Comment le
peuple anglais partisan du Brexit s’est fait proprement enfumé sur les
questions migratoires… Entretien de Médiapart avec l’économiste Colin Hay
Là aussi il
y a un paradoxe : les partisans des politiques néolibérales sont très
heureux de bénéficier d’une immigration à bas coût, et c’est ce que les
électeurs du Brexit leur demandent d’arrêter.
La plupart
des électeurs qui ont voté en faveur de la sortie de l’UE ont en effet le
sentiment que le marché du travail et leurs emplois souffrent à cause de
l’immigration. Mais toutes les analyses académiques démontrent deux
choses : primo, que les immigrants intraeuropéens au Royaume-Uni sont des
contributeurs nets en matière d’impôts et qu’il contribuent davantage au
système de bénéfices sociaux qu’ils n’en reçoivent ; secundo, que
l’immigration intraeuropéenne au Royaume-Uni est globalement composée de
travailleurs hautement qualifiés et hautement payés, en tout cas plus que pour
les autres pays européens.
Il y a donc
une différence considérable entre la perception de l’immigration par l’opinion
et la réalité. De surcroît, l’immigration permet de compenser la bombe à
retardement démographique d’une natalité faible chez les Britanniques.
Comment le
prochain premier ministre va-t-il pouvoir se dépêtrer de toutes ces
contradictions ?
C’est la
grande question : comment va-t-il affronter la déception ? Il y a eu
beaucoup de promesses qui ont été faites durant la campagne pour le « Leave » et
ceux qui les ont faites ne semblent pas disposés à les honorer. Ils n’étaient
guère confiants dans leurs chances de l’emporter et maintenant ils doivent en
assumer les conséquences. Ce sont eux qui ont poussé la question de
l’immigration sur le devant du débat, et c’était le facteur unifiant de leur
campagne. Maintenant ils doivent résoudre ce dilemme : comment avoir accès
au marché unique en restreignant la liberté de mouvement ? Il est évident que
les négociations avec l’UE aboutiront à un résultat guère satisfaisant pour les
électeurs du Brexit. Le prochain premier ministre va avoir beaucoup de
pain sur la planche, d’autant qu’il va devoir s’atteler à ces négociations dans
le contexte d’un probable second référendum sur l’indépendance écossaise et la
perspective de l’éclatement du Royaume-Uni.