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Bernard Dugué Bernard Dugué 23 février 2007 13:18

En guise de complément, cette analyse de la prestation de Madame Royal sur TF1. Cet article est encore en cours de validation mais je préfère en mettre une copie avant que la mémoire fasse oublier cette émission.

Autant dire que Madame Royal était attendue au tournant de la campagne, sur TF1, en présence de Français, bref, son étape de l’Alpes d’Huez à elle, la candidate qui a prôné les débats participatifs et qui ne sera on ne peut mieux servie avec sur un plateau, un panel de Français. Enfin, un panel certainement plus représentatif que les Français présents dans les centaines de débats organisés par les sections locales de son parti. Mais comme le laisse entendre le PS, Madame Royal est plus à l’aise dans ce type de prestation que dans un meeting face à la foule. Alors attendons, la veillée d’armes commence (il est 15 heures). Les militants sont prêts à compter les points en bon supporters, alors que les fantassins de la plume se préparent à tirer quelques salves si la candidate dérape. La politique est un combat, sans cadeaux à attendre. Soyons honnêtes, cette mise en scène médiatique ressemble aux jeux du cirque, comme si c’était un moyen d’atteindre les masses déçues de la politique. Les divertir, voilà le cheval de Troie que la bataille présidentielle utilise pour pénétrer dans les foyers. Soyons indulgent, ce genre de prestation n’est pas vain et dévoile quelques traits qu’un œil averti peut déceler mais l’exercice est risqué. Au risque de me répéter, cette émission est ambiguë (à 22h 40 par exemple, un jeune homme reprochera à l’Etat de ne pas l’aider à surmonter sa désintoxication alcoolique )

20 h 50 pétantes, le spectacle commence. Avec un « client » comme on dit, un Français théâtral jouant de la métaphore médicale, ironisant non sans un certain talent sur les maux introduits ou mal soignés par le gouvernement, pour introduire cette réunion entre Madame le Docteur Royal et une France qui semble-t-il, joue dans un premier temps la souffrance et l’inquiétude. Au vu de la première demi-heure, le titre du billet s’impose. « Ségolène Soubirous dans la grotte de TF1, aucun miracle en 2007 » La suite ne démentira pas ce choix.

Avant d’entrer dans l’analyse de la prestation de Madame Royal, une mise au point sur le panel des Français qui une fois de plus se présentent avec une certaine fadeur, ne reflétant pas forcément l’intelligence citoyenne. Pour le dire franchement, on dirait une combinaison entre des attentes sincères, attestées par des vécus, et des « brèves d’opinion de comptoir », lieux communs et autres clichés répétés d’après ce qui se dit dans les médias. Cela dit, tous les candidats ont été logés à la même enseigne. Notons également quelques cafouillages (volontaires ?) PPDA ayant parfois orchestré une sorte de confusion dans l’enchaînement des questions. Par exemple à 22 heures, une question sur l’équipe de campagne puis une sur le contrôle des indemnités de chômage. La teinte de ce panel c’est que chacun des intervenants est préoccupé par son quotidien, ses idées, ses préjugés, ses problèmes, ce qui met en porte-à-faux le principe de la politique qui est d’agir globalement au nom du bien public.

Dans la première demi-heure, le débat participatif a porté sur des questions de santé, de médecine, de retraite. Pourquoi ce choix ? Car il y a eu un choix. Est-ce un choix de TF1 ou une entente avec la candidate ? Toujours est-il que Madame Royal se croit en Ségolène de Soubirous qui redonnera à la France sa place dans le monde (22h 15) mais qui au commencement de cette pièce de théâtre démocratique (21 h), se porte au chevet des retraités, des malades, des handicapés. Le côté mère Térésa de Marie-Ségolène n’aura échappé à personne. Ses incantations sur la santé pour tous et l’Europe de la santé. A retenir tout de même un point positif, le rétablissement des dispensaires.

Ségolène Royal croit en la technologie mais en se méprenant sur son coût ; elle encourage et soutient la « bonne France », celle des excellentes entreprises (21 h 30), celle des bons salariés, celle des entreprises et des salariés qui se reconnaîtront dans ses valeurs (22h 25). Pour la candidate du PS, au cas où cela aurait échappé au téléspectateur, il y a des gens bien et bons, et il y a le reste mais elle ne fustige pas les assistés qui se lèvent tard, contrairement à son concurrent Sarkozy. Sans doute un effet d’ajustement à un certain type d’électorat et s’agissant de la candidate du PS, il faut ménager les marges populaires.

Madame Royal encadre tout, aide les bonnes entreprises, sur des critères précis mais nécessitant une bureaucratie substantielle (chiffrage en moyens financiers et humains) pour être efficace. Madame Royal voudrait tout contrôler et à la limite, penser pour tous, elle régit (régente) l’ensemble de la vie publique, offrant sélectivement des aides, des gages, administrant des sanctions. Sécurisation de l’existence. La France ressemble à cet instant de l’émission à un sanatorium venu écouter les homélies du médecin-chef Royal. La pirouette du premier intervenant avait donné le ton de cette opérette politicienne. A la limite, la politique proposée par Madame Royal relève plus de l’hospice que de l’hospitalité, de l’accueil des individus libres et déterminés. Tout est encadré, régenté, réglementé, jugé, selon l’ordre juste reconnaissant les valeurs de travail et d’investissement social. Bref, une bureaucratie de plus gérant la vie des citoyens, évoquant quelques relents de soviétisme.

Vers 21h45, le sentiment d’un flou politique s’empare de mon esprit. Un magma indigeste de dispositions, pouvoir d’achat, indice pluriel des prix, mise à disposition des jeunes diplômés pour des emplois tremplins dans des entreprises qui vont créer des emplois, avoir des débouchés, des produits qui se vendent sur les marchés grâce aux dispositions de Madame Royal, tout est génial dans ce pays où tout est solutionné par les mesures réglementaires de la candidate du PS. On peut croire en ce discours mais on peut aussi y voir le propos d’une dame dont l’obsession planificatrice relève de la thérapie philosophique, autrement dit, la remettre sur le rail des réalités et du bon sens. Bourse tremplin, parcours sécurisé, le tout organisé selon un flou artistique entre le jugement et la loi, sans tenir compte de l’administration nécessaire pour mettre en place ce programme bureaucratique où en fin de compte, la nation française est à l’intérieur de l’Etat, au lieu que ce soit l’inverse, une société qui vit et crée en partenariat avec un Etat servant de colonne vertébrale et d’arbitre impartial autant que faire se peut, sans être sous la tutelle d’une bureaucratie qui finit par parasiter le fruit du travail et vivre à ses dépends.

En conclusion, on pourra résumer la vision de la France proposée par Madame Royal. Sur le fond, une parenté évidente avec le candidat UMP sur l’effort, le travail et la récompense qui va avec. La différence, c’est la main-mise de l’Etat sur toutes les activités, avec une foi indécrottable dans le bon sens de l’administration et de l’inspection. On reconnaît là la touche de l’ENA. Inutile de nous voiler la face. La prestation de Ségolène Royal fait penser à un oral de concours de la fonction publique quant au contenu, il nous renvoie à l’époque du plan. Sauf que la société est devenue complexe, les gens autonomes et qu’on ne peut décréter ni la croissance, ni la compétitivité d’une entreprise, (en y ajoutant par exemple un docteur en science payé six mois par la collectivité) ni planifier l’existence humaine, au nom d’un parcours formalisé, le même pour tous. Et pour finir, retour à l’esprit de Sarkozy consistant à reconnaître essentiellement le faire, laissant de côté l’être, et de ce fait, récompensant l’effort. La différence ne porte par sur la fin mais sur les moyens. Le travail, la réussite de l’entreprise, l’effort, sont récompensés préférentiellement par l’économie privée et le marché si on prend la carte Sarkozy, alors que l’Etat y va de sa poche si on choisit l’option Royal.

Raymond Aron disait de la France qu’elle est une sorte d’Union soviétique qui a réussi en restant une république démocratique. La prestation de Ségolène Royal nous ramène aux années 1960, avec une nation sous tutelle technocratique (héritage de Colbert et du Roy ?) C’est une erreur de positionnement évidente. Ce n’est pas en revenant en arrière qu’on pénètre dans l’avenir et l’espérance. Les électeurs de 2007 sauront le lui faire savoir.

Pour finir, je dois avouer un certain malaise, ressenti à la fin de l’émission, suivie avec le sentiment d’assister à un accouchement pénible. Et sur la fin, Royal m’a parue fatiguée, lassée, comme si elle s’était trouvée dans un rôle déplacé la rendant quelque peu désincarnée comme personnage, ou du moins décalée. Pas en phase. Suis-je trop sévère ?


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