• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


wieeinstlilimarleen 1er septembre 2006 19:50

Poursuite de la réflexion débutée avec cet article :

S’il peut paraître discutable de faire passer des réformes sur des actes policiers en conséquence d’un fiasco dont la responsabilité incombe aux magistrats, en voulant déporter le noeud du problème sur un élément annexe, notamment en présentant la garde à vue, c’est à dire 24 ou 48 heures en amont d’une procédure qui dura plusieurs années, une garde à vue qui n’impose à aucun magistrat de placer en détention provisoire pendant des années des mis en cause, une garde à vue qui n’impose à aucun magistrat une conduite à charge uniquement des actes de procédure suivant, comme élément central, le plus douteux n’est sans doute pas là.

Le plus douteux n’est en fait pas nécessairement le fait de faire passer une réforme discutable selon un prétexte inapproprié. Le plus douteux, c’est qu’il s’agit pour la magistrature de botter en touche sur la question de ses responsabilités. Il s’agit pour la magistrature de jouer sur l’image négative de la police (chacun trouvera dans son entourage quelqu’un ayant une anecdote vraie ou fausse à propos de la police à raconter ; de toute façon, les oiseaux de mauvais augure et les éboueurs sont rarement appréciés) pour déporter le débat portant sur ses propres actes. En suggérant qu’il y a une différenciation à opérer entre l’interrogatoire de garde à vue et l’interrogatoire dans le cabinet du magistrat, on invite à deviner des différences d’attitudes, de comportement, entre policiers et magistrats, des différences importantes qui justifieraient que l’on filme les uns mais seulement eux. Et là dessus, on donne un point de vue utilitariste sur la vidéo, disant qu’en terme de manifestation de la vérité, elle ne serait pas très pertinente. Si de telles vidéos seraient impertinentes dans la procédure, à quoi pourraient-elles servir sinon, de fait, à surveiller ceux qui sont filmés ? Et s’il s’agit de surveiller ceux qui sont filmés, comment se fait-il que l’on exclue d’emblée de surveiller ceux qui sont au coeur du fiasco d’Outreau ?

De fait, il s’agit clairement de dire qu’on peut, qu’on doit, soupçonner les fonctionnaires de police. S’ensuivra donc logiquement un énième débat sur la police, où l’on nous invitera à nous remémorer les absurdités proclamées par des officines phagocytés par des courants politiques pour qui toute police est suspecte, voire maléfique (lien).

Pendant ce temps, on aura perdu de vue le fait que les magistrats pourtant complètement remis en cause dans le fiasco refusent qu’on les filme eux et surtout qu’on envisage de les responsabiliser. Ainsi, si l’on prend connaissance du communiqué de presse publié le 25 août par le Syndicat de la Magistrature (lien), on y trouve un discours étonnement traditionaliste. « Retenir comme fautes disciplinaires des erreurs d’appréciation dans l’orientation de l’enquête, ou les conditions d’organisation de réalisation de certains actes d’instruction, conduirait à faire entrer l’acte juridictionnel dans le champ du disciplinaire, fait jusqu’ici inédit », est-il dit. Comment peut-on devant le fiasco d’Outreau reprocher à une évolution son caractère « inédit » ? La tradition ne peut pas tout, un peu d’inédit en terme de contrôle des actes du magistrat instructeur n’aurait pas fait de mal dans l’affaire d’Outreau.

Le communiqué précise : « Si le « mal jugé » est désormais du domaine du disciplinaire, les magistrats seront tentés renoncer à des décisions courageuses et protectrices des libertés individuelles, décisions plus « porteuses de risque », et à s’auto-protéger par la multiplication des vérifications et mesures d’expertise. ». Le lecteur attentif manquera de s’étouffer : les décisions mises en cause dans l’affaire d’Outreau peuvent-elles être décrites comme « protectrices des libertés individuelles » ? Les innocentés d’Outreau auraient-ils souffert d’une multiplication des vérifications et des mesures d’expertises ?

Le communiqué précise que « le Syndicat de la magistrature regrette une nouvelle fois une saisine disciplinaire inspirée essentiellement par le souci de répondre à l’émotion suscitée dans l’opinion publique ». Sauf à disposer de dons de télépathie, on voit mal comment le Syndicat de la Magistrature peut se permettre de mettre en doute la sincérité de la saisine disciplinaire. On peut s’inquiéter de voir des magistrats donner publiquement dans le procès d’intention, c’est à dire affirmer sans le moindre commencement de preuve connaître la pensée exacte d’autrui.

La responsabilité pour les magistrats ne serait pas un luxe. La protection des libertés civiles, des droits des citoyens, priment sur le confort des magistrats. Les magistrats instructeurs ne peuvent prétendre exercer les pouvoirs coercitifs les plus importants prévus par la Loi sans jamais s’engager personnellement.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès