• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


HORCHANI Salah HORCHANI Salah 28 décembre 2012 21:55

Tunisie. L’affaire du Sheraton déstabilise le gouvernement

Le ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalam a tenté de justifier, sans convaincre, la nécessité pour lui de séjourner dans le 5 étoiles.

Le cadre de l’affaire n’est pas sans rappeler le scandale DSK, les affaires de mœurs impliquant des républicains US, ou encore le Watergate, même si Olfa Riahi n’a pas le verbe d’un Bob Woodward. En usant des ressorts de l’espionnage politique, la sulfureuse blogueuse met en difficulté l’impopulaire ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, contraint de se justifier sur d’étranges dépenses, à la veille d’un remaniement ministériel censé ne pas toucher les ministères régaliens.

Les faits :

Faisant la part belle aux insinuations, mais factures à l’appui, la blogueuse présente les scans de 7 factures aux montants variant entre 332dt et 516dt, pour un total de près de 3000dt.

Toutes sont au nom de Rafik Abdessalem, et présentent chacune le règlement par un compte du ministère, au profit du ministre, de séjours d’une nuit au prestigieux hôtel se trouvant en face du siège de son ministère.

Toutes, sauf une, réglée en espèces par le ministre, au profit d’une mystérieuse « S.N », dont Olfa Riahi choisira de taire l’identité, mais dont on sait qu’il s’agit d’une femme de 38 ans, mariée. Le ministre dira qu’il s’agit d’une parente. L’intéressée a annoncé l’intention de son époux de porter plainte pour diffamation.

Une dernière facturation, douteuse, est signalée parce que contenant une adresse inexistante, en Ethiopie.

Les réseaux sociaux s’enflamment. C’est que le gendre de Rached Ghannouchi est particulièrement honni, hors Ennahdha, par tous ceux qui voient en lui l’incarnation d’un arrivisme népotique, par alliance, sorte de réincarnation post révolution d’un autre enfant gâté, Sakher Materi, mais avec une épouse beaucoup plus bavarde : la virulente et partisane Soumaya Ghannouchi.

Plusieurs problématiques éthiques

Evacuons d’emblée la question du voyeurisme : si le ministre a éventuellement une maîtresse, cela relève de sa vie privée. C’est ce que la blogueuse reconnaît elle-même dans une interview parue aujourd’hui dans le quotidien Achourouk. Elle se défend de toute bigoterie à ce sujet.

Cependant, il ne faut pas oublier que ce qu’elle qualifie de « forte présomption d’affaires de mœurs » porte sur un ministre conservateur, appartenant à un parti islamiste. Les affaires d’adultère présumées ont naturellement une incidence plus grande dans le cas précis où des partis faisant leur campagne notamment autour des thèmes de l’exemplarité morale et les valeurs de la famille, voient leurs dirigeants épinglés dans ce type d’affaires.

Mais au-delà de cet aspect, ce qui choque les Tunisiens, et ce qui n’est du reste pas nié par Rafik Abdessalem, c’est le montant des nuitées passées au Sheraton. Des séjours de surcroît superflus. « 500dt, c’est le salaire mensuel moyen en Tunisie ! », s’indigne un auditeur d’une radio nationale aujourd’hui.

Dans une réponse accordée (ci-dessus) à un média réputé proche des milieux islamistes, le ministre tente de justifier, sans convaincre, la nécessité pour lui de séjourner dans le 5 étoiles, prétextant de longues journées de travail se terminant à des heures tardives du soir, alors même qu’il dispose d’une armada de voitures avec chauffeurs et que sa résidence personnelle, à Menzah 9, se trouve à 15 minutes de route de son lieu de travail.

On est loin de l’époque où pendant le congrès d’Ennahdha, les proches du ministre faisaient valoir son humilité, lui qui était pris en photo dormant à même le sol.

Soupçons de règlements de compte politiques

Si Olfa Riahi dit plancher sur son enquête depuis plus de deux mois et qu’elle se défend d’avoir sa carte au CPR, le parti présidentiel, elle ne cache pas ses activités de militante au sein de ce parti.

Nous revenions hier sur le rejet de l’ANC du budget de la présidence de la République. Le timing opportun des révélations de l’intéressée fait dire à certains analystes qu’il alimente une guerre fratricide entre Ennahdha et le CPR, s’agissant plus précisément du convoité contrôle de la politique étrangère du pays.

C’est une thèse aujourd’hui renforcée par une initiative de Hédi Ben Abbas, porte-parole du CPR et principal candidat officieux au poste de remplaçant de Rafik Abdessalem : il demande une enquête indépendante immédiate pour l’affaire du Sheraton.

Moins conspirationnistes, d’autres avancent une thèse moins politique : contactée au téléphone, la journaliste Emna Ben Jemâa, ex confrère d’Olfa Riahi à Express FM, a attiré notre attention sur le fait que les factures ne pouvaient provenir que du ministère lui-même, accréditant la thèse de la fuite interne. Probablement le fait de cadres du ministère qui ont manifesté leur hostilité plus d’une fois par rapport à un ministre contesté depuis sa nomination.

Reste la facture réglée personnellement par le ministre, dont la provenance ne peut être en revanche qu’une source dans l’hôtel, pouvant aller de la direction à un simple réceptionniste.

Sur la page officielle de Rached Ghannouchi, un résumé vient d’être fait de son prêche d’aujourd’hui vendredi 28 décembre : il y fait indirectement mention de l’affaire éclaboussant son gendre, et rappelle « le châtiment que dieu réserve aux diffamateurs », « ici-bas et dans l’au-delà », tout en les comparant à ceux qui ont porté atteinte à Aïcha, l’épouse du Prophète…

Olfa Riahi, un personnage haut en couleurs

Même si cela n’enlève rien à l’authenticité des documents présentés et au bien-fondé de sa démarche, l’identité de l’auteur de la fuite est à prendre en compte et est indissociable de cette affaire.

Olfa Riahi, qui se prévaut d’une audience de 250 000 abonnés, est connue pour son activisme alter mondialiste. Elle ne cache pas son admiration pour des figures controversées, dont Hugo Chavez.

Le 4 décembre, elle déclarait « son soutien inconditionnel à Moncef Marzouki, Mohamed Abbou, Abderraouf Ayadi mais aussi à Abou Yadh (ndlr : leader salafiste djihadiste) et à toutes les forces anti-impérialistes nationalistes de ce pays ».

En raison de cet exotisme idéologique rouge-brun, le mini séisme politique pourrait donc se muer en coup d’épée dans l’eau, son instigatrice souffrant d’un déficit de crédibilité lié à des prises de position publiques pour le moins extrêmes.

Source :

http://www.lecourrierdelatlas.com/383828122012Tunisie-L-affaire-du-Sheraton-destabilise-le-gouvernement.html

Salah HORCHANI


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès