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HORCHANI Salah HORCHANI Salah 10 janvier 2012 23:25
« Nouvelles de la Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)
 (Tunis, le 10 janvier 2012) 

Par Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste. Département de français, 
Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie) 

La volte-face de Moncef Ben Salem a encouragé le retour des sit-ineurs 

La situation est de jour en jour plus tendue à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba (FLAHM) et le sentiment d’insécurité gagne de plus en plus les enseignants et les étudiants surtout après l’agression physique dont Amel Jiidi, directrice du département d’anglais a été la victime hier après-midi et la menace de mort proférée à son encontre par un intrus qui s’est introduit à la faculté pour renforcer le groupe des défenseurs du niqàb et qui a été identifié par la garde nationale comme un jeune, habitant à la cité Ettadhamen et ne fréquentant aucun établissement d’enseignement supérieur. Une étudiante terrorisée hier, parce que la salle de classe où elle se trouvait a été envahie par le groupe, a dû sauter par l’une des fenêtres du rez-de-chaussée. Son témoignage a été recueilli par la garde nationale.

Le feuilleton des cours empêchés de se dérouler (au nombre de trois) continue et deux devoirs surveillés n’ont pas eu lieu. Mais le nouvel élément dans l’épisode d’aujourd’hui a trait à la reprise du sit-in. Les sit-ineurs ont passé la nuit d’hier à la faculté, amenant le matériel sophistiqué des meetings politiques avec des haut-parleurs et des micros très performants, et accrochant, entre les arbres du parc, des pancartes rappelant leurs revendications, sauf qu’en guise d’auditeurs, ils n’ont eu qu’une poignée d’étudiants et des journalistes de la chaîne al Jazeera. Tous les ingrédients sont par conséquents réunis pour la reconstitution du contexte qui a prévalu avant la fermeture de la faculté. Les collègues inquiets, scandalisés ou atterrés estiment que la situation est devenue intenable, que les examens semestriels qui auront lieu dans quinze jours sont menacés et que les cours de rattrapage décidés par le conseil scientifique peuvent être suspendus. 

Je n’ai pas voulu hier dans ce bulletin évoquer la menace de mort à l’encontre d’Amel Jiidi avant de m’assurer d’une prise en mains de l’affaire par la police, de peur d’être accusé d’amplification. Pourtant d’aucuns serinent jusqu’à aujourd’hui cette rengaine dans quelques médias. La prise en otage du doyen, la prise en otage de toute la faculté obligée de fermer ses portes et soumise jusqu’à aujourd’hui au diktat des sit-ineurs, l’agression qui m’a amenée aux urgences, Amel Jiidi menacée de mort, tous ces faits ainsi que les injures quotidiennes dont les enseignants sont abreuvés et les atteintes à la liberté du travail ne suffisent-ils pas pour convaincre nos détracteurs et l’état tunisien de la gravité de la situation ? Faudra-t-il que quelqu’un soit grièvement blessé ou qu’il meure à la faculté pour que l’on mesure les dangers réels encourus par tous ceux qui la fréquentent dans les circonstances actuelles ? Ces actes ne constituent-ils pas des délits punissables par le code pénal ? Ces faits ne sont-ils pas assez accablants pour que la justice se saisisse de l’affaire et traduise les coupables devant le tribunal ? Pourquoi livre-t-on la faculté aux sit-ineurs ?

Les universitaires, dans leur écrasante majorité considèrent que l’affaire du niqàb les concerne tous et qu’elle n’interpelle pas uniquement les enseignants de la Manouba comme le montrent, du reste, la grève du premier décembre et le rassemblement du 5 janvier. Ils ne comprennent pas pourquoi la levée du sit-in n’a pas été suivie d’une arrestation des coupables. Ce a qui pu se passer après l’engagement des autorités à ratifier le règlement intérieur sur le niqàb par la publication d’une circulaire demeure, à leurs yeux, un mystère. Un conseil interministériel réuni jeudi 5 janvier pour discuter de la question du niqàb et la rencontre des membres du conseil scientifique de la Manouba avec le président de la république étaient portant porteurs de promesses que la double levée du sit-in avait confortées. Les universitaires ont également caressé l’espoir que la nécessité d’une politique gouvernementale cohérente en matière de niqàb conjuguée à la pression des universitaires amènerait le ministre de l’enseignement supérieur à s’aligner sur la position de Taïeb Baccouche, son collègue de l’éducation nationale dans l’équipe de Béji Caïd Essebsi, favorable à l’interdiction du niqàb dans les collèges, les écoles primaires et les lycées, dans un contexte identique à la situation actuelle et qui a vu la constitution de la Tunisie abrogée. La circulaire de l’ancien ministre de l’éducation nationale n’a pas pour autant été considérée comme illégale par le tribunal administratif et elle est actuellement reconduite par son successeur. La volte-face de Moncef Ben Salem, à qui les universitaires imputent le durcissement actuel dans les positions des sit-ineurs et qui est intervenue à l’occasion de l’émission Saraha Raha, révèle-t-elle des divergences au sein du gouvernement sur la question ? Si tel est le cas, les membres de l’actuelle équipe ont intérêt à accorder leurs violons parce que la situation risque de dégénérer, si l’on ne résout pas le problème. 

Conscients de la gravité de la situation, le bureau syndical de l’enseignement supérieur de la Manouba, celui du syndicat du corps commun, celui des ouvriers et celui des fonctionnaires, appuyés par le bureau exécutif de l’UGTT envisagent d’organiser, dans les meilleurs délais, sous l’égide du bureau national de la FGESRS et de l’URT de la Manouba, une assemblée générale pour prendre les mesures susceptibles d’aider au déblocage de la situation. ». 

Salah HORCHANI

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