Bonjour M. Hervé Hum
J’ai lu avec beaucoup d’attention vos différentes
interventions qui sont par ailleurs très intéressantes. Dans un monde idéal,
vous avez raison. Une Afrique des
peuples et des cultures, en gommant les frontières venues de la colonisation,
serait peut-être, sous un système fédéral, une bonne solution. Pourtant, je n’en
suis pas si sûre, et ceci pour plusieurs raisons.
La première est que l’histoire montre bien qu’on ne revient
jamais en arrière sur le plan historique. Même dans des situations où les
frontières, c’est vrai, ont été décidées de façon complètement arbitraire et
parfois chaotiques, la situation ne revient jamais en arrière.
Il faut à cela ajouter que au sein des nations africaines est
né aussi durant ces longues années de colonisation et post colonisation un
sentiment d’appartenance nationale, ce qu’on constate dans la plupart des pays,
sentiment qui a pris de plus en plus d’importance. Prenez le cas du Cameroun,
où les vrais indépendantistes qui se sont battus contre la France au moment de
la Françafrique, je pense entre autres à Um Nyobé, qui avait créé le mouvement
Union des Peuples du Cameroun, ainsi que d’autres indépendantistes, qui y ont
laissé leur peau, parce qu’ils ne jouaient pas le jeu de la France. Ces gens –là
avaient compris que l’union fait la force. N’oubliez pas que le Cameroun abrite
env. 250 ethnies avec chacune sa culture et sa langue.
La solution est une solution à inventer, une solution d’avenir.
Un système fédéraliste, comprenant comme entités les ethnies avec leurs
cultures, langues, traditions, etc. perdrait en efficacité sur le plan
politique, certaines petites ethnies étant totalement « noyées » sous
le nombre.
La solution serait peut-être un système fédéraliste, à l’intérieur
des pays qui ont acquis un sentiment nationaliste, système basé sur des
régions, ce qui permettrait de prendre en compte les intérêts spécifiques des
régions, tout comme nous avons chez nous des cantons. A l’intérieur de ces
régions, des ethnies, des systèmes traditionnels africains, qui auraient
également leur rôle à jouer, un rôle traditionnel à l’intérieur de leurs
sociétés respectives.
Le grand défi de l’Africain aujourd’hui est celui-là.
Comment conserver toute cette richesse culturelle, ethnique, toute cette
richesse qui provient des traditions, tout en entrant dans un monde moderne,
qui suppose la mondialisation ? C’est un virage qu’il devra prendre dans l’harmonie,
de façon démocratique, sans nostalgie d’un passé pré colonial, un virage qui
verra naître une autre Afrique, celle des nations, des régions au sein de l’Afrique,
des régions au sein des pays, et celle du respect des traditions et des
cultures. Espérons que ce défi sera relevé !