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Jacques 28 mars 2015 14:53

Ce texte est réussi, merci à son auteur. La littérature a cette vertu de nous mettre « à la place de » pour faire sentir de plus près le mystère de la nature humaine. Il ne s’agit pas ici de croire mais d’éprouver, de se soumettre par la lecture à l’épreuve (et à la preuve) de la sensation.

De toute façon, ce co-pilote énigmatique est déjà devenu un personnage de fiction, un coupable idéal ; il est traité comme tel par les médias, les procureurs et enquêteurs, et par l’opinion publique manipulée. Comme à l’ordinaire, un roman- feuilleton ultra-médiatisé nous est servi comme biberon officiel, bâti sur des indices cachés (le prétendu « secret de l’enquête » et le prétendu « secret médical » : ils ont bon dos). Avec de l’invérifiable, on nous fait penser ce qu’il est utile que nous pensions.

Dans ces conditions, la littérature - la vraie - a tous ses droits. La vérité romanesque vaut bien celle des bonimenteurs de télévision ; elle vaut même davantage. Le romancier veut faire vivre un personnage, le pouvoir médiatique veut enfumer, nuance. Faire accroire, faire avaler, tout cela dans un but qui n’est jamais désintéressé.

Dans quel but ? Se poser la question c’est déjà y répondre.

Il est évident que deux interprétations de ce drame seraient nuisibles aux dominants :

  • l’acte terroriste (engageant la responsabilité du pouvoir politique)

  • l’abus outrancier du « low cost » (engageant la responsabilité du système marchand)

De ces deux interprétations, la plus redoutée par le système n’est pas celle du terrorisme. Le pouvoir politique nous a montré récemment qu’il savait très bien exploiter la sidération populaire face aux crimes dits terroristes. Qu’est-ce qui reste ? Faites la déduction vous-mêmes.

Le système marchand ultra-libéral mondialisé développe fièrement sous nos yeux sa machine à sous de dernière génération : le transport low cost. Il s’agit de transporter des pauvres en exploitant des travailleurs précaires, et en affichant un mépris ricaneur pour toutes les législations du travail et de la sécurité. Quant aux transportés, n’en parlons pas : rien n’est compris dans le pris du billet, à part le mouvement de l’avion, on a vu jusqu’où. Ces compagnies hors-la-loi sont fières de gagner beaucoup d’argent de cette façon, et elles ont des raisons de l’être, vu qu’elles sont l’emblème du système global qui veut que le grand nombre (les pauvres) enrichisse perpétuellement le petit nombre (les riches) grâce au trucage des échanges appelé « commerce ».

Cet accident est un scandale, oui. Mais ce n’est pas la faute d’un co-pilote endormi ou dépressif.

En truquant le jeu, des compagnies-voyous ont réussi à ce que leurs pilotes apparaissent comme travailleurs indépendants ! Quand ils ne sont pas en vol, ils ne gagnent rien. Leur temps de repos n’est pas rémunéré, ni leur hôtel payé. Pour leur formation, ils ont d’abord dû payer 30.000 euros. N’étant pas des salariés, ils n’ont aucune protection sociale. Leur santé est à leur charge. L’arrêt-maladie ne leur donne droit à aucune indemnité, sauf s’ils ont cotisé à une assurance privée entièrement à leur charge.

Dans ces conditions, le pilote (comme les autres employés) va au bout de ses forces. Même fatigué ou malade, il va au travail. Et s’il s’endort sur son siège, on sait pourquoi. Et si son souffle de dormeur est enregistré dans la boîte noire, on n’a pas à s’en étonner. Une grande saleté est passée sur lui, une grosse broyeuse mécanique, qui s’appelle le libéralisme avancé. Voilà le coupable !


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