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Les Poétes 4 octobre 2016 17:23

« (...) Ainsi est le mythe d’Amphitryon…

Faut-il en rire  ? Faut-il en pleurer  ? Certains n’y verront qu’une farce triviale sur fond de cocuage et de mésaventures conjugales. D’autres relèveront la violence intrinsèque à cette histoire, illustrant la toute-puissance du maître, qui, en totale impunité et arbitraire, s’arroge le droit d’assouvir ses pulsions, ses caprices, sans que nul n’ose y redire – surtout pas les victimes.

C’est à l’exacte intersection de ces deux regards que se situe la vision qu’en propose Sébastien Derrey. Laissant de côté les versions de Plaute (datée d’il y a plus de 2000 ans), et de Molière (créée en 1668), plus connues en France, il s’appuie sur celle publiée par Kleist en 1807.

Si un « autre » est « vous », qui êtes-vous alors  ?

Le poète allemand reprend à son compte les thèmes récurrents du double, de la perte de soi, de l’identité volée, du trouble quand s’annihile toute frontière entre le réel et l’illusion, quand le faux s’affirme pour le vrai, le vrai pour le faux. Quand, encore, chacun vous persuade que vous n’êtes pas qui vous êtes, croyez être (Ah  ! Amphitryon, oh  ! Sosie) puisqu’un « autre » est « vous » – mais, « vous », qui êtes-vous alors  ?

Une écriture et une mise en scène vertigineuses

Tout l’art de Kleist tient autant à la délicatesse de sa description du trouble de la confusion des sens et des sentiments qu’aux charmes d’une écriture vertigineuse, conduisant comme rarement, dans une alchimie savante des malentendus, double sens, ambiguïtés…, aux portes de la folie, de la raison qui déraisonne.

C’est cette écriture que Sébastien Derrey met tout aussi vertigineusement en scène, dans un espace où se confondent salle et plateau, tantôt noyé dans l’obscurité de la nuit trouée de lumières rasantes, tantôt baigné d’une clarté irréelle éclairant le jour et des cieux soudainement déchirés par la foudre jupitérienne. Sous sa gouverne, tout n’est que grâce, délicatesse, légèreté. Le tragique est là. L’humour aussi.

Portées par des comédiens lancés à corps, à cœurs perdus dans leurs personnages, les scènes d’anthologie se multiplient. À commencer, d’entrée, par l’apparition de Sosie et sa découverte de son double Mercure.

Le premier est interprété par Olivier Hureau, un rien clownesque, frère des Estragon et Wladimir de Beckett, magnifique de justesse et d’humanité  ; le second, par Charles Zevaco, à la dégaine de mauvais voyou, terrifiant de froideur jusque dans les coups qu’il porte, d’autant plus terribles qu’ils sont toujours suggérés, jamais montrés.

Des scènes d’anthologie

Autre séquence à s’inscrire dans les mémoires  : les retrouvailles tout en quiproquos entre Amphitryon et Alcmène, chacun ignorant le stratagème de Jupiter. Lui, c’est Frédéric Gustaedt, époux mis à mal, mais prince combattant qui refuse de s’abdiquer lui-même, toujours amoureux  ; elle, c’est Nathalie Pivain, éperdue et perdue, ne sachant plus à quel Amphitryon se vouer, effarée lorsqu’elle s’interroge sur sa culpabilité  : peut-on être responsable de ce qui est involontaire  ?

Fabien Orcier est Jupiter, « faux » Amphitryon à la ressemblance physique étonnante avec le « vrai ». Pour camper un Maître de l’Olympe satisfait de lui-même, il le révèle moins sûr qu’il n’y paraît, conscient qu’Alcmène ne l’a jamais aimé pour ce qu’il était, mais, parce que, dans ses bras, elle n’étreignait que son mari… Fidèle, donc. Pure. La femme serait-elle l’avenir de l’homme  ? »

Source : Didier Méreuze / journal LA CROIX / oct 2016

http://www.la-croix.com/Culture/Theatre/Amphitryon-sosieallemand-2016-10-04-1200793742


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