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Mastaki Bayange (---.---.129.192) 5 août 2006 18:35

Chronique « tronquée » d’un mécanisme de répulsion réussi en RD Congo

Tout ce qui est véridique s’exprime bien et les mots pour le dire arrivent aisément. D’un, l’auteur du texte semble recourir au faux en commençant par son nom et son lieu de résidence. Pour cause ! Il sait que ses dires sont des histoires qu’on ne peut retrouver dans aucun livre d’histoire. Il est bien de citer quelques phrases hors contexte, mais est-ce cela la vérité ? Chacun a quelque chose qu’il peut raconter du début de l’humanité jusqu’à nos jours, mais est-ce cela la vérité ?

Le second mensonge réside dans le fait de faire croire aux congolais et à d’autres interlocuteurs que les crises congolaises ont leurs origines au Kivu à cause de ses habitants (autochtones et étrangers). La rébellion au Congo ne situe pas le début de la crise au Kivu ni que celle-ci ait été l’œuvre des populations kivutiennes. Le Kivu, après le Kwango, a été utilisé comme terre de pénétration de l’idéologie muleliste/socialiste. Et la plupart des populations du Kivu - les Havu, mon groupe ethnique par exemple - n’ont pas connu ce mouvement demeuré très marginal au Kivu. D’ailleurs, ne dit-on pas, peut-être un peu exagérément que c’est le mwami Kabare qui a mis fin aux derniers soubresauts de la fameuse rébellion au Kivu ? Même quand on cite la guerre dite de « kanyarwanda » (1963-64) à Masisi, le conflit n’a jamais été un conflit engageant tout le Kivu, même pas 1% de son territoire. La guerre des mercenaires de 1967 et leur occupation de Bukavu n’a aucun fondement au Kivu ni sur ses populations. La match de football organisé à Kin le 4 janvier 1959 n’a aucune racine au Kivu, etc.

Quand l’auteur parle de schéma ethniste, ne veut-il pas imposer aux congolais la vision divisionniste qu’on retrouve dans son pays, le Rwanda ? L’ethnisme est un cancer au Congo, un frein certain au développement - un peu comme partout en Afrique - seulement, le Congo n’est pas, sans transfert de l’antagonisme tutsi-hutu du Rwanda et du Burundi, un État qui peut en arriver à des guerres.

Un parallèle abusif entre « ivoirité » et « congolité » ! En Côte d’Ivoire, certains s’opposent à ce qu’un ancien haut ministre du pays puisse prétendre à des hautes fonctions dans le pays. Au Congo, et c’est une de grandes erreurs peut-être, on a laissé Bisengimana Rwema, entré au pays comme étudiant étranger, occuper un poste équivalent à celui du premier ministre pendant dix ans. Sans le confondre avec Kengo, qui pour beaucoup de congolais est un enfant du terroir (cependant un peu comparable au cas Olasane Watara), les congolais ont démontré leur niveau très élevé d’acceptation et d’intégration. Et Ruberwa ?

Les congolais, cher voisin, ne sont pas aussi bornés que vous semblez les dépeindre. Ce qui me rend très surpris c’est que vous ne comparez pas la générosité congolaise à celle que vos autres parents infortunés ont eu en Uganda, voire au Burundi, un pays pourtant tutsi. Si les Fred Rwigema, Kagame et consorts sont allés dans l’armée, n’était-ce pas le seul moyen de quitter les camps de réfugiés rwandais en Uganda, eux qui n’avaient pas eu la chance d’être suffisamment instruits ? Puis, un jour arrive où la plupart de ces gens décident de quitter l’Uganda, le Congo, le Burundi, la Tanzanie, le Kenya pour le Rwanda, pourquoi est-ce seulement ceux en provenance du Congo qui doivent demeurer « tutsi congolais » ? À Morat (Suisse), novembre 1998, c’est cette même question qui a fait mal à la délégation de Kigali composée par Jean Munyampenda, Kanyamacumbi, Jeau Mutambo et Léonard Lindiro. Le Congo n’a pas toujours été un pays désordonné : nous avons accueilli des soudanais, des ugandais, des burundais, des rwandais, des angolais, des tchadiens, des congolais (Brazza)... pourquoi est-ce seulement avec le Rwanda qu’on a des problèmes ?

Ma tentative de réponse se fonde sur deux documents essentiels : sur le plan historique, je cite Le royaume du Ruanda des origines à 1900 de Ian Vansina et, sur le plan juridique, les Accords diplomatiques de 1910. Et je serai très bref.

Le premier document est écrit par l’homme qu’on appelle dans son domaine, le père de l’histoire africaine. C’est grâce à lui qu’une méthodologie a été reconnue pour reconnaître les traditions orales de nos pays. Ainsi, Vansina a décortiqué toute l’œuvre « historique » du philosophe Alexis Kagame. Il trouve que Kagame a bien fait de sauver la tradition orale rwandaise, mais il souligne qu’il n’y a rien d’histoire... Plus loin, il dit que jusqu’en 1900, le royaume du Rwanda n’avait pas des frontières définies. Quand le Rwanda s’étendait à l’Est, il perdait des territoires à l’Ouest ; quand il s’étendait au Sud, il perdait des territoires au Nord. Ainsi, par exemple, pendant que le Rwanda s’étant sur les territoire vers le lac Kivu (1860), il en perd au nord en la faveur du royaume hima de Ndorwa ou encore en la faveur du royaume tutsi concurrent le Burundi. Et quelques années après (1895) le même mwami Rwabugiri qui avait étendu le Rwanda à l’ouest (lac Kivu) est tué par la coalition de quelques havu-shi. À l’intérieur, le Bugesera se soulève et ce sont les Allemands qui sont appelés pour mater la rebellion.

C’est ici qu’il faut dire que le territoire rwanda d’aujourd’hui regroupaient beaucoup de royautés dont celle de Nduga, Mugesera, Ndorwa, Busozo, Bukunzi, Bugoyi, Bukiga, etc. Le seul succès du Rwanda était de s’attirer les bonnes grâces des colonisateurs (Allemands et Belges), de sorte que toute nouvelle conquête coloniale tombait à l’avantage du Rwanda qui, plutôt que de résister à la pénétration coloniale, a préféré collaboré.

En 1910, les Belges, les Allemands, les Anglais s’assoient ensemble pour tracer définitivement les frontières entre eux à l’est. Les négociations avaient beaucoup duré ; c’est leur conclusion qui a lieu en 1910 : c’est les accords diplomatiques de 1910.

Si on n’avait considéré que les cartes issues de la Conférence de Berlin, le Rwanda n’aurait pas existé ; tout son nord aurait été un territoire congolais. Mais en 1910, l’Europe n’est plus très ignorante ; elle a une nouvelle conscience de faire tout le possible pour ne pas séparer les groupes ethniques. C’est ainsi que l’île d’Idjwi qui aurait du être une possession allemande et, par voie de succession peut-être au Rwanda a été rattaché à Kalehe (Congo) parce que les habitants des deux contrées étaient tous des Havu. Mais pour cela la Belgique a cédé plus gros que l’île, à savoir le Bukiga, le Bufumbira, une partie du Bugoyi, etc. C’était un échange qui ne dépendait donc pas des peuples africains... Un élément de ce partage mérite d’être souligné : la place de l’Allemagne dans le tracement de la frontière du lac Tanganika au Soudan.

Contrairement à ce que dit « Mutobola », c’est l’Allemagne qui est la puissance européenne, pas le roi des belges. Avant toute négociation, la puissance européenne a dit que tout pouvait se négocier sauf les royaumes du Rwanda et du Burundi. Ce qui avait été préalablement accepté. Les deux rois protégés ont chacun montré les limites de son royaume qui vite étaient protégées. C’est après qu’Anglais, Belges et Allemands se sont partagés le reste. Les accords diplomatiques sont d’avis que le plus perdant des négociations était le royaume belge (il négociait entre les plus grands en Europe). En réalité, le Rwanda s’est agrandi grâce à la colonisation. Beaucoup d’auteurs dont Catherine Newbury croient que les problèmes profonds du Rwanda sont souvent aggravés par la façon dont les colonisateurs ont rattaché forcement d’autres entités autonomes au Rwanda.

Enfin, d’où viendrait alors cette perception selon laquelle le Rwanda aurait perdu des territoires suite aux découpages coloniaux ? Les propagandistes rwandais oublient souvent une chose : le Rwanda et le Burundi sont des constructions étatiques, donc politiques sur une zone culturelle large hutu. Les Tutsi sont arrivés dans la région dominé par les Hutu et ont créé des royautés sur les territoires des agriculteurs hutu en les dominant... C’est ainsi qu’on va commencer à parler du KinyaRwanda (donc langue parlée au royaume du Rwanda), du KiRundi, du KiHangaza, du KinyaBuisha... Pourtant, il s’agit de la même langue, le GiHutu. Ainsi donc - même si la comparaison n’est pas raison - on ne peut pas prétendre que la France, l’État politique, s’étend partout où l’on parle des dialectes et/ou langues semblables au français.

Je crois que si les Rwandais continuent à penser qu’ils vont arracher des territoires au Congo, et qu’ils demeurent mieux structurés que le pouvoir congolais, du sang va continuer à couler. Mais l’État congolais ou ses héritiers (s’il éclate) ne pourra pas être avalé par le Rwanda qui tend à cacher des problèmes très sérieux qui couvent sur son territoire en jouant le pyromane chez le gros voisin. À la fin, le Rwanda y perdra. Sur tous les plans. Cette forme de propagande passe des paisibles rwandais qui émigrent chez les voisins comme des agents doux de conquête et empêchent leur intégration. À la longue, les rwandais et le Rwanda y perdent.

Merci pour votre temps,

Mastaki


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