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En réponse à :


joshuadu34 joshuadu34 26 mars 2013 01:43

Bon article, Nemrod, même si j’y apporterais deux reproches :

Le premier, vous le soulevez vous-même en début d’article, concernant le situationnisme, vient de l’étiquette marxiste que vous collez à Debord. Si Debord reconnait la justesse, en son temps, de l’analyse marxiste de la société, il annonce tout de même que cette société est dépassée, dès 1967, date de l’écriture de la société du spectacle, et même avant, dans les publications de l’IS (dans lesquelles il explique que les théories marxistes ne pouvaient pas permettre à des mouvements comme celui de la commune de vaincre). Si Marx s’attache à la valeur « travail », Guy Debord, lui, l’analyse à la lumière des développements sur près d’un siècle, pour s’en éloigner et considérer le travail comme une aliénation volontaire. Son étude de ce point précis se base d’ailleurs beaucoup plus sur les travaux d’Hegel et sur les études philosophiques de celui-ci. Il (Debord) reproche même à Marx de gommer l’aspect philosophique de son étude économique pour n’en garder qu’un aspect scientifique, ce que Debord considère comme un point de vue bourgeois, un obstacle à la réalisation prolétarienne... De même, Debord démontre, toujours dans la société du spectacle, que l’aspect linéaire de la vision marxiste ignorant ce qui deviendrait la « fusion de l’état et du capital », état bourgeois basé sur une force publique pour l’asservissement social, peut même démontrer des analyses fausses.

Bref, on pourrait, à la limite, qualifier Debord de « post-marxiste », puisqu’il associe une lecture marxiste à une pensée philosophique, et à l’étude d’une société et de son évolution, mais surement pas de marxiste... Et encore, à la seule condition que l’on veuille lui accoler une étiquette que lui-même rejetait systématiquement, ne se sentant pas l’âme d’un leader, espèce qu’il conchiait pour leur parti pris et le spectacle qu’ils donnent, justement, en pensant à la place de leurs « troupes », en tenant, comme leurs troupes, un rôle (élément important de l’analyse de Debord)...

Autre point qui me gène (rien de rébarbatif, j’essaie juste d’apporter mon point de vue), il concerne le langage qui vous semble dater et être rébarbatif. Je conçois que les textes de Debord ne sont pas, d’un premier abord, des plus épurés, mais il s’agit, justement, d’une volonté qu’il a, elle aussi, clairement expliquée, de se réapproprier les mots, les phrases, dans une « démarche poétique » (l’art, dont parle Debord) disait-il, tablant toujours sur Hegel et ses études sémantiques. Debord souhaitait montrer ce que le spectacle de la société était essentiellement : le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable, ainsi que l’ensemble des techniques de gouvernement qui accompagne ce règne (et de média, même, y ajouterai-je). A ce titre, Debord pouvait utiliser la sémantique déjà manipulée et détournée, mais lui, et le mouvement situationniste ne souhaitaient pas tomber dans ce piège. Ils ont donc souvent que ce soit Debord, ou les autres situationnistes, préféré se jouer de cette sémantique et pousser le lecteur à redécouvrir le sens de mots pour profiter de la poésie des mots...

Debord, comme d’autres auteurs situs, comme Vaneigem, jouent de ces mots, ce qui, bien sûr, rend la lecture ardue, mais oblige aussi à la réflexion, là ou n’aurait pu n’y être que réaction, si les clichés et les mots simples avaient remplacé ceux utilisés. Sûr que dans notre société de consommation spectaculaire, être obligé de réfléchir chaque page n’est pas un exercice facile, parce que ce n’est pas un exercice habituel là ou tout est habituellement fait pour nous faire réagir, pour se servir de notre empathie, de nos réactions émotionnelles, plutôt que de nos propres réflexions, pour nous faire adhérer à des idées. C’est d’ailleurs là aussi un point que Debord démonte parfaitement, ce populisme compassionnel...

Debord explique, pousse à la réflexion, et là est son seul but puisque lui ne cherche nullement a se poser en leader (ce qu’il aurait pu largement faire en 68, étant un des instigateur du mouvement étudiant par ses écrits, et ceux de Vaneigem, repris par les jeunes qui ont été à la base des mouvements de 68), mais il cherche à pousser à la réflexion, à la compréhension et au dépassement du spectacle, du rôle théâtrale que nous tenons tous dans cette société, pour nous dévoiler à nous-même notre vrai « moi ».

Et ses réflexions vont loin, puisqu’elles entrevoient même déjà la prédominance non seulement médiatique, mais aussi cybernétique, du monde en devenir... Peut-être serait-il bon de s’appuyer sur ses travaux pour en écrire une suite, à la lumière des 45 années qui se sont écoulés depuis l’écriture de « la société du spectacle » ?


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