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Sylvain Rakotoarison Sylvain Rakotoarison 17 février 2015 22:17

À l’auteur,

Vous prétendez avoir suivi des études de médecine (inachevées ?) mais vous ne savez même pas de quoi vous parlez, en confondant euthanasie passive et suicide assisté qui sont deux notions totalement différentes. Je vous propose de mieux vous documenter pour en connaître la différence, si possible avant de soigner éventuellement un patient.

En Suisse, des associations officiellement sans but lucratif font un juteux commerce d’une brèche juridique qui permet effectivement le suicide assisté. Résultat, des abus et des dérives, relevés entre autres dans deux rapports très officiels et incontestables.

Cordialement.

L’Avis n°121 du Comité consultatif national d’éthique publié le 30 juin 2013 (pages 72 et suivantes) :

« Cette absence de législation a parfois conduit à des dérives de la part de certaines associations d’aide au suicide. On a vu ainsi des suicides organisés dans des lieux incongrus, tels des voitures ou des caravanes sur des parkings (automne 2007). Les méthodes ont aussi parfois changé et l’hélium a pu être substitué au NAP (printemps 2008). Une rumeur disait même que des cendres de suicidés avaient été jetées au fond du lac de Zurich (octobre 2008).

Outre des procédés parfois contestables, les associations d’aide au suicide provoquent un malaise quant au « business » de la mort qu’elles développent. En effet, en plus des opérations de marketing et de publicité (annonces, spots radio, publicités dans le métro), le chiffre d’affaires de certaines associations progresse vivement, ayant pu aller jusqu’à doubler en quelques années. Enfin, la jurisprudence a récemment acquitté une accompagnatrice qui avait ouvert elle-même le robinet permettant la perfusion du produit létal, ce qui pourrait s’apparenter à une euthanasie alors qu’elle est interdite.

Mais c’est surtout la largesse des critères de sélection mis en oeuvre par les associations qui suscite la critique. Il n’y a aucune exigence de résidence en Suisse pour les candidats au suicide et c’est pourquoi certaines associations, comme Dignitas, acceptent des étrangers (33% sur l’ensemble des assistances au suicide pour l’année 2007). Cela donne ainsi lieu à un tourisme de la mort qui nuit à l’image de la Suisse et trouble l’ordre juridique des États voisins. Par ailleurs, les associations acceptent souvent des personnes qui ne sont pas en fin de vie. Dans les chiffres de suicides assistés fournis par Exit Deutsche Schweiz entre 2001-2004, 34% des personnes suicidées ne souffraient pas de maladies mortelles. Ces organisations aident aussi parfois des personnes atteintes de maladies ou troubles psychiques. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs reconnu, le 3 novembre 2006, un droit au suicide assisté pour ces personnes-là, à la condition qu’elles soient capables d’émettre un jugement libre (affaire Hass). Enfin, ces dernières années, certaines associations ont ouvert leurs services à des personnes en bonne santé. Cette politique a été annoncée par Dignitas en juin 2008 et Exit Deutsche Schweiz en septembre 2008. »

Le rapport parlementaire n°1287 enregistré par le Président de l’Assemblée Nationale le 28 novembre 2008 (pages 147 et suivantes) :

« L’association semble retirer quelque profit de cette activité aux dires de son ancien secrétaire général adjoint, son fondateur ayant pu prêter parfois directement la main à des euthanasies actives, ce qui lui a valu des poursuites de la part du parquet de Zürich.

Les critères avancés par Dignitas sont interprétés très largement. Selon plusieurs médias, M. Ludwig Minelli a ainsi justifié l’euthanasie d’un frère et de sa soeur atteints de schizophrénie parce que leur père était décédé et leur mère placée en institution ; il en est allé de même d’un couple de quinquagénaires britanniques souffrant d’épilepsie et de diabète. Depuis février 2008, Dignitas propose une autre méthode aux candidats au suicide : elle consiste à fournir à la personne désirant se suicider un sac rempli d’hélium. La personne met alors sa tête dans ce sac et meurt dans un délai pouvant aller jusqu’à dix minutes. Le recours à cette technique s’explique par le refus des médecins sollicités par Dignitas pour prescrire du pentobarbital. Ces pratiques se déroulent sur des parkings d’autoroute ou dans des chambres d’hôtel. M. Gilles Antonowicz, ancien avocat de Mme Chantal Sébire et ancien vice-président de l’ADMD décrit ces situations de la manière suivante : « Je suis en désaccord aussi avec l’attitude de l’ADMD vis-à-vis de l’association suisse Dignitas qui aide à mourir dans des conditions qui n’ont rien à voir avec la dignité de la personne. Il y a des suicides avec des sacs plastiques remplis d’hélium, dans des voitures sur un parking, avec une absence de suivi médical. Ces pratiques doivent être condamnées sans appel. ». Pour sa part l’adjoint du procureur de Zürich, M. Jürg Vollenweider n’a pas dissimulé l’impression que provoquaient ces images  : « Nous voyons beaucoup de choses dans notre métier, mais ces images sont parmi les plus remuantes que j’ai vues. On y voit une personne mourir après un long étouffement, il y a des spasmes, c’est vraiment difficile à regarder. » Lors du déplacement de votre rapporteur en Suisse, il a été indiqué qu’en 2006 moins de quatre heures s’étaient écoulées entre la consultation du médecin de Dignitas et le décès d’un étranger.

En plus de l’aide active qu’elle apporte aux personnes désirant se suicider, l’association Dignitas entend promouvoir partout en Europe le suicide assisté. Pour ce faire, les moyens ne manquent pas. Dignitas ne se contente pas de la diffusion sur Internet des images des suicides auxquels elle coopère, elle envoie également à quiconque le demande un DVD expliquant comment se suicider : « Le patron de Dignitas propose d’ailleurs d’envoyer un DVD de démonstration à toute personne intéressée. Qu’elle soit à Paris, Londres, Berlin ou Monaco. », écrit par exemple un journaliste ayant enquêté sur l’association. Selon son président, si l’association fait payer l’aide qu’elle accorde, c’est pour financer la cause qu’elle défend : « nous avons aussi besoin de fonds pour financer notre lutte pas seulement en Suisse, mais aussi à l’étranger. J’aimerais que les suicides assistés deviennent possibles partout en Europe. », déclarait-il ainsi dans un entretien au Monde.

(...) Les contours très étendus des critères de la pratique du suicide assisté ont été vérifiés par une étude récente soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Des chercheurs de l’Université de Zurich et de la Zürcher Hochschule für Angewandte Wissenschaften (ZHAW) ont analysé les cas de décès constatés par l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich entre 2001 et 2004. L’étude prend en compte 274 personnes accompagnées par Dignitas, ainsi que 147 personnes accompagnées par Exit (entre 2001 et 2004). Les chercheurs ont en outre comparé ces données avec une étude antérieure menée sur 149 cas d’assistance au suicide pris en charge par Exit dans la ville de Zurich entre 1990 et 2000. La part de personnes atteintes d’une maladie incurable était plus grande dans le cas de Dignitas : 79 % souffraient d’affections incurables comme le cancer, la sclérose en plaques ou la sclérose latérale amyotrophique. Dans le cas d’Exit, cette part était de 67 % entre 2001 et 2004.

Les autres patients ne souffraient pas d’une affection incurable : « Il s’agissait pour la plupart d’entre eux de personnes âgées chez lesquelles plusieurs maladies avaient été diagnostiquées, comme par exemple des affections rhumatismales ou des syndromes de douleurs », explique Susanne Fischer, sociologue et coauteure de l’étude. Celle-ci, également soutenue par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) indique que dans des cas isolés, Exit et Dignitas ont fourni une assistance au suicide à des malades psychiques. Or l’aide au suicide n’est admise que pour des personnes capables de discernement.

Deux facteurs peuvent expliquer cette dérive qui vient contredire la présentation faite par Exit et Dignitas de leur activité : le flou des critères et le fait que ceux-ci soient définis par des associations, comme si la collectivité avait implicitement délégué la détermination des valeurs de la société à un tiers, en l’occurrence une personne privée. »


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