• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Éric Guéguen Éric Guéguen 27 octobre 2012 11:29

@ Morpheus :

Merci pour cette réponse argumentée.

Ce que vous décrivez, survenu en Inde, est l’une des applications de ce que John Rawls appelait le « voile d’ignorance ». Il est tout à fait possible dans le cadre d’une expérience, mais - sauf à interdire aux élèves de discuter entre eux durant l’année, ou à instaurer le communisme pour rompre la logique de classes - il ne peut être mis en pratique dans la vie courante. Cela dit, je ne remettrai sûrement pas en cause le fait que le manque d’estime de soi puisse être un facteur aggravant dans le sort de chacun. Il est certain que l’aura des classes dites « supérieures », plus encore lorsqu’il s’agit de « castes » hermétiques intimide celles et ceux qui n’ont pas l’heur d’en faire partie. Mais l’erreur consiste ici à opposer des blocs à d’autres blocs. Le seul « bloc » qui tienne à mes yeux est la nation. Sous la nation, on ne doit connaître que des individus, sans aucun intermédiaire. Que des communautés d’intérêts ou de sympathie se créent, on ne peut pas l’empêcher, mais on peut empêcher la hiérarchie de celles-ci en faisant primer l’intérêt national sur toute autre considération. Et les deux premiers chantiers à mener, à cet égard, sont la rénovation du regard que nous portons sur la justice et le rétablissement de l’instruction publique. Ces deux institutions ne doivent s’adresser qu’à des individus, ne reconnaître aucun corps intermédiaire, et servir ces individus en vue de leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes dans la poursuite du bien commun.

Je sais que ce que je dis, pour certains, a l’air de « blabla », de choses intenables. Et en effet, le travail est immense, car :
- au regard de la justice, il faut absolument rétablir la distinction entre justice commutative, entre citoyens, et relative aux échanges marchands ou aux crimes (celle qui de nos jours règne sans partage) et justice distributive entre citoyen ET res publica, qui fixe fonctions, honneurs et peines relativement à l’implication dans le bien commun.
La première engendre l’égalité stricte, la seconde l’équité. La première sied à un peuple individualiste et prend corps dans le suffrage universel, relativisme absolu, la seconde à une communauté soucieuse de confier le pouvoir aux plus « aptes », c’est-à-dire aux plus vertueux.
- au regard de l’instruction, il faut impérativement en finir avec la gabegie actuelle et restaurer les vrais savoirs : la maîtrise de la langue maternelle, l’histoire nationale (avec ses pages roses ET ses zones sombres, sans la moindre compromission), la culture classique (et non plus « générale », qui ne veut plus rien dire) et la rhétorique, non comme art d’être trompé, mais plutôt art de ne pas s’en laisser conter, l’autorité du professeur, l’implication véritable des parents et leur responsabilisation. En finir avec les horizons bornés qui consistent à ne faire miroiter aux jeunes de banlieues que des carrières de rappeurs, de footballeurs ou de comiques manchots.
- enfin, il faudra tôt ou tard en finir avec l’esprit de parti, avec le recours au suffrage, éminemment mercantile et nullement politique, rétablir la liberté totale de parole et interdire une et une seule chose : les sempiternels sondages d’opinion, ces sentiers battus pour moutons indolents.

Mais pour ça, en effet, il faut reconnaître à chacun un droit à la dignité, lui faire sentir que tout ce dont il est capable est un atout certain pour le bien commun, mais en même temps qu’il est hors de question de le tromper sur « la marchandise » en lui faisant croire que seuls sa volonté propre et les aides substantielles de l’État sont les vecteurs de sa réussite.
Tout le monde n’est pas capable de tout, tout le monde n’est pas ou ne peut être vertueux, même à coup de pouvoir d’achat (et si De Gaulle a toujours eu foi dans le bon sens populaire, jamais pourtant il n’a cédé au tout-se-vaut, au rêve d’un peuple d’êtres interchangeables et égaux en tout) . Il appartiendra à notre prochaine République de réintroduire le sens des valeurs, de l’ordre (pas au sens policier, j’entends par là que chacun ait ce qu’il mérite réellement, que ceux qui méritent obtiennent et que ceux qui ne méritent pas n’obtiennent pas) : ainsi faudra-t-il enfin considérer qu’un fils d’ouvrier ne doit pas être condamné à être ouvrier, ni qu’un fils d’avocat soit assuré de devenir avocat. Jamais cependant il faudra s’imaginer qu’un ouvrier et qu’un avocat méritent le même salaire, ni que tout homme puisse devenir avocat.

Bien à vous.

PS : Je souscris à votre injonction de responsabilisation, mais j’aimerais beaucoup que nos concitoyens Agoravoxiens passent un peu plus de temps à participer à des débats tels que celui-ci, et un peu moins de temps à commenter l’actualité, les bisbilles du FN, les sorties du Front de gauche, toutes choses INUTILES au possible. Même un sujet comme le mariage homo est de la roupie de sansonnet à côté du chantier qui nous attend. Alors, de grâce, que les uns et les autres prennent leurs responsabilités, s’investissent, réfléchissent, et se détournent comme il se doit d’une actualité stérile qui les endort.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès