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cassios 19 août 2012 11:37
Etant moi même marié à une femme médecin de la nouvelle génération et notamment une gynécologue (on en manque cruellement), je me permets de vous donner une avis un peu plus nuancé et vu de l’intérieur.

Il faut savoir que les études de médecine comportent dès la 3ème année beaucoup d’apprentissage sur le terrain et aussi beaucoup de main d’oeuvre gratuite. Ma femme était quasiment à plein temps à l’hopital très vite pour 1000 francs (non ce n’est pas des euros) par mois.
DOnc la plupart des étudiants en médecine considèrent déjà qu’ils travaillent plusieurs années pour l’état (et ce n’est pas faux, je peux vous l’assurer, enlevez les étudiants en médecine des hopitaux et vous allez sentir la différence).

Ensuite, le problème d’installation des médecins en zone rurale vient souvent d’un point méconnu, à savoir le conjoint/conjointe. En effet, le conjoint/conjointe du médecin a souvent un haut niveau d’étude. Et souvent, si le médecin a du travail en campagne sans problème, ce n’est pas le cas du conjoint/conjointe s’il n’est pas du métier !!!

Dans notre cas, ma femme voulait bien s’installer dans une petite ville de campagne mais cela signifiait pour moi abandonner mon travail et partir dans l’inconnu. J’ai accepté de réduire mon salaire (passer de 2000 euros par mois à 1300 euros) et que la mairie ou l’hopital me trouve un poste de fonctionnaire territorial (j’aime la campagne).
Et là rien du tout, les collectivités pouvaient trouver des postes de fonctionnaires territoriaux à des membres de familles influentes de la région (hé oui, mon entreprise travaille avec les collectivités et je sais qu’elles peuvent facilement pondre des postes quand elles le veulent). Mais rien pour qu’un conjoint de médecin ait un job.

Donc en gros, aller à la campagne pour un médecin consiste à demander à son conjoint de devenir chomeur....
On a fait toutes les villes de notre région car ma femme ne voulait pas devenir libérale mais au bout d’un an de jolis sourires et de belles paroles pour qu’elle vienne à la campagne, c’était toujours le chomage pour moi à l’arrivée.

Donc finalement, elle est devenue libérale dans une grosse ville, elle ne voit plus ses enfants, j’ai gardé mon job et toutes les petites villes de la région ont perdu une gynéco (alors que pas mal de ceux qu’elles ont vont bientôt partir à la retraite...

Une petite précision concernant une autre idée qui consistait à interdir la création de nouveaux cabinets dans les zones « sur dotées » en médecins (Seulement 6 mois d’attente en gros), il faut savoir que les seuls avantagés seraient les médecins qui vont partir à la retraite. En effet, face au manque de médecins, les jeunes médecins, au lieu de racheter à prix d’or le cabinet de celui qui part à la retraite, se contentent d’ouvrir un nouveau cabinet. Une loi pour interdire la création de nouveaux cabinets aurait pour seul effet de forcer les jeunes médecins à racheter à prix d’or les cabinets actuels. Mais vu qu’il y a moins de jeunes qui arrivent que de vieux qui partent à la retraite, les campagnes seraient encore les perdants de l’histoire ainsi que les jeunes médecins qui s’endetteront pour 20 ans (toujours pour que le conjoint ne finisse pas au chomage).

Une autre idée consistait à limiter à 3 ans les remplacements que feraient les jeunes médecins. Il faut savoir qu’actuellement, une jeune médecin qui fait des remplacements n’a pas le droit de s’installer dans la zone où il a fait des remplacements pendant plusieurs années (normal, pour éviter le vol de patientèle). Là aussi cela ne règlerait pas le problème du grand nombre de médecins qui partent à la retraite et du faible nombre des jeunes qui arrivent.
Néanmoins couplée à une loi pour bloquer les création de cabinets, il est clair que cela constituerait une jolie rente de situation pour les médecins partant à la retraite (ils sont très actifs politiquement...). Néanmoins toujours rien pour les campagnes, les jeunes médecins préfèreront passer à la caisse et rester en ville (du boulot pour le conjoint, pas besoin de se déplacer pour la patientèle, les universités et écoles pour les enfants, etc....)

Donc en gros, pas beaucoup de solutions pour la campagne.
Si on force les médecins à aller à la campagne dans un lieu désigné pendant 5 ans, on aura une baisse considérable du nombre de postulants pour la médecine (c’est une métier extrêmement dur pour la plupart d’entre eux). Donc on retrouve le problème en pire dans 10 ans.
Si on interdit la création de cabinets dans les zones sur dotées, on aura soi des médecins qui s’endettent pour reprendre les cabinets, soi des médecins qui partent officier à l’étranger une fois leurs études finies.
Et limiter les remplacements ne donnera rien non plus.

En gros reste une seule solution, étudier réellement pourquoi les médecins ne viennent pas à la campagne et notamment régler le problème du conjoint, voire peut-être faire en sorte que le conjoint ait une certaine souplesse dans les métiers qu’on lui propose pour qu’il prenne en charge les enfants et que le médecin puisse se consacrer à fond à son métier, avoir des places d’office dans les crèches ou des nounous.

Bref, il faut considérer le médecin comme une famille complète qu’il faut intégrer dans la région. On peut proposer au médecin une bonne qualité de vie pour lui et sa famille (et pas forcément un gros salaire) et donc les faire venir.

Les régions n’ont pas forcément d’argent pour faire des ponts d’or mais elles peuvent avoir des idées, elles ont plein de maisons vides qu’elles peuvent réserver et retaper pour loger les médecins et leurs familles, elles peuvent mutualiser les moyens pour acheter du matériel et mettre une maison médicale à un endroit charnière pour plusieurs villes/villages, etc...
Mais il ne faut surtout pas perdre de vue que les médecins de type pompe à fric iront toujours en ville mais qu’il y a beaucoup de jeunes médecins qui ont la vocation (bien qu’ils visent les 35 heures).
Mais le médecin de campagne qui consacre sa vie à ses patients dans toutes la régions, de tous temps, c’est fini. Il faut en prendre acte et s’adapter.

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