à l’auteur,
Votre article est très plaisant à lire, mais je ne comprends pas
très bien que vous insistiez si longuement sur la Réforme. Sans
doute, les thèses de Luther font très bien apparaître que l’Eglise
aura toujours su concilier, au mépris de la plus élémentaire
morale et même de son propre enseignement, les « intérêts du
Ciel » ( pour parler comme M.Tartuffe), et ses intérêts
temporels. Mais le personnage que vous évoquez est un catholique
d’aujourd’hui. Le Concile de Trente est passé par là, juste après
la reconnaissance par le pape d’une Compagnie de Jésus dont les
membres étaient habiles dans l’art de réaliser les plus audacieuses
synthèses.
Le cas que vous évoquez me ferait donc penser plutôt aux
« Provinciales » où Pascal, en présentant les choses
d’une manière un peu caricaturale mais tout à fait propre à servir
ses objectifs bassement polémiques, présente la "direction
d’intention" des casuistes de la Compagnie. On connaît tous ce texte
dont je recopie quand même un fragment, pour rafraîchir les
mémoires :
« Sachez donc que ce principe merveilleux est notre
grande méthode de diriger l’intention, dont l’importance est
telle dans notre morale, que j’oserais quasi la comparer à la
doctrine de la probabilité. Vous en avez vu quelques traits en
passant dans de certaines maximes que je vous ai dites. Car lorsque
je vous ai fait entendre comment les valets peuvent faire en
conscience certains messages fâcheux, n’avez-vous pas pris garde que
c’était seulement en détournant leur intention du mal dont ils sont
les entremetteurs, pour la porter au gain qui leur en revient ? Voilà
ce que c’est que diriger l’intention »
L’intention de M,
Fillon n’est donc probablement pas d’accumuler pour lui les biens de
ce monde. Les richesses sont autant de vanités qui risquent -le
chrétien ne l’ignore pas !- de nous entraîner vers le fond après le
Jugement dernier. Il dirige son intention vers l’Etat qu’il veut servir, vers la France éternelle, et
comme rien ne se fait dans ce monde sans la finance, il ne peut quand
même pas se présenter en haillons devant les caméras, ni vivre
dans un deux-pièces avec vue sur cour ! Il faut ce qu’il faut,
et quand on n’est pas M. Trump, il faut bien tâcher de le devenir un peu,
quoi qu’il en coûte à une conscience dès lors atrocement déchirée. Il le faut si on
veut pouvoir faire bonne figure et avoir quelque chance, un jour, de
rendre à son pays les plus grands services. Au fond, c’est d’une
démarche sacrificielle, oblative, que nous sommes les témoins, et c’est là qu’il faudrait voir
quelque chose qui ressemblât à cette Imitation de Jésus-Christ qui
fut la grande obsession de la pensée dévote à l’époque classique.
J’espère quand même pour le pauvre homme que le bon Dieu lui épargnera les souffrances et l’indignité d’un nouveau Golgotha !
Amen.