées, six ont eu lieu après cette date, comme si de rien n’était. Enfin, il aurait fallu effacer de centaines de résolutions, directives, règlements, recommandations, avis, la référence au Traité constitutionnel. Au contraire, tout se passe une fois encore comme si le Politique était au dessus de la Loi, sous prétexte que c’est lui qui l’a faite.

Recommencer sans le peuple

En ignorant délibérément le droit, ces élus s’assoient sur ce dont ils procèdent eux-mêmes et que la loi devait préserver : la démocratie. Voilà un an que la plupart d’entre eux chantent un discours qui trahit un véritable refus du résultat référendaire. Une non-acceptation du « non » pourtant acquis démocratiquement et à l’issue d’un référendum dont la légalité a été confirmée quelques jours plus tard par le Conseil constitutionnel. Ce serait un « malentendu », « une erreur » des Français selon Giscard - qui lui n’en fait jamais - parce qu’on les a trompés alors que « c’est très mal de mentir aux Français, surtout en campagne électorale » comme affirmait au récent sommet de Bruxelles le Président Chirac, qui en connaît en effet un rayon sur la question.

Leur objectif est donc de trouver à tout prix un moyen de contourner ce vote populaire qu’on attendait pas et dont on remet ouvertement en cause la légitimité. Imagine-t-on M.Giscard d’Estaing, déçu (déjà) du vote des Français, refusant de céder la place à M.Mitterrand élu en 1981 ? Ou une majorité sortante battue - comme c’est le cas à toutes les élections législatives depuis 30 ans - refusant de laisser les nouveaux députés prendre place au Palais Bourbon ? Un an après le « non », nous en sommes pourtant là : les 29 mai et 1er juin ne seraient que de regrettables incidents, sans rapport avec le formidable « texte » européen mais plutôt avec le regrettable « contexte » national, sur le chemin incontournable de la ratification Quoi de plus facile que de recommencer le processus de ratification en passant cette fois par la voix du Parlement, évidemment plus docile, assurant le reste de l’Europe d’un « oui » parlementaire qui tente de faire oublier le « non » des Français ?

Ainsi par cette résolution massivement votée et qui continue de faire référence en tête de ses « considérants » au Traité constitutionnel rejeté, le Parlement européen entend entraîner les autres institutions de l’Union, en particulier le Conseil et la Commission, à le remettre sur les rails de la et ce, au plus tard au second semestre 2007. La date n’est naturellement pas choisie au hasard. Par l’expression « dès que le calendrier politique le permettra », les élus européens ne font guère mystère de leur espoir que l’ère Chirac enfin refermée (combien d’entre eux membres de l’Ump doivent leur siège à Chirac d’ailleurs ?) , le Président Sarkozy ou la Présidente Royal fasse ratifier le projet par la France sans égratignure.

« Soutien au traité établissant une Constitution »

Chaque considérant, chaque point de la résolution ou presque est un incroyable affront à la réalité et au choix des Français. Au premier rang de cette déclaration solennelle, le Parlement européen, députés français de l’UMP, socialistes, de l’UDF et des Verts inclus « réaffirme, d’une part, son engagement à parvenir, sans retard excessif, à une formule constitutionnelle pour l’Union européenne et, d’autre part, son soutien au traité établissant une Constitution pour l’Europe » A la trappe donc, le droit des traités, le suffrage universel et la démocratie ! Après ce grand balayage de Printemps, le même Parlement hausse le ton. Il « met en garde contre toute tentative de détricoter le compromis global réalisé dans le traité, car cela remettrait gravement en question le projet politique européen et créerait le risque d’une Union affaiblie et divisée »

Contre la « ratification à l’unanimité » et « le choix démocratique de la France et des Pays-Bas »

Pire, les députés de l’UMP, de l’UDF, du PS et des Verts au Parlement européen vont plus loin encore dans le déni de droit et le déni de démocratie. Ensemble, ils ont voté « contre » un amendement qui 1. rappelait l’exigence juridique d’unanimité des Etats pour la ratification du Traité, 2. exprimait solennellement son « respect » pour les votes français et néerlandais. Cet amendement (n°13), déposé par le Danois Jens-Peter Bonde et le Français Patrick Louis (MPF) proposait au Parlement européen de mettre en tête de sa résolution deux affirmations simples, par lesquelles il « rappelle que le »Traité établissant une Constitution pour l’Europe« signé à Rome le 29 octobre 2004 ne peut être appliqué sans ratification à l’unanimité, et exprime solennellement son respect pour le choix démocratique de la France et des Pays-Bas d’avoir voté »non« à 54,9 % et 61,6 % respectivement ; »

Le piège politique tendu par cet amendement a donc fonctionné. Par idéologie pure, l’UMP, l’UDF, le PS et les Verts y ont sauté à pieds joints. Ils ont non seulement voté « pour » la résolution Leinen, mais ils ont d’un seul homme voté « contre » ces quatre petites lignes appelant inocemment au respect du droit des traités et du résultat référendaire, c’est à dire contre le principe juridique d’unanimité inscrit dans tous les traités européens et contre « le choix démocratique de la France et des Pays-Bas » ! En votant pour cette résolution et contre cet amendement, ils ont dit haut et fort qu’ils n’entendaient respecter ni le droit international, ni le vote populaire de près de 16 millions de Français...

L’idéologue a toujours raison

Voici donc un « Parlement » qui menace, interdit solennellement que l’on touche une virgule au texte rejeté par le suffrage universel et exige qu’il soit de nouveau dans les tuyaux en 2007. Gardienne du temple européiste contre ces peuples qui votent mal, la majorité au Parlement européen nous apporte une fois de plus la démonstration de ce qu’est l’européisme : une idéologie, qui comme toutes les idéologies a toujours raison, contre les faits, contre les chiffres, contre l’expression démocratique. Si un évènement contredit l’idéologie, les idéologues vous expliquent qu’elle n’a pas été bien appliquée. Si l’Union européenne ne marche pas, que l’euro est un échec etc. c’est qu’il faut aller plus loin dans l’intégration. Si la France et les Pays-Bas ont rejeté l’Europe de la Constitution, c’est qu’ils se sont trompés, qu’ils n’ont pas compris le merveilleux avenir qu’elle leur promettait. Voilà comment ils fonctionnent.

L’idéologue a raison envers et contre tout. Aucun argument proposé, aucune évidence mise sous ses yeux, aucun appel au bon sens n’y suffit. Nous sommes bien placés pour le savoir, ils n’attirent sur leurs auteurs que suspicions, remontrances et excommunications. On serait tenté, avec Marie-France Garaud de dire aux élus du peuple, à commencer par le premier d’entre eux, que s’ils ne se sentent plus capables de représenter la France depuis le 29 mai 2005, c’est à dire de porter les messages du « non » Français - ce qui signifie 1. l’accepter (ce qu’ils ne font pas), 2. le comprendre (ce qu’ils n’essayent pas) ; 3. l’endosser pour y répondre (ce qu’ils ne veulent pas), alors il faut tout simplement qu’ils s’en aillent.

Mercredi 21 Juin 2006 CHRISTOPHE BEAUDOUIN Source :www.observatoiredeleurope.com

et maintenant aussi ne pas oublier LE FAIT, le fait DEMOCRATIQUE : comme dit le précédent commentaire « Tout le monde sait, et les sondages le confirment, que si c’était les peuples qui étaient consultés par referendum, le »non« à cette Constitution là l’emporterait de loin presque partout en Europe. »


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès