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tenzinjack tenzinjack 31 mai 2007 08:59

Pour ceux que ça interesse je vous renvoi sur un article de la journaliste Claude B. Levenson qui soutien nos actions

LE TIBET DANS LA LIGNE DE MIRE DES JO DE 2008

ChomoLungma, cette « Déesse mère du monde » plus communément connue sous l’appellation d’Everest, fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps. Un jour, c’est un alpiniste britannique qui est le premier à téléphoner du sommet chez lui par l’intermédiaire de son portable, la société chinoise de téléphonie venant juste d’installer un relais au camp de base. Le lendemain, c’est un Japonais de 71 ans qui devient le grimpeur le plus âgé à parvenir tout là-haut. Un autre jour, c’est une équipe de balayeurs décidés, emmenés par un autre Japonais, qui ramène à Katmandou une demi-tonne de déchets ramassés sur place pour nettoyer les lieux... Toute cette pub bien sûr parce que c’est le plus haut sommet de la planète, mais aussi parce que les autocrates de Pékin ont décidé que la flamme olympique y passerait, sous prétexte de symbole de paix, d’amitié et d’harmonie entre tous les peuples. A l’occasion des JO, bien entendu. Trop beau pour y croire ? Peut-être simplement parce que le slogan des futures joutes « One world One dream » (Un monde Un rêve) réveille de bien curieux échos - ’un peuple, un pays, un führer’, ça ne dit vraiment plus rien aux dirigeants sportifs du monde ? C’était en 1936, à Berlin... Pour l’heure, les mesures de sécurité et de contrôle atteignent des niveaux d’alerte de plus en plus élevés : sait-on jamais ?

Dans la perspective des jeux de 2008, toute la région autour de l’Everest est désormais placée sous haute surveillance renforcée : la moindre incartade ou le plus petit pas de travers seront plus aisément signalés sans retard - merci les télécoms chinois. La poignée de téméraires qui, fin avril, sont allés jusqu’au camp de base clamer leur désaccord avec cette opération de mainmise sur un territoire où les autochtones ne sont plus maîtres chez eux ont certes passé un mauvais quart d’heure, mais s’en sont finalement bien tirés grâce à leur passeport américain. Mieux en tout cas que les Tibétains qui avaient tenté un peu plus tôt de franchir le Nangpa-la et se sont fait tirer comme des lapins sous prétexte qu’ils auraient attaqué des gardes-frontière en cherchant à quitter illégalement le pays...

De la montagne la plus haute du monde comme instrument politique : y aurait-il preuve plus flagrante de la signification éminemment politique de ces compétitions sportives dont les deux principaux piliers de soutien sont précisément ... la politique et l’argent, pour ne pas dire le fric ? A cette aune-là, tous les compromis sont possibles et les magouilles fourmillent. Pauvres athlètes pris au piège de ces jeux parés de mille nobles vertus qui vont se mesurer dans des stades qui servent aussi à l’occasion de lieux d’exécution ! A un peu plus d’une année de la date fatidique du début des festivités, l’idée se lance dans l’arène d’un éventuel boycott pour cause de crise humanitaire au Darfour - sans grande illusion, certes, car comment résister à l’appât des médailles et à la gloire de l’instant victorieux, même au prix du sang et des larmes de millions de laissés-pour-compte à l’écart du périmètre sacré ? Les dieux du stade y retrouveront vraisemblablement leurs dévots.

Nul doute que le Darfour aujourd’hui mérite cette attention publique - mais la question essentielle est autre : si boycott il doit y avoir, comment se fait-il qu’elle n’ait pas été posée d’emblée, en raison de la répression au Tibet, des atteintes aux droits de l’homme et de la suppression des libertés fondamentales au Tibet et en Chine ? Les promesses de Pékin lorsque les jeux lui ont été attribués à Moscou à l’ombre du souvenir du boycott de ceux de Moscou justement, quand le Kremlin avait envoyé ses troupes en Afghanistan ? Du vent - force est de l’admettre, si jamais d’aucuns feignaient d’y croire, peu nombreux étaient ceux qui se berçaient d’illusions. La Chine toute puissante, si puissante qu’il ne faut pas la contrarier ? Fadaises ! Ce n’est pas la Chine que l’on contrarie, mais ses autocrates. Sans doute la Chine est-elle grande, « mais le reste du monde est encore plus grand que la Chine » observait un jour le Dalaï-Lama.

Un minimum de dignité, sinon d’honneur, n’a jamais fait de mal à personne - et respecter ses propres principes en fait partie. La pleutrerie - merci les autorités belges de « prier » le Dalaï-Lama de remettre sa visite alors qu’il était attendu à Bruxelles pour l’ouverture de la 5 e Conférence internationale des groupes de soutien au Tibet - n’est pas bonne conseillère, même dans le monde de la Realpolitik. A preuve : le lendemain de cette escale manquée, le hiérarque tibétain était reçu avec tous les honneurs en Allemagne voisine. Naguère on disait « vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au-delà », en fait il ne s’agit même plus d’une montagne, simplement d’une frontière censée ne plus exister dans l’espace européen : jolie leçon de relativisme. Et à d’autres les protestations effrontées du CIO de ne pas mélanger sport et politique : comme si ces messieurs se mouvaient uniquement dans le meilleur des mondes. Celui d’Orwell, afin de mieux y entraîner une cohorte aveuglée de suiveurs béats ? A moins que ce ne soit une version moderne de la Flûte enchantée...

D’aucuns cependant refusent de s’y laisser prendre - les participants aux discussions de Bruxelles, bien décidés à poursuivre leur combat pour la juste cause du Tibet, et ceux - moins nombreux, mais encore plus déterminés - qui, lors du 1 er Forum mondial pour la liberté du Tibet à Turin, se sont retrouvés sur le thème de l’indépendance d’un pays militairement occupé. C’est qu’un sentiment de frustration s’exacerbe parmi les Tibétains, à l’intérieur comme en exil, face à la mauvaise volonté patente de la Cité interdite d’ouvrir un vrai dialogue avec les représentants tibétains pour trouver une solution bénéfique pour les deux parties au différend tibéto-chinois trop longtemps tenu sous le boisseau. Escompter la disparition du Dalaï-Lama pour briser l’espoir des Tibétains est un calcul à courte vue, car JO ou pas, l’homme ne vit pas que de pain, et comme le notait autrefois Jacques Bacot, « les Tibétains sont un peuple étrange, qui vit à part des autres et ne fait rien comme eux ». C’est dire aussi qu’ils en ont vu d’autres au cours de leur histoire plurimillénaire et que la flamme, pour vacillante qu’elle puisse parfois paraître, est toujours vive.

Claude B. Levenson


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